Lucie Basch : « La sous-utilisation des objets, c’est une autre forme de gaspillage »

    Lucie Basch et toute l'équipe derrière Poppins, installée sur un banc dans Paris.

    Après avoir lutté contre le gaspillage alimentaire avec Too Good To Go, Lucie Basch s'attaque à un nouveau défi : les objets qui s'accumulent dans nos placards. Avec Poppins, elle veut faire du partage un réflexe, pour consommer moins, mieux… et ensemble. Des tentes de camping aux robots de cuisine, en passant par les sièges bébé, pourquoi acheter quand on peut emprunter ? C'est le pari de Poppins, la nouvelle application lancée par Lucie Basch, cofondatrice de Too Good To Go en 2016. Le principe de l’appli est aussi ancien qu'efficace : mettre en commun nos ressources pour optimiser leur usage. Quelques jours après le lancement, nous avons rencontré Lucie Basch pour comprendre comment ce nouveau projet prolonge son combat contre le gaspillage

    Comment est née l’idée de Poppins, et pourquoi s’inscrit-elle dans la lignée de Too Good To Go ?

    Lucie Basch : La sous-utilisation des ressources, c’est une autre forme de gaspillage. On parle beaucoup du gaspillage alimentaire – 40 % de la nourriture finit à la poubelle, c’est aberrant – mais on parle moins du gaspillage d’objets. En moyenne, chaque personne possède 2,5 tonnes d’objets, dont 30 % ne sont jamais utilisés. C’est un non-sens écologique et économique. D’où mon envie de proposer une solution concrète, ancrée dans le quotidien, et qui puisse nous pousser à changer nos habitudes de consommation.

    Concrètement, comment fonctionne l’appli côté utilisateur ?

    L.B. : C’est très simple. Une fois l’appli téléchargée, on vous propose une sélection d’objets disponibles à proximité. Le but, c’est d’inspirer un nouveau réflexe : penser à emprunter avant d’acheter. Une fois l’objet repéré, vous échangez en direct avec la personne qui l’a mis en ligne, afin de s’accorder sur les modalités de prêt ou de location (état, date, lieu). Le paiement s’effectue via l’application si l’échange est monétisé ; dans le cas d’un prêt, tout reste gratuit. Il ne vous reste plus qu’à aller récupérer l’objet. Et tous les types d’objets sont les bienvenus : l’ambition de Poppins, c’est de permettre à chacun de trouver ce dont il a besoin, facilement et localement.

    L’idée, c’est donc de rendre le partage d’objets plus désirable que la propriété individuelle ?

    L.B. :  Exactement ! Le mot-clé, c’est "désirable". Il existe déjà plein d’initiatives autour du prêt ou de la location d’objets, mais elles restent souvent confidentielles car elles s’adressent à des gens très engagés, très motivés.Avec Poppins, on veut embarquer tout le monde. Il faut que ce soit plus facile, plus fun, plus cool que d’acheter. C’est comme ça qu’on crée un vrai changement de société.

    Est-ce que les commerçants peuvent aussi s’inscrire sur Poppins ?

    L.B. : Oui, complètement. On veut vraiment mettre en lumière tous les acteurs de la location professionnelle, parce qu’on pense qu’ils devraient devenir mainstream. Ils peuvent s’inscrire via notre site, on les ajoute sur l’appli, et ils peuvent y présenter tout leur catalogue.Et on accompagne aussi les commerçants qui veulent passer de la vente à la location. On est convaincus que dans les années à venir, 20 % de l’économie basculera vers l’économie d’usage, et on veut être l’outil qui facilite cette transition, avec une approche lifestyle et accessible.

    Vous parlez souvent de “co-construction” : comment avez-vous lancé la dynamique communautaire autour de Poppins ?

    L.B. : On a vraiment bâti Poppins avec les utilisateurs. Avant le lancement, on a été sur le terrain : dans les immeubles, les bibliothèques, les ludothèques, les crèches… On a tapé à toutes les portes pour récolter un maximum de retours.On a réuni une première base de 1 000 testeurs, très engagés, qui ont contribué à façonner l’appli. On a même créé le Poppins Club, une communauté de super utilisateurs qui nous aide à faire les bons choix pour rester alignés avec notre mission collective.

    Pour l’instant, c’est surtout en ville, mais est-ce que ça peut s’étendre ailleurs ?

    L.B. : Nos plus gros usages sont aujourd’hui à Paris, mais on a déjà une quinzaine de grandes villes où des commerçants partenaires sont actifs. Et grâce aux 7 000 nouveaux utilisateurs inscrits rien qu’hier (!), on analyse où ça prend, où il y a des besoins, pour déployer l’appli au fur et à mesure.

    Et concrètement, comment fonctionne le modèle économique de Poppins ? Vous prenez une commission sur les partages ?

    L.B. : Oui, mais seulement quand un échange est monétisé. Si quelqu’un tire un revenu d’un partage, on prélève une commission. En revanche, quand c’est gratuit, la plateforme l’est aussi. L’idée, c’est d’encourager le partage, sans freiner la générosité.

    Mais vous ne craignez pas que des utilisateurs contournent le système ?

    L.B. C’est toujours possible, mais je pense que la majorité des utilisateurs partagent nos valeurs et joueront le jeu. On préfère miser sur une relation de confiance plutôt que sur la méfiance. Et, en cas de souci, Poppins offre un cadre rassurant, comme le font BlaBlaCar ou Airbnb et propose de rembourser l’utilisateur en cas de pépin.

    Pourquoi avoir rejoint le Shift, le think-tank de L’ADN ?

    L.B. : D’abord parce que L’ADN propose une approche qui me parle : des contenus fouillés, une vraie lecture de fond sur les mutations de société. J’ai aussi été séduite par le format du Shift : une introduction artistique pour changer de perspective, des conférences assez denses mais accessibles, puis un dîner propice aux échanges. C’est rare de trouver un tel équilibre entre fond, forme et qualité humaine. Ça donne envie de s’impliquer et de s’entourer de cette énergie-là.

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