personnes discutant devant un immeuble

Futur du logement : des innovations à tous les étages

© Anastasia Shuraeva

Peintures réfléchissantes, intelligence artificielle, sciences comportementales : le groupe CDC Habitat, acteur majeur de l’habitat dans l’Hexagone et en Outre-mer teste de nouvelles approches. Tour d'horizon avec Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat.

Le secteur du logement traverse une période de mutations accélérées : transition environnementale, démographique, évolution des modes de vie. Ces transformations imposent aux bailleurs de repenser en profondeur leurs méthodes de construction, de gestion et de relation aux habitants. CDC Habitat, opérateur global de l’habitat d’intérêt public avec plus de 560 000 logements gérés et filiale de la Caisse des Dépôts, illustre cette recherche de nouvelles approches. Comment les acteurs du logement et de la construction innovent-ils pour s'adapter à ces enjeux émergents ?

En tant que bailleur, ça veut dire quoi innover ?

Anne-Sophie Grave : La période de bouleversements que nous vivons, nous oblige à adresser les grands enjeux sociétaux ou environnementaux actuels. Nous ne pouvons pas rester attentistes et devons au contraire, être dans l’anticipation. Cela nous impose d’imaginer des solutions, d’expérimenter, tant sur le devenir de nos bâtiments existants que pour nos futurs projets, et ce à tous les niveaux sur nos cœurs de métiers : production de logements, maintenance des bâtiments, relations avec les habitants, etc. Par exemple, il nous faut intégrer davantage la réversibilité ou la modularité des logements dès leur conception pour anticiper à coûts maîtrisés leurs évolutions futures au regard des évolutions sociologiques ou démographiques. 

C’est une conviction ou un impératif réglementaire ? 

A-S.G. : L’un et l’autre. La réglementation environnementale RE2020 fixe des normes pour les constructions neuves, avec des seuils carbone à respecter au fil du temps, en 2025, 2028 ou 2031. En parallèle de ces obligations, CDC Habitat a décidé d’anticiper ces seuils en se fixant un objectif à l’horizon 2026, de 35 % des nouvelles opérations répondant déjà aux exigences des seuils 2028. Pour avoir ce temps d’avance, il faut innover, s’approprier de nouveaux modes opérationnels pour atteindre ces seuils. Cela peut permettre par ailleurs de partager les retours d’expérience entre l’ambition recherchée et la faisabilité opérationnelle, avec les pouvoirs publics qui élaborent ces réglementations. C’est une réflexion à mener collectivement entre tous les acteurs concernés. 

Quelles expérimentations menez-vous concrètement sur le terrain ?

A-S.G. : Concernant l’adaptation au changement climatique, nous travaillons sur la question de la ressource en eau pour faire face au stress hydrique de certaines régions aussi bien en France hexagonale qu’en Outre-mer. En 2023, nous avons conduit un chantier pilote à La Réunion, sur la gestion des infiltrations naturelles des eaux pluviales à la parcelle. Cette expérimentation a obtenu la labellisation GIEP (gestion intégrée des eaux pluviales), qui est depuis devenue une certification de référence. Si le recyclage des eaux pluviales est davantage intégré, nous expérimentons également le recyclage des eaux grises.

Sur la question du confort d’été, CDC Habitat a travaillé en open innovation pour expérimenter différentes solutions de peintures réfléchissantes sur des immeubles tests, en Occitanie. Cela nous a permis de constater des différences de 2 à 6 degrés à l’intérieur des logements sous les toits. Aujourd’hui, ces solutions sont développées dans d’autres régions. Cette démarche d’open innovation concerne d’autres sujets — optimisation foncière, construction hors site, réemploi... —. Elle repose sur un principe simple : des startups proposent des solutions innovantes, et notre Groupe le terrain d'expérimentation permettant de tester leurs innovations et de les déployer le cas échéant à grande échelle.

La question du coût ou de la mise en œuvre n’est-elle pas bloquante ?

A-S.G. : L’innovation ne fonctionnera que si elle trouve son marché… Et pour cela, elle doit être compétitive, c’est-à-dire simple à mettre en œuvre et économiquement possible. Nous avons la conviction que le changement climatique est bien là comme nous le montrent et les événements climatiques par leur fréquence et leur intensité. En tant qu’acteur du logement, nous nous devons d’agir ce pourquoi nous avons élaboré notre plan stratégique climat. 

Comment ce changement d’approche a-t-il été accueilli en interne ? 

A-S.G. : Jusqu’à récemment, CDC Habitat avait plutôt une culture R&D. Nous avons opéré un changement en 2021 en adoptant une démarche d’innovation plus large et transverse. Ce nouveau mode de fonctionnement, cet esprit d’innovation, irrigue notre projet stratégique « Impulse 2026 » et se déploie tant sur l’innovation technique que sur l’innovation sociale. A titre d’exemple, nous avions lancé des « Hackathons des territoires » , sur les modes de production de logements ou les modes d’habiter. L’objectif était de mettre des personnes de formations et d’univers différents autour de la table sur une problématique donnée, d’accueillir leurs idées pour faire émerger une solution, d’expérimenter sur le terrain, et si cela fonctionne, de déployer. Concrètement, nous sommes passés d'un management pyramidal à une logique d'intelligence collective qui favorise la prise d'initiatives, l’expérimentation et intègre le droit à l'erreur.

L’émergence de l’IA a-t-elle bouleversé ces démarches d’innovation ?

A-S.G : C’est évidemment un sujet majeur. En interne, il y a d’une part une dynamique qui s’est naturellement mise en place dans la plupart de nos métiers ; et d’autre part, une démarche plus structurée autour de nos priorités, qui s’accompagne d’une charte d’utilisation de l’IA. L'IA nous libèrera du temps sur les tâches administratives, mais surtout, elle doit nous permettre de mieux exploiter nos données, par exemple pour aller vers de la maintenance prédictive ou optimiser la gestion locative. 

Vous parliez aussi des évolutions sociétales. Qu’en est-il de l’innovation sociale ?

A-S.G. : Pour nous, elle doit émaner du terrain, des personnels en proximité qui connaissent bien les clients et leurs besoins. Pour l’encourager, nous avons lancé un appel à projets interne « L’innovation sociale en action » (L’ISA). C’est un dispositif permettant de financer des projets innovants, destinés à essaimer au sein du Groupe, autour de thématiques comme la tranquillité résidentielle, les écogestes, la santé mentale ou encore la fracture numérique. Ont ainsi été initiées une formation aux premiers secours de santé mentale, la transformation de halls d’immeubles en espace de partage, la plantation d’une « forêt comestible » pour favoriser la biodiversité et créer du lien social. Nous expérimentons aussi les nudges et les sciences comportementales, dans l’objectif d’amener à des comportements plus vertueux sur certaines résidences, réduire ainsi les incivilités, et renforcer le lien social. 

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