Bryan se sert de l'huile d'olive

Bryan Johnson, le gourou de la longévité, fait-il plus de mal que de bien à la recherche contre le vieillissement ?

Le millionnaire a créé une sorte de culte autour de sa personnalité mais pour certains scientifiques, il décrédibilise la recherche anti-vieillissement. 

Bryan Johnson, le gourou de la longévité sur les réseaux sociaux, est-il tout simplement en train de construire un empire agroalimentaire des années 2020 ? Sur son site web, on peut désormais précommander une huile d’olive à 55 euros les deux bouteilles, et toute sorte de nourriture en poudre et autres mixtures, dont une boisson « Longevity » saveur « orange sanguine » contenant de la créatine (pour « les muscles et la performance athlétique ») et de l’Ashwagandha (pour les changements d’humeur et les problèmes de sommeil), ou un « nutty pudding » (son plat signature) prêt à mélanger avec un peu de lait végétal.

Si vous avez déserté le Web ces derniers mois, un petit rappel s’impose. Bryan Johnson c’est ce multimillionnaire, devenu très riche en vendant en 2013 son entreprise de paiement Braintree, et qui depuis 2019 s’est donné pour objectif de rajeunir, puis plus récemment de ne tout simplement « pas mourir » (Don’t Die est devenu son slogan). Pour ce faire, Bryan s'astreint à un régime très strict composé notamment des deux mêmes plats véganes chaque jour, à base principalement de légumes et de noix. Il se couche tous les soirs à la même heure, ne mange pas après 11h le matin pour respecter un temps de jeûne. Il ingère une centaine de compléments alimentaires, et s’est entouré d’une équipe médicale d’une trentaine de médecins. Il mesure la capacité de chacun de ses organes pour suivre son « rajeunissement ». Il a baptisé cette petite vie bien rangée, le « projet Blueprint », dans lequel il injecte 2 millions de dollars par an. Bryan Johnson assure que son but n’est pas de faire de l’argent, mais de participer activement à l’humanité du futur, qu’il imagine fusionner avec l’intelligence artificielle. 

Le Trump de la longévité

Cette obsession pour la jeunesse éternelle n’est pas nouvelle chez les dirigeants de la tech. Mais Bryan Johnson a réussi à créer autour de son programme une forme de “culte”, comme le décrit le New York Times, et l’un des feuilletons les plus suivis du Web. Car la longue vie de Bryan est richement documentée. Lui-même alimente un compte X quotidiennement, un compte Instagram sur lequel il poste des images léchées et parfois un tantinet provocantes, une chaîne YouTube où il enchaîne des formats sur sa routine du matin, celle du soir, un home tour de sa villa minimaliste… Sans oublier d’injecter un peu de drama : dernièrement, il a publié une vidéo dans laquelle il répond aux accusations de son ex-petite amie, qui le poursuit en justice. Dans une autre, on le voit répondre aux tweets de ses haters. Le New York Times note que sa manière de rester sans cesse continuellement dans le flux d’information a quelque chose de trumpien. En un an, il a fait l’objet de 5 articles dans Business Insider, et 12 dans le New York Post, dont trois portaient essentiellement sur son pénis (Johnson est persuadé que la durée de ses érections nocturnes est un indicateur clé de rajeunissement). Bien conscient de sa maîtrise de la communication, le millionnaire n’hésite pas à s’autoproclamer “troll” dans plusieurs de ses tweets.

Le quadragénaire agace évidemment. Sa mine pâlotte et son expression robotique lui valent des comparaisons à Patrick Bateman, le serial killer d’American Psycho, ou à un vampire. Mais Bryan s’en fiche. « Cela m’intéresse plus de savoir ce que penseront les gens du 25ème siècle (...) la plupart des opinions d’aujourd’hui représentent déjà le passé », explique-t-il. 

« 1,2,3… ne mourez pas ! »

Il peut par ailleurs compter une communauté d'aficionados qui suit ses conseils plus ou moins à la lettre. Le New York Times offre un savoureux compte rendu de l’une des randonnées « Don’t Die » organisée à Los Angeles il y a quelques jours. Un événement à mi-chemin entre un rassemblement communautaire et une « guerilla marketing ». Imaginez la scène : une douzaine de randonneurs, affublés de t-shirts noirs « Don’t Die », criant pour se motiver « 1,2,3… ne mourez pas ! ». Parmi ceux-ci, on trouve notamment Theresa Cowan, 36 ans, accompagnée de ses deux enfants Makayla, 8 ans et Samuel, 5 ans. L’aîné a prévu de se mettre au BluePrint et d’en faire des vidéos. 

