
De CNET à Bild en passant par Wired ou Buzzfeed, les rédactions utilisent de plus en plus GPT3 pour automatiser certaines productions... au détriment des journalistes.
Perçue comme une tactique un peu honteuse il y a un mois, la production d'articles journalistiques avec l'aide de ChatGPT est en train de gentiment s'imposer dans certaines rédactions. Au cours des dernières semaines, plusieurs médias ont annoncé utiliser des IA génératives avec plus ou moins de garde-fous, tout en se délestant de plusieurs journalistes au passage. Petit passage en revue.
Wired met un doigt timide dans l'engrenage
Dans un post récent du rédacteur en chef Gideon Lichfield, on apprend que Wired compte bien utiliser ChatGPT, mais de manière plutôt raisonnable. D'après ce dernier, aucun texte ne sera rédigé ou édité par une IA. Le journaliste indique que la rédaction « pense que celui qui écrit pour vivre a besoin de penser de manière constante à la meilleure manière d'exprimer des idées complexes avec ses propres mots ». Le média utilisera toutefois ChatGPT dans le cadre de messages marketing en direction du public, mais aussi pour la fabrication de titres d'articles et de posts pour les réseaux sociaux. Wired prévient aussi que l'IA a été testée de manière limitée, comme un outil de brainstorming pour générer des idées d'articles et d'angles, mais les résultats s'avéreraient ennuyeux ou complètement faux. Enfin, Wired refuse d'utiliser les outils de générations d'images comme Dall.E ou Midjourney tant que ces entreprises n'auront pas trouvé un moyen de rémunérer les artistes et les photographes dont le travail est utilisé pour entraîner les modèles. Le média se réserve toutefois le droit de modifier sa politique en fonction des prochaines évolutions.
CNET saute le pas et vire des journalistes
Après avoir été épinglé en janvier 2023 pour l'utilisation opaque de GPT3 dans plus de 70 articles contenant notamment des erreurs factuelles, CNET semble avoir fait son choix : l'IA plutôt que les journalistes. La branche nord-américaine du média aurait licencié 50 % de son staff chargé de la rédaction des news et de la fabrication de vidéos d'après le média Futurism qui suit l'affaire depuis le début. Le média n'a pour le moment pas confirmé ou infirmé le fait que cette décision avait quelque chose à voir avec l'utilisation de plus en plus massive de GPT3 pour l'écriture d'articles. Mais les médias The Verge et Futurism indiquent que la rédactrice en chef Connie Guglielmo a changé de poste pour être promue à la tête de la stratégie IA du groupe.
Des licenciements en vue chez Bild et Die Welt
Le groupe média Axel Springer, propriétaire des publications phares Bild et Die Welt, a annoncé le 1er mars 2023 la transformation de ses deux publications papier en purs médias Web ainsi que le licenciement d'un nombre indéterminé de journalistes. Comme l'indique le CEO Mathias Döpfner, « la production journalistique est en train de devenir un sous-produit de plus en plus assisté et automatisé. Cela veut dire que nous allons réorganiser la rédaction et changer les équipes et les coûts. Ces changements sont essentiels pour notre future viabilité. » Le dirigeant a toutefois souligné que la conception de contenu exclusif et original restera irremplaçable, ce qui fait penser que ce sont avant tout les personnes chargées de rédiger des dépêches qui seraient dans le viseur.
Buzzfeed veut rédiger ses quiz avec l'IA
Dans un mémo interne, le CEO de Buzzfeed indiqué à ses équipes que GPT3 allait être utilisé dans la conception de quiz et « d'autres contenus » tout en précisant que les « humains seraient toujours nécessaires pour fournir du capital culturel et des prompts inspirés ». Il espère que dans les 15 ans à venir IA et datas permettront de créer, personnaliser et animer du contenu. Comme chez Wired, la rédaction n'utilisera que du contenu textuel produit par GPT et évitera les IA génératives d'images pour éviter des problèmes légaux sur la partie visuelle. Et comme le porte-parole de Buzzfeed aime le rappeler, la rédaction reste concentrée sur le « journalisme généré par humain » (human-generated journalism dans le texte). De quoi rassurer la profession (non).
Aïe, aïe, aïe, AI... IA, IA, IA, ya mon général !