
Entre deux swipes, les utilisateurs de Tinder au Liban ont vu apparaître une publicité menaçante de l’armée américaine, cherchant à décourager tous ceux qui voudraient s’en prendre aux États-Unis et à ses partenaires.
En ouvrant l’application de rencontre Tinder, ce 22 août, Seamus Malekafzali, journaliste américain installé à Beyrouth, n’imaginait pas qu’il allait devoir faire son travail. Il raconte avoir vu une publicité particulièrement surprenante entre deux profils : « Ne prenez pas les armes contre les États-Unis et ses partenaires. L’Amérique protégera ses partenaires face aux menaces du régime iranien et de ses agents ». L’avertissement est on ne peut plus clair. Écrit en arabe et accompagné d’images d’avions de guerre (F-16 et A-10) et du logo du Centcom, le commandement militaire américain qui supervise le Moyen-Orient et l’Asie centrale. La publicité vient de l’armée américaine, cela ne fait aucun doute pour le journaliste qui le raconte tout de suite sur X.
La publicité comporte trois volets et lorsqu’il balaye vers la droite, elle pointe vers un tweet, rédigé en arabe, du compte officiel du Centcom: « Le Centcom est entièrement préparé avec des chasseurs F-16 Fighting Falcon et des chasseurs A-10 Thunderbolt déjà dans la région. » En utilisant la publicité sur Tinder, l’armée américaine aurait cherché à cibler les jeunes hommes isolés, qui sont souvent les plus enclins à vouloir prendre les armes, estime le Washington Post.
Une opération « psy-ops » ?
Selon un responsable américain interrogé par le Washington Post, la publicité pourrait faire partie d’une stratégie plus vaste d’opérations psychologiques (« psy-ops » ) dans la région. Ces opérations d’influence visent à modifier le comportement d’individus pour atteindre des objectifs politiques ou militaires, selon Emmanuel Durville de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Cette version moderne du tract en temps de guerre n’a rien de nouveau. À l’exception de sa portée et des possibilités qu’offre le ciblage publicitaire sur les plateformes. Si la publicité sur Tinder a été très rapidement supprimée après l’article du Post, un rapport publié en 2022 par The Intercept a révélé que le Centcom avait pu déployer des opérations « psy-ops » avec l’approbation directe de Twitter, fait remarquer L’Orient le jour.
Attention au false flag
Pour l’expert en cybersécurité Baptiste Robert, rien n’est moins certain. La publicité lui semble bien trop grossière et ressemble plutôt à un false flag (opération militaire sous fausse bannière pour tromper les observateurs). « Les opérations « psy-ops » servent à installer un narratif. Ce n’est pas la publicité en soi qu’il faut observer mais ce qu’il en reste. Ici, l’idée est de dire qu’un pays en menace un autre, ça permet d’installer l’idée qu’une offensive pourrait se mettre en place. C’est ce que fait la Russie quand elle bombarde ses propres frontières pour justifier ses bombardements en Ukraine. » Tout est une affaire de narratif et de contre-narratif. « On ne sait jamais qui nous parle, mais on peut comprendre à qui sert le message », résume-t-il. Nous voilà prévenus, même si la ruse est pourtant bien connue, on ne sait jamais à qui on parle réellement sur Internet.
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