Portrait d'Anaïs Gauthier, auteure, conférencière et fondatrice de l’école d’écologie personnelle

    AnaisGauthier-upscale
    © DR

    Anaïs Gauthier est membre de L’ADN Le Shift, le collectif du média L'ADN, son prolongement humain.

    L'ADN Le Shift est né de la volonté de vous inviter à vivre ce que nous vivons en tant que média. 

     

    Qui êtes-vous ? Quelques mots sur votre parcours :

    A.G. : Je me présente aujourd’hui comme exploratrice du vivant. Issue d’une formation de designer et de facilitatrice, j’ai dirigé mon agence parisienne d’architecture d’intérieur et de design d’expériences pendant huit ans avant d’y mettre un terme afin de ne plus contribuer à cette économie destructrice du vivant et de retrouver un quotidien qui fait sens.

    J’ai 36 ans et en 20 ans d’entreprenariat, je suis passée par deux burn-out qui ont tour à tout questionné ma santé et le sens de ma vie. Mon expérience en Alaska – que je raconte dans ma conférence Tedx – a été un point de bascule dans ma reconnexion à mon être profond et au sentiment viscérale de faire partie de la nature au même titre que les baleines, les oiseaux, la végétation... au vivant plus-qu’humain. J’ai créé l’Ecole d’écologie personnelle® pour partager ma vision holistique et rendre visible les connexions entre notre façon d’habiter et d’être au monde. Mon quotidien intègre régulièrement de nouvelles explorations pour continuer d’approfondir ma relation au vivant et enrichir mes activités regroupant les conférences, l’écriture, la conception et l’animation de workshops exploratoires et la création artistique.

    3 dates qui ont provoqué votre déclic climatique ?

    A.G. : Il m’est difficile d’identifier 3 dates précises tant j’ai la sensation d’une accumulation de déclics qui cadence ma vie depuis la petite enfance jusqu’à aujourd’hui. L’été 2018 m’a particulièrement marquée. En pleins second burn-out, je me suis réfugiée au cœur de la nature sauvage d’Alaska et j’y ai vécu dans ma chair ce que les scientifiques tentent de nous transmettre par de la data. J’ai été fasciné par la danse de dizaines de saumons bondissant à la surface de la mer, à l’embouchure d’une rivière, jusqu’à ce que je comprenne qu’ils étaient coincés là. L’eau de la rivière était trop chaude pour leur permettre de remonter le cours d’eau et de fraire. Les ours arpentant les berges des rivières en forêt manquaient alors de nourriture, autant que les végétaux dont les racines sont nourries par les arrêtes des saumons abandonnées par les ours après le festin. J’y ai vécu des jours de canicule où il n’était pas supportable de rester au soleil. J’ai appris que les grottes de glace visibles en photo dans la communication du pays, n’existaient plus. Plus tard le même été, j’ai vécu le brouillard opaque d’une couleur gris-orangé qui enveloppa l’ile de Vancouver, encerclée par les incendies s’étendant de l’Alaska à la Californie en passant par le Yukon et la Colombie Britannique. Les maux de têtes, l’impossibilité de dormir et finalement la consigne gouvernementale qui recommanda le calfeutrement en intérieur, m’ont fait toucher du doigt les conséquences de notre mode de vie occidental. Ce type d’événements pleinement sensoriels, engageant nos corps, sont chaque fois des chocs.

    Les 3 romans, essais, bd, film, série, documentaires… qui vous ont retourné :

    A.G. :

    • Manières d’être vivant, Baptiste Morizot
    • Travailler : la grande affaire de l’humanité de James Suzman
    • Et si la santé guidait le monde ? De Eloi Laurent

    L’engagement que vous avez réussi à tenir ?

    A.G. : Il y en a beaucoup concernant l’alimentation, la façon de consommer, les gestes du quotidien. Comme il y en a encore beaucoup à enclencher. Je dirais que le plus grand changement pour moi concerne mon rythme de vie et donc se diffuse dans tous les pans de mon quotidien : ma façon d’aborder mes activités professionnelles, ma façon de me déplacer, l’organisation de mes journées, etc. Je suis sortie du rythme ordonné par notre société capitaliste et de l’injonction à la productivité pour vivre un quotidien à mon rythme, dans le respect de mes besoins physiques, psychologiques et spirituels. Il me semble que notre relation au temps dirige l’ensemble des dimensions de nos vies. En troquant une appréhension linéaire du temps pour une appréhension cyclique au rythme du vivant, mon quotidien a considérablement changé pour mon bien et celui de la biosphère.

