Bryan Johnson démultiplié

Bryan Johnson a un projet : bâtir un pays où les gens ne meurent jamais

Après Dryden Brown et Peter Thiel, au tour du millionnaire longéviste d'imaginer sa nation idéale. Prière de passer votre chemin si vous avez prévu de trépasser.

On ne présente plus ce bon vieux Bryan, multimillionnaire aux tendances neurasthéniques dont la draconienne routine médicale s'organise autour d'un but ultime : ne pas mourir. Ou « Don't die », comme l'assènent les t-shirts et casquettes qu'il s'apprête à vendre sur son site Internet. (Aux côtés de bouteilles d'huile d'olive censées allonger la durée de vie et vendues 30 dollars.)

Au pays des immortels

À la centaine de fervents adeptes rassemblés la semaine dernière à Brooklyn, l'ex-Mormon a résumé ainsi ses précieux enseignements : « Couchez-vous à l'heure, mangez des aliments sains et faites de l'exercice. » Mais Bryan a d'autres tours dans son sac : gober une centaine de pilules par jour, dîner à 11 heures du matin, se coucher à 20h30, compter jusqu'à 6 et expirer, et dépenser annuellement 2 millions de dollars en médecine générative. Bryan n'est pas le seul ponte de la Silicon Valley à espérer rallonger sa vie, mais comme le note The Atlantic : « Ses ambitions sont en quelque sorte plus grandes et plus science-fictionnelles que celles d’autres bio hackers et fanatiques de la prolongation de la vie (...). Il pense avoir compris comment les algorithmes, au lieu de ruiner la civilisation, peuvent le conduire au pays des immortels. »

Entre deux greffes de moelle osseuse et transfusions de plasma sanguin, Bryan s'est récemment improvisé Messie. En ligne, il se compare tantôt à Edward Cullen, le vampire immortel de la saga pour pour ados Twilight, tantôt à Jésus Christ. Une posture communément acceptée par les membres du mouvement Don't Die. Le projet est un peu flou : « Johnson essaie d’inciter les gens à utiliser un type d’IA pour atteindre l’immortalité, le tout dans le but d’empêcher un autre type d’IA, qui n’existe pas encore, de prendre le contrôle de nos vies. Et pour une raison quelconque, cela implique l'usage d'un anneau chargé d'enregistrer ses érections nocturnes », note The Atlantic.

Rejoignez-moi, ou mourez

À terme, Bryan entend créer un petit pays indépendant de quelque 20 millions d'individus, où la mort ne serait pas la bienvenue. Lorsqu'il présente son programme à ses sympathisants (une cohorte de développeurs, startuppers et investisseurs crypto), Bryan arbore cette fois un t-shirt noir présentant un nouveau message : « Join, or Die » (Rejoignez-moi, ou mourez). Le millionnaire est pour l'instant toutefois à court de quelques habitants pour développer sa petite nation. La chaîne Discord où Bryan partage les arcanes de sa routine millimétrée (son fameux « protocole Blueprint ») compte 14 000 inscrits, amoureusement rebaptisés la « Don’t Die Army ». Quelque 5 000 personnes se sont récemment inscrites à une étude d’auto-expérimentation pour voir dans quelle mesure le protocole Blueprint fonctionne sur une population plus large. Cette année, Bryan a également organisé plus de 200 rassemblements Blueprint dans 75 pays. Régulièrement, le millionnaire rapporte en riant qu'il développe une secte. Dont les membres ne sont pas seulement une cohorte de jeunes cryptobros, mais « des participants qui auraient pu être votre tante, le frère de votre meilleur ami, un voisin, un collègue – intéressés par leur santé et attirés par ce qui leur semblait être une approche fondée sur des données probantes en matière de bien-être physique et mental », observe le média américain. À ce petit groupe hétéroclite, il déroule son ordre du jour : dans les prochaines années, l’IA éliminera le besoin pour les humains de générer eux-mêmes des connaissances, nous conduisant à suivre les décisions prises par des logiciels tout-puissants. Sans but et rendue obsolète, notre espèce sera condamnée à s'autodétruire, ainsi que la planète.

« Je meurs un peu ce soir »

Pour éviter ce triste destin, l'humanité devra viser l'unique objectif sur lequel presque tout le monde peut s’entendre : la survie. « À la veille de la superintelligence, la seule chose que nous pouvons faire en tant qu'espèce intelligente est de ne pas mourir », a déclaré Bryan lors de son dernier rassemblement new-yorkais. Les doutes des sceptiques ne le déstabilisent pas, sa réponse est toute faite. Adhérer aujourd'hui à ses idées reviendrait à convaincre une créature bidimensionnelle qu'une troisième dimension existe ; à expliquer à quelqu'un dans les années 1870 que les germes provoquent des maladies, ou à un membre de l'Église catholique du XVIe siècle que la Terre tourne autour du soleil. Pour clôturer son dernier rassemblement Blueprint, Bryan et les autres ont fait la fête jusqu'à minuit. À la soirée, ont été servis trois cocktails sans alcool baptisés Vampire, Prométhée et Soi Autonome. Il fallait ensuite aller dormir. Avant de retourner au lit, le millionnaire a glissé à Matteo Wong venu couvrir l'évènement : « Je dois rentrer à la maison, mec. Je suis un peu en train de mourir ce soir. »

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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