
Connu pour ses mukbangs obscènes et son comportement autodestructeur, le youtubeur est revenu sur le devant de la scène avec une énorme surprise.
T-shirt rouge moulant, grosse tête de mascotte en forme de panda et gestes des mains calculés… Dans une vidéo intitulée « Two Steps Ahead » (deux coups d’avance), le youtubeur Nikocado Avocado, de son vrai nom Nicholas Perry, revient sur le devant de la scène avec une énorme surprise. Celui qui était connu pour mettre en scène son obésité morbide et ses crises infantiles revient avec 113 kilos en moins, et un comportement apaisé. Le changement est d’autant plus saisissant que sa dernière vidéo, datant de sept mois, le montrait encore avec son problème de poids. De quoi attirer 30 millions de vues en l’espace de deux jours.
Nous sommes tous des fourmis...
Pour réussir ce tour de force, Nicholas Perry précise, avec un air de supériorité, qu’il nous a fait participer à « la plus grande expérience sociale de toute (sa) vie ». Concrètement, il indique qu’il avait enregistré l’équivalent de deux années de contenus qu’il diffusait au compte-goutte. Cette réserve de vidéos lui a permis de mener sa cure d’amaigrissement que certains commentateurs attribuent à un « régime Ozempic ». C’est aussi l’occasion pour le youtubeur de remettre à sa place son public de haters, qu’il surnomme « les fourmis ». « Je me sens comme si j'observais des fourmis dans une fourmilière, indique-t-il. L'une suit l'autre, qui suit une autre, qui en suit une autre... c'est hypnotisant. Tous ces petits consommateurs perdus, tous ces gens ennuyés qui consomment tout ce qu'on leur dit de consommer. Alors, je suis le méchant parce que je me suis fabriqué comme tel. Et vous allez continuer à consommer ces histoires sur moi, année après année, aussi longtemps que je dirai à Internet que je suis le méchant. » Comme l’avait si bien raconté Pacôme Thiellement dans sa série Infernet, Nikocado Avocado a connu une longue et douloureuse descente aux enfers durant laquelle il a pris énormément de poids et adopté des comportements de plus en plus humiliants pour garder un public haineux, mais captivé par cette autodestruction.
Un happening pour rien ?
Une fois son laïus terminé, Nikocado Avocado reprend ses bonnes vieilles habitudes de mukbangs et s’envoie un gigantesque plat de nouilles épicées. Le ton se veut plus calme et plus maîtrisé. Fini les crises de larmes et les situations avilissantes durant lesquelles le youtubeur déféquait face caméra. Ce dernier insiste sur le fait que sa communauté le suit depuis maintenant huit ans et que cette nouvelle vidéo lui fait l’effet de la fin d’un cauchemar dont il se serait réveillé. Ce retour en force de Nicholas Perry est ce qu’on appelle dans le jargon un happening, c’est-à-dire un spectacle qui inclut les spectateurs dans sa narration. Nous sommes littéralement mis devant le fait accompli de notre consommation « morbide » de contenu, morbide dans le sens où les créateurs se mettent littéralement en danger pour obtenir des vues. Si Nikocado est l’exemple extrême de ce phénomène, on ne compte plus les youtubeurs qui s’épuisent pour produire du contenu toujours plus fous.
Il y a aussi, dans son argumentaire, le prétexte de « l’expérience sociale », une expression là aussi très appréciée par les youtubeurs qui veulent prouver à leurs viewers que « tout était calculé à l’avance ». Dans ce cas précis, on peut effectivement dire que c’est réussi. Nikocado avait mis en scène plusieurs tentatives infructueuses de perte de poids dans les dernières vidéos, des scènes qui partaient inlassablement en « drama » pathétique et hystérique. Avec la révélation de son nouveau physique, il montre qu’il s’est joué de nous.
Cette méthode de l’expérience sociale est régulièrement utilisée pour réécrire les polémiques du passé sous un nouvel angle. Ce que nous dit Nikocado, ce n’est pas qu’il s’est vautré dans l’humiliation et l’autodestruction, mais qu’il a joué à un jeu, une sorte de pièce de théâtre interactive, et que nous sommes des petites fourmis qu’il manipule à volonté. Au-delà de cette perte de poids spectaculaire, c’est cette rhétorique mégalomane qui peut inquiéter.
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