Un ring de boxe vide

La malédiction des géants... ou pourquoi nous devons contrer les monopoles de la tech

© allanswart via Getty Images

« Vous voulez faire quoi pour Facebook ? »... « Cassez-les »... Tim Wu, juriste américain, professeur à la Columbia Law School et chroniqueur au New York Times, ne mâche pas ses mots.

Lors d'une interview donnée sur la chaine de télévision américaine PBS, il revient sur le propos développé dans son dernier livre The Curse of Bigness: Antitrust in the New Gilded Age, un essai court et percutant.

Son constat est métal. L'administration américaine a laissé pousser les géants de la tech, les laissant - entre autres effets néfastes - avoir une influence délétère sur tout le business de l'innovation. Il affirme : « Si vous parlez à des investisseurs en capital-risque dans la Silicon Valley, ils vous diront que si vous vous approchez de Facebook ou de Google, c'est terminé pour vous. C'est la zone de mise à mort. »

Pas de vraie concurrence

Selon lui, le gouvernement américain a cautionné tous les mouvements de concentration. Il a notamment autorisé le rachat d'Instagram et de WhatsApp par Facebook. « Il n’y a donc pas eu de véritable concurrence dans les réseaux sociaux au cours des six dernières années » souligne t-il. Un laxisme que l'on constate aussi du côté de Google qui « s'est montré disposé à détruire tous ses concurrents au cours des 10 dernières années environ. Quant à Amazon, la plateforme est le seul véritable espace de vente en ligne ».

Le juriste américain ne veut surtout pas cantonner cette question à l'écosystème des entrepreneurs et des experts en finance. Au contraire. Ce sujet doit mobiliser toute la société américaine (et nous autres sans doute...). Selon lui, les citoyens devraient comprendre que la croissance de monopoles a des incidences très concrètes sur leur vie quotidienne... S'ils aiment à se faire livrer en moins de 24 heures, liker des vidéos de chats, et poster des messages gratos, ils feraient bien de réaliser qu' « un nombre croissant d’économistes reconnaissent que, lorsque l’industrie est concentrée sur trois ou quatre entreprises, la tendance est à la stagnation des salaires, à une augmentation des bénéfices des actionnaires et des dirigeants et de certains professionnels. » Un écart qui, à la longue, peut faire perdre le sens des intérêts communs, et faire bouillir le (re)sentiment de déclassement.

Mais ce qu'il redoute le plus... ce serait l'union de l'Etat avec les géants... « Je pense que nous devons être conscients des dangers d’une union des pouvoirs publics et privés. Imaginez que Facebook coopère avec un régime autoritaire. Ils savent tout de nous. Ils savent ce que nous faisons. Ils savent comment nous influencer. Si vous imaginez que ces deux unités travaillent ensemble, je pense que la perspective est très effrayante. »

Bref. 2019 va logiquement prolonger les prises de conscience amorcées en 2018. Le monde numérique, c'est pas du virtuel. Et c'est pas du simple entertainment non plus. 

Béatrice Sutter

J'ai une passion - prendre le pouls de l'époque - et deux amours - le numérique et la transition écologique. Je dirige la rédaction de L'ADN depuis sa création : une course de fond, un sprint - un job palpitant.
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire