Les centres-villes sont-ils encore des lieux de sociabilité et de flânerie ?

Les centres-villes sont-ils encore des lieux de sociabilité et de flânerie ?

© Jan Antonin Kolar

Les centres-villes ont souvent été considérés comme des lieux de rencontre et d'échange entre les citoyens, mais est-ce encore le cas en 2023 ? À l’occasion du SIEC, Myriam Trabelsi, membre du comité éditorial et présidente déléguée Club des Managers du Centre-Ville (CMCV), nous raconte les différentes dynamiques de ces lieux si chers à nos communes.

Redonner vie aux centres-villes est une tâche complexe. De l’habitant au commerçant, il est primordial de reconnaitre l’influence de chacun dans la dynamique des espaces publics. Cette thématique importante pour l’avenir sera abordée lors du Salon international des espaces commerciaux 2023.

Dans le domaine du développement urbain, de la croissance économique et de l'engagement communautaire, Myriam Trabelsi se démarque en tant que force dynamique en coulisses. En tant que Responsable de la Promotion Économique et Commerciale au sein du Grand Paris Grand Est, vaste Établissement Public Territorial (EPT) couvrant une partie de la Seine-Saint Denis (14 municipalités pour environ 400 000 habitants), elle joue un rôle essentiel dans la définition de la vision stratégique du progrès économique et commercial. Son parcours, marqué par un mélange unique d'expériences, l'a conduite du secteur privé, où elle a perfectionné ses compétences dans des géants de la vente au détail, au secteur public, transformant ainsi le paysage du développement communautaire. Le parcours de Myriam Trabelsi témoigne de sa polyvalence, de sa passion, de son engagement à favoriser des économies urbaines dynamiques et le rôle essentiel qu'elle joue au sein du Grand Paris Grand Est et au-delà.

Les centres-villes évoluent, avec une montée des zones commerciales en périphérie. Cela remet-il en question leur vitalité sociale ? 

Myriam Trabelsi : En effet, la dynamique du centre-ville persiste malgré les changements. Cette vitalité a même été renforcée par des évènements récents comme la pandémie. La quête de connexion sociale demeure forte. Nous sommes engagés dans la revitalisation urbaine en créant des espaces propices aux échanges et répondant aux désirs des résidents. Les consultations de quartiers guident notre approche pour façonner un tissu commercial cohérent, répondant aux divers besoins et nourrissant la sociabilité au cœur de la ville. En tant que professionnelle du commerce, je comprends l'importance cruciale du centre-ville. Ma perspective découle de ma relation profonde en tant que consommatrice et habitante. Je reste centrée sur les interactions humaines, passant 80 % de mon temps sur le terrain avec les entreprises et les habitants. Ce métier exige une ouverture aux autres, de la curiosité pour mieux répondre à leurs besoins. Pour façonner la ville de demain, je prône une collaboration entre les pouvoirs publics, les habitants et les entreprises puisque ce sont eux que nous servons. 

L'aménagement urbain joue un rôle crucial dans la revitalisation des centres-villes. Pourriez-vous donner des exemples concrets de projets de revitalisation dans votre domaine ?

M. T. : Bien sûr, permettez-moi de partager avec vous quelques exemples concrets de projets de revitalisation urbaine sur lesquels nous travaillons actuellement. L'un de ces projets se déroule dans la ville de Montfermeil, une commune d'environ 28 000 habitants. Bien que de taille modeste, Montfermeil possède un patrimoine riche et un caractère bien défini. Ce projet, appelé « centre-ville élargi », vise à transformer et rajeunir le centre-ville existant. Ce dernier a montré des signes de vieillissement, en particulier dans la rue commerçante et les zones centrales. Nous avons constaté une concentration excessive d'activités similaires mais la diversité de l'offre fait défaut. Les habitants, les Montfermeillois, expriment le souhait de trouver une variété d'options répondant à leurs attentes et besoins variés. L’un de nos objectifs est de décourager l'évasion commerciale, c'est-à-dire que les résidents aillent dépenser leur argent dans d'autres villes. Pour y parvenir, nous aspirons à rapatrier les actes d'achat en offrant une gamme diversifiée et de qualité de produits et services. Il s'agit de comprendre les besoins spécifiques de la communauté et de créer une offre qui y réponde de manière adaptée. Cela implique une collaboration étroite avec les enseignes pour aligner leurs offres sur les attentes des habitants. 

La coexistence des petits commerces locaux et des grandes enseignes en centre-ville n’est pas toujours facile. Comment équilibrer cette dynamique ?

M. T. : Cette équation complexe occupe les administrations municipales car chaque centre-ville présente sa propre configuration. Chaque endroit a ses avantages et contraintes spécifiques. Pour préserver le tissu des petits commerces, des dispositions légales ont été instaurées. Les managers commerce assument un rôle clé, un poste incontournable aux villes en tant qu'intermédiaires entre les entrepreneurs, les résidents et les orientations urbanistiques. Cette médiation permet de préserver un délicat équilibre tout en maintenant l'authenticité des commerces locaux. Nous ne devons pas opposer centre-ville et périphérie mais arriver à pérenniser l’avenir du commerce physique en jouant sur une complémentarité. Les zones de protection des commerces constituent également un mécanisme de sauvegarde de la diversité commerciale.

Quelles sont les stratégies à envisager pour revitaliser les centres-villes et encourager les activités autres que la consommation ?

M. T. : La revitalisation urbaine que nous cherchons à accomplir va bien au-delà du simple aspect commercial. Elle est la résultante de cinq fonctions (habitat, flux, services non marchands, identité tels que le patrimoine, l’espace public, économique incluant l’emploi en cœur de ville). Notre projet vise également à améliorer la sociabilité et à créer des espaces de rencontre. Je collabore étroitement avec les équipes de conception et d'aménagement urbain pour réaliser cette vision. Des éléments tels que le mobilier urbain et les espaces végétalisés sont au cœur de cette transformation. En plus des services commerciaux, nous visons à offrir des services publics accessibles pour l'emploi et l'administration. Prenons l'exemple de la ville de Gagny, où une esplanade aménagée avec un parking souterrain a considérablement amélioré la vie quotidienne des habitants. L’arrivée du projet « Ilôt de cœur en ville » en 2025 viendra complémenter le quotidien des habitants et redonnera un vrai dynamisme grâce à l’implantation d’une halle gourmande, d’un bowling, de commerces…L'intégration d'espaces verts dans les centres-villes est un défi complexe qui nécessite une réflexion approfondie. Il y a une volonté politique de le faire mais des considérations techniques et de conception doivent être prises en compte. Car si les espaces publics jouent un rôle crucial dans la lutte contre le réchauffement climatique, grâce à l'ombre et la végétalisation par exemple, ils offrent également des espaces de loisirs et de rassemblement. Trouver le bon équilibre entre ces éléments et les autres aspects urbains est essentiel. Des exemples comme la transformation réussie d'une esplanade à Gagny, la création de l’éco-quartier l’Ile de la Marne à Noisy-le-Grand ou encore le camping municipal de Neuilly sur Marne avec ses tiny houses. montrent que cela peut être réalisé avec succès.

Le numérique est un levier incontestable de transformation mais il pose des défis d'inclusion. On peut penser aux services administratifs par exemple. Comment abordez-vous cette dimension dans votre travail ?

 M. T. : L'inclusion demeure une priorité, particulièrement pour les personnes moins à l'aise avec les technologies modernes. Les services municipaux orchestrent des campagnes de sensibilisation et des programmes de formation pour accompagner les résidents dans l'apprivoisement des outils numériques. Toutefois, en dépit de cette transition numérique, les services publics fondamentaux restent incontournables. Il est impératif de cultiver des liens étroits entre les autorités municipales, les collectivités et les acteurs économiques pour faire face, ensemble, à ces défis.

Comment le SIEC s'inscrit-il dans la dynamique des réflexions sur l'aménagement urbain et l'évolution du commerce ? 

M. T. : Ce salon joue un rôle de catalyseur, rassemblant une diversité d'acteurs issus du secteur du commerce et de l'urbanisme. Au travers de tables rondes et de discussions, des sujets cruciaux tels que l'optimisation des emplacements commerciaux stratégiques et l'intégration de pratiques durables sont abordés. Cet évènement incarne une démarche collective de co-construction visant à façonner, ensemble, la ville de demain en prenant en compte la pluralité des besoins et des visions de toutes les parties prenantes.

Le Siec se tiendra les 19 et 20 septembre 2023 à Paris Expo, Porte de Versailles.


Pour plus d’infos cliquez ici.

commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire