
Chris Hemsworth, Bruce Willis, Robin Williams… Derrière ces visages familiers, une même alerte : la santé cérébrale est la prochaine urgence, face à laquelle nos modes de vie deviennent une ligne de défense essentielle.
En 2022, Peter Attia, l'un des gourous américains de la longévité, révélait à Chris Hemsworth, dans la série documentaire Limitless, que ce dernier possédait une double copie du gène APOE4. Un profil génétique qui multiplie significativement son risque de développer la maladie d'Alzheimer. Cette information, reçue alors qu'il était en pleine forme physique, a été un véritable déclic pour l'acteur australien, connu pour son interprétation de Thor, le super-héros Marvel. Depuis, il s'engage activement en faveur de la prévention.
Bruce Willis a également contribué à sensibiliser le public. En 2023, sa famille annonçait que la star était atteinte de démence frontotemporale. Une prise de parole publique, suivie d'une série de témoignages de ses proches, notamment sa femme Emma Heming Willis, qui documente leur quotidien sur Instagram, et dans un livre à venir à la rentrée 2025. Sans sensationnalisme, ces récits permettent au grand public de mettre un visage connu sur des maladies longtemps reléguées aux marges.
Quant à Robin Williams, son cas reste un électrochoc. Après son suicide en 2014, les médecins ont révélé qu'il souffrait d'une démence à corps de Lewy mal diagnostiquée. Ce diagnostic post-mortem, raconté en 2020 dans le film Robin's Wish, constitue un plaidoyer pour une meilleure connaissance et reconnaissance de ces formes complexes de troubles cognitifs. Mais ces récits de célébrités ne sont que la partie visible d'une crise sanitaire mondiale bien plus vaste, touchant des millions de personnes loin des projecteurs…
Progression fulgurante
Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de 55 millions de personnes vivent aujourd'hui avec une démence dans le monde – un chiffre qui pourrait tripler d’ici 2050.
Aux États-Unis, plus de 6 millions d'Américains souffrent actuellement de démence, soit près de 10 % de la population âgée. En Europe, la situation n'est guère plus réjouissante : la démence est la troisième cause de décès sur le Vieux Continent et représente déjà un coût sociétal estimé à 392 milliards d'euros par an.
Partout, la progression est fulgurante : la prévalence de la démence augmente dans tous les pays, avec des hausses marquées en Europe centrale et orientale, dans les Amériques, mais aussi en Asie. La Chine représente à elle seule 30 % des cas de démence mondiaux, au point que le pays vient de déployer un plan stratégique pour faire face à ce fardeau, qui progresse plus vite que la moyenne mondiale.
Plus inquiétant encore, jusqu’à 75 % des cas de démence dans le monde ne sont pas diagnostiqués, selon l'Alzheimer's Disease International (ADI). Cette sous-détection massive empêche des millions de personnes d'accéder à des soins adaptés et à un accompagnement adéquat, aggravant le poids de la maladie sur les patients et leurs proches.
Face à cette crise mondiale, dont le coût était estimé à 1 300 milliards de dollars en 2019, la prévention et le diagnostic précoce deviennent des enjeux cruciaux. Mais la recherche avance : des chercheurs de la faculté de médecine de l'université Washington à Saint-Louis et de l'université de Lund en Suède ont mis au point un nouveau test sanguin très précis, capable de diagnostiquer la maladie d'Alzheimer et son stade. Quant à la prévention, dès le jeune âge adulte, elle représente une opportunité majeure encore largement inexploitée. Pourtant, on sait désormais que 45 % des cas de démence seraient évitables grâce à la modification de facteurs de risque identifiés, selon une étude publiée par The Lancet en juillet 2024.
Syndrome métabolique et démence précoce
Car le déclin cognitif n'intervient pas de manière isolée. Une étude du Brain Care Labs (Massachusetts General Hospital) a identifié 17 facteurs de risque communs à l'AVC, la dépression tardive et la démence, tandis que The Lancet a mis à jour sa liste à 14 facteurs spécifiques à la démence, en ajoutant l'hypercholestérolémie (7 % des cas) et la perte de vision non traitée (2 %).
L'hypertension artérielle émerge comme le facteur le plus déterminant, suivie par la consommation d'alcool, le tabagisme, le diabète et l'isolement social. La solitude est associée à un risque de démence accru de 31 %, tandis que des recherches récentes, en attente de révision par les pairs, suggèrent une corrélation préoccupante avec l'accumulation de microplastiques dans le cerveau – encore à prouver à grande échelle.
Le syndrome métabolique (SMet), familièrement surnommé « syndrome de la bedaine » , illustre parfaitement cette interconnexion des facteurs de risque. Selon une étude publiée en avril 2025 dans Neurology, cette combinaison de troubles (tour de taille élevé, hypertension, hyperglycémie, triglycérides élevés et faible taux de « bon » cholestérol HDL) serait associée à une augmentation de 24 % du risque de démence précoce. Autant dire que la situation est préoccupante, puisque cette condition, qui augmente aussi les risques cardio-vasculaires, touche déjà environ un tiers des adultes américains et un tiers des seniors européens.
Toutes inquiétantes soient-elles, ces études portent un message d’espoir : hors prédispositions génétiques, des interventions précoces, souvent sur le style de vie, représentent notre meilleure stratégie face à l'augmentation prévue des cas de démence. « Les personnes de tous âges – vingtaine, trentaine, quarantaine, cinquantaine et au-delà – devraient être encouragées à faire des choix favorables à la santé cérébrale, » souligne le Dr Richard Isaacson, neurologue préventif, à CNN.
Prévenir plutôt que subir, cela pourrait être alors le nouveau mantra de la santé cérébrale pour les années à venir. De la sphère wellness à la médecine avancée, se dessine ainsi tout un continuum d'innovations, de la plus techno-solutionniste à la plus scientifique. Brain-fluenceurs, scans cognitifs de luxe, anticorps monoclonaux, et peut-être même, la piste Ozempic...
Passionnant et inquiétant à la fois. Merci de mettre (encore une fois) l'éclairage sur des tendances sociétales très largement ignorées par la presse "mainstream"