c'est qui le patron

C'est qui le patron ? ! Découvrez la marque au succès fulgurant qui secoue l'agroalimentaire

Lancée en novembre 2016 sans publicité ni commerciaux en magasin, C’est qui le patron ? ! est la nouvelle marque la plus vendue de l’histoire de l’agroalimentaire. Nicolas Chabanne, emblématique antipatron de la marque, nous explique les clés de ce succès fulgurant.

En un an ce sont plus de 50 millions de litres de lait labellisés "C'est qui le patron ? !" qui se sont écoulés. La marque compte aujourd'hui une dizaine de nouveaux produits (oeufs, beurre, jus de pomme, steaks...) qui respectent le cahier des charges établi par les consommateurs sociétaires de La marque du consommateur. Leur dernier coup de force en date ? Obtenir que les briques de lait responsables du distributeur Monoprix respectent également ce cahier des charges strict, qui garantit une rémunération juste pour les producteurs. Face à la montée en puissance des consommateurs-citoyens, la marque qui restaure une dose d'équilibre et de justice sociale dans la grande distribution serait-elle en train de faire des émules ?  

nicolas chabanne tient une brique de lait

Comment arrive-t-on à mettre en place un modèle juste qui rapporte de l’argent ?

NICOLAS CHABANNE : Notre succès repose sur la notion simple et directe de bon sens. Il a été servi par la prise de conscience des consommateurs qui ont découvert que leur argent a longtemps servi à alimenter un système qui asphyxie les petits producteurs. Ce qui est important c’est qu’avec C’est qui le patron ? ! nous avons opéré un glissement : depuis le début, nous avons réfléchi comme des consommateurs. Notre modèle n’a pas été décrété par une stratégie, une réflexion ou une analyse empirique soutenue par trente ans de marketing. Nous avons directement demandé aux gens ce qu’ils veulent ou espèrent acheter.
La démarche de C'est qui le patron ? !

Pensez-vous que ce succès aurait été possible il y a quelques années ?

N. C. : Je pense que non. Notre marque est un bon repère pour constater l’évolution de la société. Nous avons toujours tiré les flèches au même endroit : nous avons toujours eu les mêmes valeurs et la même approche. Le monde ayant bougé et les sensibilités ayant évolué, la cible s’est mise en face de nos flèches. Nous réussissons à taper juste parce que ces valeurs-là, qui sont bien constantes et ne sont pas opportunistes, elles se sont alignées avec les attentes de beaucoup de consommateurs. Il y a un socle que l’on a totalement oublié, notamment dans la communication et le marketing, ce sont les notions de bon sens, d’instinct naturel, de bienveillance… de simplicité en somme. Ces notions-là elles sont à portée de main, elles sont chez tout le monde, c’est un socle commun qui permet de relayer beaucoup plus vite des idées et des valeurs. Sincèrement, les marques ont tout intérêt à très vite faire cela : se rapprocher naturellement d’idées simples.
Après, il y a des éléments techniques : les réseaux sociaux ont permis aux gens de passer de consommateurs qui poussent un caddie, qui prennent un prix sans savoir ce qu’il y a derrière le produit, à des « consommacteurs » en capacité de comprendre et de participer à l’élaboration du cahier des charges.

Justement, selon quel procédé construisez-vous le cahier des charges de vos produits ?

N. C. : Pour la première fois dans l’histoire de l’agroalimentaire, un prix s’est construit au contact direct de celles et ceux qui allaient acheter le produit. L’idée forte du questionnaire en ligne créé par Laurent Pasquier c’est de simuler la formation du prix d’une brique de lait. On part du prix discount qui correspond à un cahier des charges réduit : 0,69 centime. Ensuite, on réfléchit point par point : est-ce que l’on améliore la rémunération du producteur ? Cela coûte 4 centimes. Est-ce que l’on veut le marquer sur la brique ? Là, c’est 8 centimes de plus. Est-ce que l’on enlève les OGM ? Cela coûte 5 centimes. Est-ce que j’achèterais cette brique à ce prix ? Si oui, on poursuit l’élaboration, en prenant en compte les fourrages locaux, etc. Pour la première fois, on veut les 5 centimes qui s’ajoutent au prix ! Les gens comprennent pourquoi la brique de lait est à 99 centimes et ils veulent l’acheter, puisque c’est la leur. Nous ne nous sommes pas arrêtés là puisque nous sommes allés contrôler ce cahier des charges. Nous avons réinvesti l’amont et l’aval.

Quel est le rôle de la coopérative La Société du consommateur ?

N. C. : Nous avons créé une coopérative en même temps que la société. N’importe quel consommateur peut devenir actionnaire, peut poser des questions et venir nous voir. Aujourd’hui, nous sommes 5 000. C’est vraiment une marque à l’échelle des consommateurs. Ce n’est pas une marque avec levée de fonds, qui infantilise ceux et celles qui l’achètent. Je suis un patron au même titre que tous les gens qui acceptent d’adhérer à la coopérative. Nous avons toutes et tous un pouvoir, au sens noble et positif, à exercer ; et nous avons intérêt à le faire car cela fournit des clés de compréhension à toute la filière. Pour nous, cela a marché parce que l’on s’est effacés totalement sans revendiquer le pouvoir de nuisance d’un seul individu qui est en général le patron. À l’inverse je pense que l’intelligence collective est une forme d’intelligence supérieure.