    La résolution que vous avez du mal à mettre en place (mais vous ne désespérez pas) ?

    A.G. :  Je n’ai pas encore éliminé l’usage de la voiture, ne serait-ce que pour accéder aux fermes et marchés où je me procure une majorité de mon alimentation. Il m’est difficile de m’en passer dans un territoire montagneux à fort relief où tout est très espacé et où la conduite des automobilistes est plutôt insécurisante pour les cyclistes. Néanmoins, je m’attache à appréhender mes déplacements comme le faisaient les générations précédentes c’est-à-dire dans une logique de temps long. La métaphore que j’aime utiliser est « comme si je les faisais à cheval ! » Je regroupe les activités, j’ai installé mon bureau à domicile, je limite les trajets et si je me rends dans une autre région en voiture parce-que celle-ci est indispensable sur place alors j’y reste plusieurs semaines. In fine, je me déplace très peu en comparaison à la majorité des gens qui ont de longs trajets au quotidien. C’est une logique et un rythme de vie différent. Diminuer mes déplacements sauvegarde également de mon temps et de mon énergie. Néanmoins j’aspire à m’installer sur un territoire ou le tissu économique et social me permettra de vivre à une échelle encore plus locale (sans être en ville ! ).

    Vos 3 secrets pour soigner votre solastalgie ?

    A.G. :

    • L’ontopoetic au quotidien : nourrir une relation de réciprocité avec le plus qu’humain par la célébration des passages de saisons, par une observation régulière des phénomènes naturels qui m’entourent, par tisser une relation quasi quotidienne avec les paysages qui m’accueillent.
    • L’exploration de courants de pensées, de pratiques, de communautés qui agissent différemment et sont inspirants par leur radicalité au sens 1er du terme « retour à la racine ».
    • La méditation et la contemplation pour revenir régulièrement à soi et ainsi être disponible à ce qui est extérieur, même lorsque cela est inconfortable.

    La solution ou la personnalité qui vous a le plus inspiré…

    A.G. : J’ai découvert il y a quelques années les Kerterre, créées par Evelyne Adam. Ce mode de construction respectueux du vivant du territoire et offrant un habitat à moindre coût s’inscrit dans une vision alternative de la façon d’habiter la Terre en tant qu’être humain. J’ai été particulièrement inspiré par cette solution pour tout ce qu’elle remet en jeu : notre appréhension de l’esthétique, notre appréhension de « la norme » en terme de confort, notre appréhension de la construction de son logement couplée à un crédit financier sur plusieurs dizaines d’années, notre rythme de vie etc. Ce type de construction offre une approche où l’être humain retrouve un rôle bonifiant pour les vivants autres qu’humains et mériteraient à mon sens d’être diffusée plus largement.

    Vos raisons d’espérer ?

    A.G. : Je ne suis pas certaine d’espérer dans le sens où cela me projette dans le futur. J’y préfère embrasser le temps présent, m’émerveiller et mettre mon énergie dans ce qui donne un sens à ma vie. Il se trouve que prendre soin de nous (de nos organismes physiques, de notre santé mentale et spirituelle) c’est aussi prendre soin de la Terre (des sols, de la biodiversité, de nos énergies, etc). Tendre vers un mode de vie bienfaisant pour l’espèce humaine est automatiquement bienfaisant pour la biosphère.

    Vos projets pour ces prochaines années ?

    A.G. : Continuer d’amener du « sensible » dans notre appréhension de nos liens au vivant, visibles et invisibles, par de nouvelles conférences et performances artistiques. Sensibiliser le plus grand nombre à nos interconnexions et interdépendances avec la biosphère m’enthousiasme. J’aimerais y dédier un livre et une exposition. Continuer également de questionner nos injonctions sociétales, l’image sociale de la réussite et notre rythme de vie afin d’ouvrir les horizons sur de nouvelles façons d’être. 2024 verra la poursuite mon exploration de modes de vie alternatifs (écovillages, éducation,...) et de territoires résilients.

    Si vous deviez résumer votre raison d’être…

    A.G. : Vivre le miracle de la vie avec conscience, respect et humilité. Contribuer à mon échelle à la création d’une humanité s’inscrivant dans le vivant plutôt qu’allant à son encontre.
    Vivez des expériences imaginées par L’ADN, et construisez votre réseau d’acteurs du changement.

    Vous souhaitez rejoindre le collectif L’ADN Le Shift ?
    Découvrez le programme de l’année et écrivez-nous ici pour nous faire parvenir votre candidature !

    commentaires

    Participer à la conversation

    Laisser un commentaire