david garbous fleury michon

Quand l'engagement est synonyme de retour sur investissement

Chez Fleury Michon, David Garbous défend une agriculture plus raisonnée et plaide pour plus de transparence dans la conception des produits agro-alimentaires. Rencontre avec un directeur marketing iconoclaste.

David Garbous est directeur du marketing stratégique de Fleury Michon. Nous l’avons rencontré pour discuter de la transformation responsable qu’il mène au sein de l’entreprise centenaire, sans jamais perdre de vue son objectif de croissance.

david garbous fleury michon

Pourquoi prendre le risque du changement lorsque l’on est une entreprise bien installée comme Fleury Michon ?

DAVID GARBOUS : Nous arrivons à la fin d’un système que nous avons collectivement construit depuis cinquante ans. Dans le cas de l’alimentaire, il était fondé sur une très belle idée initiale : faire que chacun ait accès à une alimentation de qualité au meilleur prix.

On constate aujourd’hui les effets collatéraux mais on peine encore à inventer un nouveau modèle malgré l’urgence de la situation. Si nous continuons d’agir comme nous le faisons à l’échelle de 9 milliards d’habitants, on sait très bien que cela va très mal se passer. Pas besoin de refaire des études ! Nous avons une responsabilité collective et individuelle.

On entend souvent dire que les consommateurs sont « schizophrènes » : ils déclarent vouloir consommer des produits bio, sains, durables mais,en réalité, ils ne le font pas. Quel regard portez-vous sur cette affirmation ?

D. G. : La réalité est dans le déficit d’offre. Souvent, ce sont les entreprises qui ne sont pas prêtes, et la plupart du temps cela est lié à un problème de gouvernance. Le problème ne vient pas de la demande. Un hypermarché compte en moyenne 100 000 références. Pour y trouver les produits qui permettent de manger mieux, cela ressemble encore au parcours du combattant.

Pour exemple, à mon arrivée chez Fleury Michon en 2013, les équipes avaient fait un travail sur le surimi en supprimant les conservateurs (glutamate, sorbitol, polyphosphate…), en adoptant une pêche responsable. Une démarche très compliquée en R&D et très coûteuse sur le plan des achats. À cette époque, nous n’avions pas changé le pack pour le faire savoir. Conséquence : dans un rayon où tout le monde racontait sensiblement la même histoire, l’achat malin résidait dans la référence la moins chère. Il faut faire savoir cet engagement et le changement qu’il implique. Si vous ne racontez pas de manière proactive et signifiante votre différence, les consommateurs iront toujours vers le produit le moins cher. Quand nous avons communiqué sur ces choix, en invitant les consommateurs à venir vérifier par eux-mêmes, nous sommes passés de – 5 % sur le business à + 12 %.

Est-ce une stratégie transposable à d’autres marchés ?

D. G. : On a aujourd’hui 30 % de nos gammes qui sont en Label Rouge, Bleu Blanc Cœur, Bio, sans OGM et sans antibiotique. Ces gammes sont en moyenne à + 10 % de croissance volume là où le marché de la charcuterie est à – 3 %. C’est la démonstration concrète que si l’offre est présente dans les magasins, visible et lisible malgré un prix 10 à 40 % plus cher, cela fonctionne.

Comment initier ces démarches ? Tout le monde est d’accord avec le discours mais la mise en place est souvent douloureuse…

D. G. : Le succès du surimi a été une histoire compliquée. Quinze jours avant le début de la campagne nous avons failli tout arrêter. Tout comme ouvrir des usines en 2014 alors que personne ne le faisait était un pari. Nous avions plein de bonnes raisons de ne pas initier ce changement. Mais il est important d’aller jusqu’au bout de ces initiatives pour prouver leur rentabilité. Cela donne des arguments concrets pour appliquer et faire valider ces mêmes démarches et créer collectivement un cercle vertueux. 


Ce papier est paru dans le hors-série “Benevolence” réalisé par L’ADN Studio en partenariat avec l’agence Change.


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