Comment pensez-vous entretenir la confiance des consommateurs à mesure que la marque se développe ?

N. C. : Nous avons mis en place un logiciel commun et collectif, comme une formule mathématique. Le principe fondateur reste intangible, le cahier des charges, lui, peut évoluer en fonction des besoins des consommateurs. Il suffit de conserver, en amont, cette vérité de consultation des consommateurs et, en aval, des contrôles stricts. Ce sont les consommateurs eux-mêmes, nos sociétaires, qui contrôlent. Ce contrôle positif et bienveillant permet d’autre part de recréer de la proximité avec les fabricants, les transformateurs. In fine, cela devient même un outil de communication : le fabricant est ravi de montrer qu’il fait les choses bien, et que ce soit les consommateurs eux-mêmes qui le disent à d’autres ! S’il le disait en faisant de la publicité le message ne serait pas compris de la même manière.

Le fait de manger est-il devenu un acte politique ?

N. C. : Manger c’est voter, manger c’est changer le monde ! Chaque bouchée est un petit coup de marteau sur le monde que l’on façonne. Voter tous les cinq ans, c’est frustrant, là c’est tous les jours : où va mon argent ? À quoi sert-il ? Quelle preuve ai-je de la qualité ?
Et il n’y a rien d’infantilisant. La logique c’est : je prends l’info, je maîtrise l’info, je relaie l’info et je décide. Cette force-là du consommateur-acteur est impossible à stopper.
produits c'est qui le patron
Image de bannière : ©Getty Images


Ce papier est paru dans le hors-série "Benevolence" réalisé par L'ADN Studio en partenariat avec l'agence Change.


visuel change benevolence

Nastasia Hadjadji

Journaliste, Nastasia Hadjadji a débuté sa carrière comme pigiste pour la télévision et le web et couvre aujourd'hui les sujets en lien avec la nouvelle économie digitale et l'actualité des idées. Elle est diplômée de Sciences Po Bordeaux.
commentaires

Participer à la conversation

  1. Avatar Anonyme dit :

    GENIAL
    felicitations
    JE NE VAIS PLUS ACHETER QUE DES PRODUITS
    C'EST QUI LE PATRON
    Alain ROUMAGNAC

  2. Avatar Dominique dit :

    Pourquoi 8 centimes pour marquer sur la brisure et seulement le moitié pour le producteur ???
    Très bizarre !

  3. Avatar Patrice ch dit :

    Actuellement les producteurs qui ne sont pas dans la filière cqlp sont rémunérés 30cts . L'équitable paye un peu plus le producteur ( 9cts ) et le consommateur se donne bonne conscience et rapporte beaucoup à certains intermédiaire.

  4. Avatar patrice ch dit :

    ??????

  5. Avatar wanderer 84 dit :

    bonjour
    9 centime cela peut paraitre peu, mais c'est la différence entre un producteur qui agonise et un producteur qui peut, enfin, se verser un salaire décent.
    Après, il faut être réaliste, le patron prend aussi sa part 😉

  6. Avatar Mhymir dit :

    Tant qu'on reste dans le principe d'offre et de demande sans souci de l'idée de ce que coûte réellement un produit, quel qu'il soit, on sera toujours dans le faux.
    Alors, ok, les producteurs sont mieux rémunérés et tant mieux, mais c'est toujours pas la solution idéale

  7. Avatar Jsword dit :

    Si justement c'est la bonne solution, on est bien sorti du système offre/demande. Le prix du litre acheté aux producteurs est garanti à un minima au dessus de leur coût de revient et le prix max à la vente est fixé à l'avance et inscrit sur la brique...

  8. Avatar ploufplaloufetouf dit :

    De plus, si ça fonctionne, ils pourront toujours proposer des laits encore plus sains et plus rémunérateurs pour les producteurs...

  9. Avatar ERMAN dit :

    Quelles sont les enseignes où on trouve vos produits à Paris 10e

  10. Avatar Joëlle Sposito dit :

    Nous habitons dansleVaucluse à Le Thor très exactement. Après un bon début il est devenu impossible de trouver des produits hors mis le beurre et le lait ( et encore pas toujours) dans toutes les enseignes du coin. J'ai fait plusieurs demandes sur le site dédié sans résultat. Je suis persuadée que d'un commun accord les enseignes ont décidé de boycotter la marque. Je trouve cela inadmissible !

    Jojo

  11. Avatar Constantin SARAFIAN, sociétaire CQLP dit :

    Bonjour,
    Une précision : les 39 centimes minimum que CQLP verse aux producteurs sont NETS : aucune marge n'est prise sur ces 39 centimes, qu'ils touchent en totalité.
    C'est sur le prix global qu'une marge raisonnable pour le distributeur est incluse : si trop faible, personne ne distribuerait. Si trop forte, personne n'acheterait. C'est un juste milieu pour jn juste prix.

  12. Avatar babe dit :

    A quand une action soutenue pour favoriser sous cette marque les produits réellemnt bio ou en devenir bio ?

Laisser un commentaire