Joe Biden et Donald Trump dans une piscine

Big brat summer : l'été de la fin du monde

© Ideogram

« Il est temps de vous lâcher et de faire ce que vous voulez, car le monde est déjà fini. »

C'est la prédiction assénée par la journaliste américaine Scaachi Koul dans un article récemment publié par Slate. Après les étés supposément hot (chaud) ou feral (sauvage) des précédents crus, le triste oracle affirme qu'il y a « quelque chose de différent dans l’air cette année. »

2016, le dernier été heureux (sur TikTok)

Pour l’essayiste, les forces en jeu cet été (le laisser-aller dicté par l'axiome « foutu pour foutu », le nihilisme écrasant, le sentiment diffus que tout touche à sa fin) sont parfaitement encapsulées dans Brat, le nouvel album de la chanteuse pop britannique Charli XCX. Un avis partagé par la presse musicale, pour qui celle chantant « Pourquoi je veux acheter une arme à feu ? Pourquoi je veux me tirer une balle ? » sur fond de rythme acidulé et synthétique aurait finement cerné l'état d'esprit ambiant. Une atmosphère de descente ou de lendemain de soirée passée à danser dans un bars enfumé. À titre de comparaison, l'été 2016 fait office de promenade de santé, entre la sortie du vivifiant album Lemonade de Beyoncé et la prolifération des filtres chien. Examinés rétrospectivement au travers du filtre sélectif de TikTok, ces quelques mois d'été, quelques semaines seulement avant l'élection de Donald Trump à la présidence, ressemblent à une bulle dorée. (Dans les faits, il n'en était bien sûr rien. L'été 2016 était aussi celui du virus Zika, du Brexit, et de la guerre civile en Syrie.) « Et pourtant dans la mémoire culturelle partagée par beaucoup d’entre nous, l’été 2016 reste – sans doute pour cause d'amnésie sélective – comme l’un des derniers étés heureux », observe Scaachi Koul.

« En 2016, nous avons dansé parce qu’une présidence Trump (...) nous paraissait trop étrange pour être réelle. Nous étions prêts à profiter de notre été parce que nous étions arrogants : nous ne pensions pas que nos vies pouvaient devenir si sombres, que nos gouvernements pouvaient être si insensibles, que nos espoirs pouvaient être réduits en bouillie. Nous avons passé l’été comme si nous étions sûrs que le monde n'aurait pas de fin. Aujourd’hui, c’est l’inverse (...) Sous le malaise écrasant de la guerre, de l’inflation, du changement climatique, de la corruption politique et de la maladie, nous passons l’été comme si nous savions que c’était déjà fini. » Alors qu'à l'approche des élections présidentielles américaines, l'histoire menace de se répéter, entre la dégradation du droit à l'avortement, l’avènement de drones tueurs et la nouvelle émission de Cyril Hanouna, une bonne news toutefois : l'été 2024 est bien parti pour battre des records de chaleur, indique CNN. Mais, ce sera probablement l'été le plus frais du reste de nos vies, réplique un Homer guilleret à un Bart Simpson en proie à une crise aiguë d'éco-anxiété.

Big Brat Summer

Est-ce une raison pour se laisser dépérir ? Pas du tout, affirme Scaachi Koul. Sa réponse face à ce marasme : le big brat summer, l'été des sales gosses, l’été où on profite de tout, en se foutant de tout. « Après tout, nos parents sont en train de mourir, nos enfants ne peuvent pas se débarrasser de leur putain d’iPad, et la plupart d’entre nous, âgés de moins de 35 ans, ne posséderont probablement jamais de propriété, ne profiteront jamais de leur retraite et souffriront peut-être d’un mélasma lié au changement climatique. Pendant des décennies, nous avons été encouragés à préparer l’avenir, mais la pérennité semble être un privilège accordé à ceux qui ne sont pas occupés à se battre pour leur présent », assène la journaliste dans Slate. Autant mériter une bonne fois pour tout le qualificatif administré aux jeunes militants : celui de gamin capricieux pourri gâté. Qu'il en soit ainsi. Mais le big brat summer n'est pas qu'une histoire de nihilisme gratuit. Face aux échecs militants, la journaliste invite à s'octroyer le droit de « hurler sur un sénateur le matin, fumer un joint dans l'après-midi, et déclencher une révolution dans la soirée. » Sans oublier de profiter de l'été, malgré les JO, les boucles brunes des énergies fossiles, les humoristes virés et les vagues de chaleur meurtrières au Pakistan.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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