Mais depuis que le business model de Bryan Johnson se dessine plus précisément, le millionnaire tend à crisper de plus en plus les chercheurs spécialistes de la longévité. Ces derniers jours, plusieurs s’en sont pris à son protocole BluePrint sur les réseaux sociaux et dans la presse américaine. Sur X, Andrew Steele, biologiste et auteur d’un livre sur la recherche contre le vieillissement, s’est intéressé à la composition des produits vendus par Bryan Johnson. L’efficacité de nombreux des composants n’a pas été prouvée scientifiquement précise-t-il. « Blueprint pourrait finalement le faire vivre moins longtemps par deux mécanismes : premièrement l’interaction entre les douzaines de compléments alimentaires qu’il prend quotidiennement, deuxièmement en rendant moins crédible la recherche contre le vieillissement », écrit-il, alors qu’il pourrait aider différemment ce champ de la science en injectant directement son argent dans des projets de recherche. Bryan Johnson ne fait finalement que recycler une énième fois le mythe de l’entrepreneur démiurgique et visionnaire ; soi-disant capable de résoudre seul les plus grands problèmes de ce monde. Un mythe qu’ont incarné avant lui Steve Jobs ou Elon Musk. 

Un essai clinique qui n’en est pas un 

En plus de la vente de nourriture en poudre, l’entrepreneur met en place une expérimentation grandeur nature. 2500 volontaires sont invités à payer un kit de départ de produits Blueprint, ainsi que des analyses de sang et d'autres tests afin de suivre leur progression. Les 2 500 places ont été prises en 24 heures, précise le New York Times. Cette méthodologie n’a rien de scientifique, dénonce Nir Barzilai, directeur de l’Institut Aging for Research. Normalement les essais cliniques sont conduits sur de larges cohortes, dont une partie prend un traitement et l’autre un placebo. Ce n’est en aucun cas ce que compte faire Bryan Johnson. Le Dr Barzilai questionne par ailleurs le fait que Bryan Johnson teste une multitude de différents traitements en parallèle, rendant impossible l’analyse sérieuse des effets de chacun d’entre eux. 

Danielle Meyer, une diététicienne de l’Université de Buffalo interviewée elle aussi dans le journal, estime que le programme BluePrint est trop draconien pour pouvoir être suivi dans la durée (notamment à cause de la limitation en calories) et qu’il est peu adapté aux femmes. 

L’entrepreneur se met par ailleurs à dos une partie de sa communauté, qui le suivait pour l’aspect “open source” de son protocole. « La communauté pensait que BluePrint était un bien public, un peu comme le régime Keto », peut-on par exemple lire sur le compte X de “BluePrint Community”, un compte (aux relents par ailleurs antivax) qui réunit des personnes intéressées par le protocole de Bryan Johnson. Ce dernier aurait demandé à la communauté de fermer la page, et a également décidé de déposer BluePrint en tant que marque, et donc de proposer des accords avec les autres entreprises qui utilisent ce nom. Ce qui ne manquera pas d'alimenter notre feuilleton préféré (bon, le mien surtout).

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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commentaires

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  1. Avatar CHUM dit :

    Bonjour,

    Je suis intéressée par le ralentissement du vieillissement car je sais que nous pouvons ralentir ce processus naturel à travers d'un bon comportement hygiénique au quotidien dans les lieux de nos fréquentations et notre façon de vivre, notre façon de faire des analyses quotidiennes de ce que l'on peut entendre, voir et sentir et en faire des commentaires afin d'éviter d'encourager le mauvais sens ou la médiocrité au quotidien qui nous entourent, le lieu public ou de travail.

    Commençons par être en harmonie avec les horaires de la Nature et notre montre afin d'être proche de la Nature.. Et bien aérer plusieurs fois par jour nos locaux de fréquentations, par exemple : le transport en commun, les lieux de travail, les restaurants, les brasseries.

    La plupart de nos aliments naturels contribuent à rajeunir nos cellules qui se rétrécissent avec l'âge.
    Préférons les cuissons à vapeur et cuissons de courte durée..

    Certains gel-douches ou crèmes aux plantes, légumes, fleurs sont bénéfiques aussi à la maintien des cellules de notre peau.

    Certains parfums de ces éléments bossent aussi notre énergie et notre bonne humeur au quotidien.

    A vos marches ! Allons y en plein Air !

    Bien à nous tous.

    VC Seeon

  2. Avatar Anonyme dit :

    C’est quoi le rapport avec les anti-vax ?!

  3. Avatar Anonyme dit :

    quand t'as pas d'argument il faut trouver de quoi ecrire un article

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