Une jolie influenceuse devant une foule de gens, ambiance très corporate

C’est une bonne situation ça influenceuse LinkedIn ?

© DJR via Dream Studio (Image générée part IA)

Oubliez TikTok ou Instagram. Pour exercer son métier d’influenceuse auprès d'un public ultraniche, Marie Delattre a choisi LinkedIn.

Après un BAC +5 et un début de vie professionnelle dans le milieu des ressources humaines, Marie Delattre a fait un gigantesque burn-out. L’entreprise qui l’avait promue au rang de responsable RH a dû fermer ses portes et lui a demandé de gérer une situation très lourde émotionnellement. En racontant son expérience sur un blog et sur un groupe Facebook, elle va construire une communauté soudée. Trois ans plus tard, Marie n'exerce plus directement dans les RH mais elle est devenue influenceuse sur cette thématique. Elle a établi son terrain de jeu sur l'agaçant et pourtant indispensable réseau LinkedIn qui lui a permis d’exploser ses audiences et de gagner son indépendance. Récit d’un métier de niche.

Être une influenceuse spécialisée dans les ressources humaines, ça consiste en quoi exactement ? Qu’est-ce qui vous différencie des influenceuses Instagram ?

Marie Delattre : Comme les influenceuses classiques, j’ai une communauté de followers, mais je ne fais pas de recommandations sur le lifestyle, le sport ou la mode et je ne parle pas de ma vie personnelle. Je m’adresse à un public professionnel majoritairement salarié. Je ne parle presque jamais de technique, comment bien recruter ou faire de belles fiches de salaires, car la plupart des contenus qui concernent ce métier sont déjà orientés dans ce sens. En revanche, je vais aborder des sujets sur la santé mentale, la psychologie, la carrière et tout ce qui concerne la vie des RH. 

Comment expliquez-vous que ces thématiques attirent tant de monde ?

M.D. : Notre métier connaît un très fort taux de burn-out avec une charge mentale immense et des enjeux colossaux. C’est aussi un métier qui est très féminin et qui se fait souvent mans plainer par les hommes. J’ai l’impression de leur offrir un endroit où elles peuvent parler d’elles-mêmes en tant que personnes et de leurs aspirations professionnelles dans une branche qui est plutôt mal vue de la plupart des gens. Je parle aussi de mon expérience dans le métier, de ce que j'avais envie de changer ou au contraire ce que j'aimais, de la pression et des difficultés que j’ai pu rencontrer. Je pense que ça permet à toutes ces personnes de se sentir moins seules.

Vous parlez de choses assez intimes mais vous revendiquez le titre d’influenceuse BToB (business to business). Ça veut dire quoi exactement ?

M.D. : Je suis très suivie par un public professionnel, majoritairement salarié, lui-même prescripteur au sein de son entreprise. J’ai été abordée par des sociétés qui voulaient me faire tester leur logiciel de paye ou de recrutement afin que j'en parle à ma communauté. Comme une influenceuse, je teste des produits et je fais des recommandations. En gros, je sers de lien de confiance entre ces entreprises et une population de RH qui est complètement saturée de publicités et qui cherche des recommandations valables. Alors bien sûr je collabore avec des sociétés qui me payent, mais je garde une éthique et je filtre les propositions en fonction des valeurs de la boîte ou de l’utilité du produit qu’on me propose d’essayer. Je limite mes collaborations à un post sponsorisé par semaine.

Après avoir démarré sur Facebook, vous êtes passées sur LinkedIn récemment. Pourquoi ce changement ?

M.D. : En 2019, après mon burn-out, j’ai profité de mes droits au chômage pour monter ce groupe Facebook qui s’appelle Sororité RH et qui me permettait de rassembler toutes les femmes qui sont dans ce milieu et qui voulaient échanger sur les difficultés que l’on rencontrait. La communauté a bien grossi, mais je suis arrivée en fin de droits et j’ai voulu monétiser cette activité en plus de mon blog et de mon podcast. En 2021, j’ai proposé de fermer le groupe et de faire basculer tout le monde sur un Patreon payant. La communauté n’a pas voulu, ce que je comprends très bien. Du coup, j’ai décidé de tout reprendre à zéro sur LinkedIn en mettant plus en avant mon nom et en tenant une vraie ligne éditoriale. Il y avait vraiment une effervescence sur le réseau au début de l’année 2022 avec des gens qui postaient beaucoup et qui devenaient de plus en plus viraux. Je me suis mis comme objectif de passer de 5 000 à 10 000 abonnés en un an. J’ai commencé en janvier et j’ai atteint mon objectif en mars pour finir l’année avec 40 000 abonnés. En fin de compte j’ai repris les mêmes idées que j’avais développées sur mon blog et sur le groupe Facebook, mais je les ai ordonnées et transformées en posts LinkedIn clivants qui ont fait beaucoup de vues. 

LinkedIn n’a plus ce réseau ringard ?

M.D. : C’est un réseau que l’on met souvent de côté par rapport à Instagram ou TikTok, mais on oublie qu’il est aussi essentiel, car il est le seul qui touche à ce point toute la sphère professionnelle. Pour moi il est parfait, il me permet de toucher mon audience de niche. Aujourd'hui, il y a toute une frange de créateurs qui sont  consultants, conférenciers, écrivains et même humoristes qui se sont spécialisés sur LinkedIn. Sur chaque réseau, il y a un moment où c'est un peu l'explosion et il devient alors plus difficile de percer. Tout ce petit monde a surtout explosé au début de l’année 2022, qui était à mon sens le bon moment pour se lancer. 

Quelles sont les mesures d’audience qu’il faut prendre en compte sur ce réseau ?

M.D. : On regarde surtout les impressions, c’est-à-dire le nombre de fois que le post est passé dans le fil des autres personnes. Je me réfère assez peu au nombre de likes, car les RH sont salariés et ils ont tendance à être discrets sur les réseaux. On lit, on partage le post par mail, mais on ne like pas. Quand je fais une campagne, je vise toujours les 10 000 vues pour le post. Ceux qui ont le plus cartonné étaient autour de centaines de milliers de vues. Le nombre d’abonnés est aussi important. Je suis actuellement dans les 50 000 avec une croissance lente, mais continue. C’est aussi cette courbe qui me dit si je vais dans la bonne direction étant donné que je n’ai pas vraiment de retours directs de ma communauté. 

Combien gagne une influenceuse RH sur LinkedIn ?

M.D. : Ce que je vais dire n’est pas vraiment représentatif étant donné que l’année 2023 a été compliquée, notamment avec les grèves qui ont démarré au premier trimestre, et le fait que beaucoup d’entreprises avaient bloqué leur budget communication. J’ai très peu travaillé en début d’année alors qu'en ce moment ça n’arrête pas. Si on lisse sur l’année, je dois gagner environ 3 000 euros par mois. Mais cela va sans doute changer en 2024, dans la mesure où je vais augmenter mes tarifs et faire des campagnes plus importantes avec de grosses entreprises.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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