Extrait d'un épisode de la série The Office, où les protagonistes fêtent Noël

Chief Happiness Officer : acheter le bonheur à coups de Fraises Tagada ?

Jamais, du moins en apparence, les entreprises ne semblent s'être souciées de leurs salariés. Alors on a inventé les CHO... qui proposent une vision du bonheur dont l'angélisme ostentatoire commence à irriter. Une tribune de Stanislas Haquet, de l'agence Angie.

Conscientes de l'importance de l'engagement de leurs collaborateurs dans un monde en constante transformation, de la difficulté à attirer certains talents et, enfin, à l'heure de Glassdoor et de l'employee advocacy, de leur impact sur la réputation de leur entreprise, les boîtes s'intéressent souvent sérieusement au « bien-être ». Cet intérêt se traduit notamment dans certaines d'entre elles par la création depuis quelques années de postes de Chief Happiness Officers, littéralement responsables du bonheur. Si le périmètre et les modalités d'action de ces CHO varient selon les entreprises, dans beaucoup de cas, notamment dans les start-up, une grande partie de leurs actions consiste à œuvrer pour le ´bonheur' des salariés à grand coup de fraises Tagada, de soirées déjantées entre collègues et d'activités ludiques. Une vision du bonheur en entreprise dont l'angélisme ostentatoire commence à irriter voire à poser problème.

Le bonheur n'est ni un devoir ni un impératif

La logique des CHO érige le bonheur non plus en état recherché par chaque individu mais en impératif collectif, en valeur d’entreprise que les salariés se doivent d’embrasser. Ne pas se sentir toujours pleinement heureux devrait au contraire être défendu comme un droit individuel élémentaire. A minima au même titre que le droit au bonheur.

L'effort peut rendre profondément heureux

Pour rendre le salarié heureux, donnons au travail le goût et l’odeur du loisir. Tel semble être le postulat du ‘CHO’. Un postulat qui va à l’encontre de ce qui constitue l’essence même du travail : l’effort. Ce que décrit bien dans l’article de Society l’économiste Dreide McCloskey : « Le concept de Chief Happiness Officer part déjà d’une confusion entre bonheur et plaisir *. Et pour les employeurs, cela revient à tromper les employés en leur faisant croire qu’ils sont heureux parce qu’ils s’amusent. » Avant d’ajouter un peu plus loin : « Je sais que mon travail implique une dose de souffrance, d’irritation, d’effort, que cela n’a rien à voir avec le fait de manger des glaces ou de jouer à des jeux vidéo mais que ça me rend heureuse. »

On ne peut qu’abonder : le bonheur se construit dans une logique d’accomplissement personnel ; le développement et le dépassement de soi en sont des 'forces motrices' (comme le décrivait Kurt Goldstein psychiatre et précurseur de la neuropsychologie moderne) bien plus puissantes sur que l’amusement.

Pourquoi nier la variété et la puissance des émotions ?

En cherchant à imposer un bonheur simpliste comme valeur cardinale, le bonheur mode start-up cherche aussi à étouffer les émotions que les salariés peuvent ressentir. Les notions d’intelligence émotionnelle et d’empathie ne peuvent se développer. Elles sont même amenées à disparaître. Ce qui pourrait passer pour une tentative d’humanisation de l’entreprise constitue en réalité une négation simpliste de la notion même d’individu (nous sommes en grande partie ce que nos émotions font de nous) et de ce qui le rend unique dans sa complexité.

L’entreprise se prive par ailleurs de la capacité d’action positive que peuvent, si elles s’accompagnent d’une certaine intelligence émotionnelle, générer nos émotions ‘négatives’. Oui, la peur peut inhiber mais elle peut aussi nous pousser à renforcer notre vigilance. Oui, la colère et l’indignation peuvent être des ressorts ; oui, trois fois oui, le stress lorsque son niveau est raisonnable et qu’il est suffisamment maîtrisé est source de performance.

