
Alors que les rêves les plus fous de voitures volantes nous laissaient imaginer un futur digne du Cinquième élément, les tendances actuelles nous projettent un peu moins loin, mais toujours demain. Voici quatre de ces mouvements qui agitent le secteur, et nous permettent d’imaginer les véhicules de demain.
Des voitures différenciées selon leurs usages
L’objectif de l’ensemble des constructeurs automobiles semble clair : il s’agit d’aller vers un véhicule le moins polluant possible. De sa conception à son utilisation en passant par la technologie embarquée, c’est toute une filière qui est en train de se réinventer, comme en témoigne la récente réorganisation du groupe Renault qui a conduit à la création d’une filiale 100% électrique, baptisée Ampère.
Cette projection vers un véhicule zéro émission pourrait avoir à l’avenir d’autres implications. Parmi elles, une plus grande spécialisation. C’est en tout cas la vision de Patrick Koller, directeur général de Faurecia, société du groupe FORVIA, 7ème équipementier mondial, qui mise sur la technologie. Selon lui, “ On peut imaginer des véhicules qui vont se spécialiser en fonction de leur cas d’usage. En milieu urbain, nous aurons davantage de petites voitures de faible autonomie, environ 200 km, qui disposeront de batteries électriques de plus petite capacité, plus simples et sûres, et dont la recharge sera plus facile. En dehors de ces zones urbaines, pour des personnes vivant en zone rurale, avec une possibilité de charge à domicile, il y aura des véhicules de taille plus importante qui embarqueront des batteries de plus grande capacité et qui disposeront d’une autonomie de l’ordre de 500 km. Enfin, il pourra y avoir des cas d’usages multiples, en périurbain avec des variétés de distance plus ou moins importantes. Ces utilisateurs s’orienteront vers l’hydrogène et on pourra assister à une hybridation batterie / hydrogène qui permettra de répondre à la variété des situations rencontrées. » Une forme de différenciation des véhicules à venir selon leurs usages, qui permettrait à chaque conducteur de bénéficier du meilleur en fonction de ses besoins.
Des voitures à la durée de vie plus longue et modulables
« Il ne me parait pas pérenne d’avoir un modèle économique qui fait que la voiture perd de sa valeur aussi rapidement que c’est le cas aujourd’hui. Une voiture aujourd’hui est capable de parcourir 200 000 kilomètres sans aucun problème at au bout de 3 ans elle ne vaut plus que 30 % de son prix initial. Ça n’a pas de sens ! », constate Patrick Koller. Son entreprise est bien décidée à y répondre, en faisant sien le mantra Use less, use better, use longer (utiliser moins, mieux, et plus longtemps). Une conviction : il est tout à fait envisageable, notamment grâce à l’électrification de la mobilité, qu’elle soit à batterie ou à hydrogène, d’augmenter significativement la durée de vie des véhicules. Et donc d’ouvrir de nouvelles voies pour s’adapter à cette nouvelle norme. La modularité deviendra le maître mot et concernera l’intégralité de l’équipement d’une voiture pour avoir la possibilité, par exemple, d’ajouter des sièges ou des nouvelles fonctionnalités, de les changer et de réaménager l’espace selon les besoins.
« Si on conserve une voiture une dizaine d’années plutôt que 4 ou 5 ans, son intérieur devra évoluer, s’adapter aux nouveaux besoins. Si vous achetez une voiture en tant que célibataire et que, 10 ans plus tard, vous avez deux enfants : vous n’avez plus besoin de la même voiture. Pouvoir faire évoluer l’intérieur de la voiture comme nous le faisons avec une cuisine, par exemple, dans un appartement ou une maison devient central. Faire du sur-mesure avec des objets standards. » illustre Patrick Koller. Le dirigeant s’attend à ce que l’usage redéfinisse les aménagements et que l’intérieur des véhicules soit l’objet d’attentes nouvelles de la part des consommateurs.
Cette idée de la modularité et du cycle de vie des pièces est aussi centrale lorsque l’on interroge la vision de la voiture de demain de l’équipementier. Christian Haase, vice-Président du département Design and Development de HELLA précise ainsi que « les composants comme les phares peuvent être emboîtables, ce qui signifie qu’à la fin de vie du véhicule, on peut les extraire et les utiliser ailleurs ». Une innovation qui impliquerait une réduction très significative des déchets automobiles et un recourt beaucoup plus simple au recyclage. Changer des pièces lorsqu’elles ne fonctionnent plus plutôt que d’envoyer la voiture à la casse pourrait devenir demain la norme. Corollaire de ces évolutions, l’on devrait se diriger vers davantage de maintenance, et une maintenance prédictive par la connectivité devrait émerger.
La voiture de demain sera électrique et (un peu) autonome
Pour Christophe Aufrère, Chief Technical Officer de Faurecia, c’est une certitude : la voiture de demain sera électrique. « On est passé de l’électrification à la voiture électrique. Il y aura des véhicules à batterie et hydrogène ou un mix des deux. Pour l’hydrogène la tendance ira des utilitaires aux véhicules particuliers. On travaille à des systèmes de stockage plus « conformables », qui se mettront à la place des batteries. Si on arrive à faire cela, la part des véhicules d’hydrogène sera plus importante que celle que l’on envisage aujourd’hui. ».
L’équipementier anticipe l’automatisation de la conduite. Ce qui va modifier la vie des passagers dans le véhicule. Les niveaux 2 se généralisent et le 3 où le conducteur pourra être « eyes off » est apparu récemment dans certaines voitures haut de gamme. Le niveau 4, « eyes off, mind off » peut être envisagé dans certaine configurations de roulage par exemple sur des voies protégées comme l’autoroute. Pour autant, la conduite autonome partout pour tous les cas d’usage paraît difficilement envisageable pour remplacer.
« On sous-estime, sinon le plaisir mais l'envie de conduire, ce n'est pas à minorer » souligne Patrick Koller. De plus, le coût d’une conduite autonome risque aussi de constituer un frein prévient-il : « Il faut s'imaginer la complexité que représente une autonomie complète, partout, cela risque de coûter une fortune ». La conduite autonome pourrait aussi avoir des vertus pour rendre la conduite plus accessible : « Finalement, il sera possible de proposer des solutions alternatives pour des gens en incapacité de conduire. Certaines personnes n'ont pas le droit de conduire, comme les épileptiques, ils pourront à terme récupérer ce droit à conduire car la voiture saura gérer d'éventuelles crises. »
Une industrie auto soumise à des incertitudes
Yann Brillat-Savarin, le vice-président exécutif chargé de la stratégie de FORVIA, évoque de son côté une tendance qui résulterait de la stratégie de baisse des émissions : une régionalisation des modèles. Pour économiser des transports de matériaux, les modèles de véhicules de demain s’appuieront davantage sur des stocks produits localement or, les matériaux étant d’une région du globe à une autre quelque peu hétérogènes ou disponibles dans des quantités différentes, cela signifie que les modèles ne seront pas totalement identiques d’une région à une autre. C’est-à-dire que l’on passe d’une uniformité des modèles de véhicules à une sorte d’hétérogénéité régionale.
Enfin, l’industrie automobile évoluant dans un environnement en mutation perpétuelle et complexe, la rareté et la compétition des talents, ainsi que les modifications de business-model devraient également avoir des impacts importants qui modifieront en profondeur la voiture de demain.
Des défis qui engagent l’ensemble de la filière, afin de construire ensemble une industrie innovante et durable.
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