Du fake happiness à l'accomplissement personnel

La morale de l’histoire ? Si on peut voir de prime abord l’idéologie du bonheur en entreprise mode start-up et l’arrivée des CHO comme une tendance positive, on doit en fait la combattre dès lors qu’elle se confond avec celle de plaisir immédiat, superficiel et infantilisant, imposée de manière monolithique à tous. En niant la complexité de ce que nous sommes et de ce que nous ressentons, cette idéologie peut au final faire beaucoup plus de mal que de bien. À l’entreprise déjà. Mais aussi et surtout à ses salariés.

A contrario, d’autres démarches peuvent être explorées dans l’intérêt de tous :

  1. - partager un purpose qui puisse faire sens pour chacun ; non pas en imposant une vision et une mission génériques et superficielles, mais en définissant ce qui rend l’organisation unique puis en amenant chaque collaborateur à s’interroger sur la manière dont il pourra y contribuer au mieux. Un moyen de redonner du sens au travail de chacun et de renforcer le sentiment d’être utile.
  2. - écouter les collaborateurs, identifier différents profils et imaginer des solutions adaptées à chacun d’entre eux. Ce qui permet à certains de s’accomplir (plus d’autonomie par exemple) peut en effet ne pas du tout être adapté à d’autres (qui ont besoin de davantage d’encadrement pour reprendre l’exemple précédent). Un moyen de prendre en compte la complexité des individus.

Deux solutions parmi d’autres pour permettre de faire de l’entreprise un lieu (et un moyen) véritables d’accomplissement personnel !


*   Cette confusion entre plaisir et bonheur est développée dans un récent article du monde. « Pour le médecin américain Robert Lustig, cette quête du plaisir, fondée sur la dopamine, est l’ennemie du bonheur, qui dépend, lui, de la sérotonine. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/01/29/reseaux-sociaux-sucre-l-occident-sous-dopamine_5248802_1650684.html#lD8rURj0JSlSqCBD.99


Angie est un bouquet de talents passionnés par la communication corporate et BtoB. Pour en savoir plus :  http://www.angie.fr/

commentaires

Participer à la conversation

  1. Avatar Onvafinirparyarriver dit :

    C'est drôle quand même, les solutions que proposent l'ADN sont en fait les bases d'une qualité de vie agréable au travail et font parties des missions du CHO.
    Vous devriez vous renseigner un peu plus avant de faire des articles qui nuisent à des professionnelles ou à l'image d'entreprise qui ont le courage de changer leur façon de penser le travail.
    Non le CHO n'a pas pour mission de mettre un baby foot, d'acheter des bonbons et de faire le GO dans les bureaux. Ça s'est votre vision étriquée et caricaturale pompée sur d'autres médias.
    Le CHO a pour missions principales de mesurer la satisfaction des collaborateurs et de travailler sur les problématiques qui touchent l'organisation meme du travail :
    Adapter le rythme et les conditions de travail aux besoins des équipes (espaces de travail ouverts, fermés, télétravail, flex office, coworking), adapter leur matériel.
    Si ce n'est pas encore le cas, généraliser un management bienveillant.
    Donner plus d'autonomie et de responsabilitées.
    Optimiser des process et en supprimer.
    Communiquer une vision clair de l'entreprise. Donner du sens aux missions, pour sentir que chacun œuvre à la réussite de l'entreprise.
    Attirer des talents et garder ceux qui sont deja en interne.
    Offrir une vision clair des perspectives d'évolutions dans l'entreprise.
    Encourager les projets personnels.
    Je n'ai pas le temps de toutes les citer mais voilà une partie des missions d'un CHO. Contribuer à faire vivre une Expérience collaborateurs tout comme aujourd'hui les entreprises se soucient de l'Expérience client.
    Une fois que cette base est solide, ça dérange qui d'avoir à sa disposition des espaces de détente, des fruits frais, du café ou des boissons ? Qu'on fête les succès des équipes et de l'entreprise, qu'on prenne des moments pour se rassembler et Federer les équipes sur une journée ou en séminaire ?
    Heureusement pour nous, beaucoup œuvrent dans ce sens.
    Il va encore falloir se battre longtemps pour lutter contre des stéréotypes et des caricatures énoncées par des esprits obtus et/ou aigris mais l'organisation du travail va évoluer.

  2. Avatar Onvafinirparyarriver dit :

    C'est drôle quand même, les solutions que proposent l'ADN sont en fait les bases d'une qualité de vie agréable au travail et font parties des missions du CHO.
    Vous devriez vous renseigner un peu plus avant de faire des articles qui nuisent à des professionnelles ou à l'image d'entreprise qui ont le courage de changer leur façon de penser le travail.
    Non le CHO n'a pas pour mission de mettre un baby foot, d'acheter des bonbons et de faire le GO dans les bureaux. Ça s'est votre vision étriquée et caricaturale pompée sur d'autres médias.
    Le CHO a pour missions principales de mesurer la satisfaction des collaborateurs et de travailler sur les problématiques qui touchent l'organisation meme du travail :
    Adapter le rythme et les conditions de travail aux besoins des équipes (espaces de travail ouverts, fermés, télétravail, flex office, coworking), adapter leur matériel.
    Si ce n'est pas encore le cas, généraliser un management bienveillant.
    Donner plus d'autonomie et de responsabilitées.
    Optimiser des process et en supprimer.
    Communiquer une vision clair de l'entreprise. Donner du sens aux missions, pour sentir que chacun œuvre à la réussite de l'entreprise.
    Attirer des talents et garder ceux qui sont deja en interne.
    Offrir une vision clair des perspectives d'évolutions dans l'entreprise.
    Encourager les projets personnels.
    Je n'ai pas le temps de toutes les citer mais voilà une partie des missions d'un CHO. Contribuer à faire vivre une Expérience collaborateurs tout comme aujourd'hui les entreprises se soucient de l'Expérience client.
    Une fois que cette base est solide, ça dérange qui d'avoir à sa disposition des espaces de détente, des fruits frais, du café ou des boissons ? Qu'on fête les succès des équipes et de l'entreprise, qu'on prenne des moments pour se rassembler et Federer les équipes sur une journée ou en séminaire ?
    Heureusement pour nous, beaucoup œuvrent dans ce sens.
    Il va encore falloir se battre longtemps pour lutter contre des stéréotypes et des caricatures énoncées par des esprits obtus et/ou aigris mais l'organisation du travail va évoluer.

  3. Avatar cyrille dit :

    Bonjour Je suis journaliste et je travaille sur le role des CHO. Vous semblez avoir une vision claire sur cette fonction. Pourriez vous me joindre sur ma page Facebook "Cyrille Pitois"? Merci et à très vite

  4. Avatar cyrille dit :

    Bonjour Je suis journaliste et je travaille sur le role des CHO. Vous semblez avoir une vision claire sur cette fonction. Pourriez vous me joindre sur ma page Facebook "Cyrille Pitois"? Merci et à très vite

  5. […] censées renforcer le bonheur des employés. Ça va du baby-foot (oui, il y en a encore) aux Chief Happiness Officers, responsables officiels du bien-être des employés. Problème : ces initiatives coïncident toutes avec une vision très normée du bonheur, et […]

  6. Avatar Damien dit :

    Bonjour
    En général je ne commente pas mais là je n’ai pas laisser passer tant d’ineptie.
    Je suis manager et il n’y a pas de clown boso chez nous.
    Nous sommes dans une entreprise et pas au jardin d’enfants. Il est incensé de déplacer des univers professionnels avec des relations infantilisantes et personnelles. Si un malaise existe, parlez au manager. Ça ne sert a rien d’aller recevoirle ballon que le clown vous lance sur la teonche devant vos camarades hilares.
    Cessez de chercher les jupes de maman au boulot ! On bosse dans un univers sain et performant. Et c’est par l’effort qu’on se distingue et qu’on trouve l’épanouissement Au travail et non pas en venant lancer dès confettis

    Et par rapport au commentaire precedent on retrouve toutes les fonctions et les rôles du manager (communiquer, donner une vision claire...)
    Et non on attire pas des talents en mettant Ronald et Donald sur le plateau
    Si in vous montre ça, fuyez !

  7. Avatar CHO dit :

    Je pense qu'il vous serz fortement utile de lire "chief happiness officer" de la boite à outil de chez Dunot avant de rédiger un contenu sur un métier.

    Merci d'avance.

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