Homme trentenaire éffrayé

Pourquoi doutons-nous de vouloir être parent ? Réponse avec la thérapeute Ann Davidman

To be or not to be parent ? Les trentenaires ont le sentiment qu'ils ont le droit de choisir. Explications avec Ann Davidman, thérapeute spécialisée dans la prise de décision et la parentalité.

Depuis trente ans, la thérapeute américaine Ann Davidman accompagne femmes et hommes à savoir s’ils veulent devenir parents. À travers une formation co-créée avec Denise L. Carlini, thérapeute également, puis le livre Motherhood - Is It For Me? Your Step-by-Step Guide to Clarity, publié en 2016, les deux autrices proposent une série d’exercices pour prendre en toute conscience l’une des plus grandes décisions d’une vie. D’où viennent ces doutes et comment en sortir ? Entretien avec Ann Davidman.

La société s’est-elle toujours interrogée sur la parentalité ?

Ann Davidman : Nous vivons dans une société nataliste et le message est qu'il faut vouloir des enfants et les avoir, point. Pour la génération de mes parents ou de mes grands-parents, ce n’était pas vraiment une question. Il y avait néanmoins beaucoup de femmes qui n’avaient pas d’enfant par choix mais cela restait une sorte de non-dit.

C’est en train de changer. Je fais ce métier depuis 30 ans. Avant, les femmes qui nous contactaient étaient dans la fin de leur trentaine, début de quarantaine. Au fil des ans, la moyenne d’âge est de plus en plus jeune et des jeunes trentenaires nous contactent. La génération Y a davantage le sentiment qu’elle a le droit de choisir ce qui lui convient.

Pourquoi hésite-t-on ?

A. D. : Il y a de nombreuses raisons d’hésiter. Cela peut être la crainte de ne pas avoir assez d’argent, de ne pas être le parent que l’on souhaiterait être, la crise climatique et le monde dans lequel on va élever nos enfants, la peur que la relation avec son conjoint s’effondre… Ils craignent en fait de prendre la mauvaise décision. La plus grande peur est celle du regret, de passer à côté de quelque chose, d’une façon ou d’une autre. Les gens pensent qu'il y a une bonne ou une mauvaise décision, mais il n'y a que ce qui est le mieux pour vous.

En réalité, il y a souvent quelque chose sous cette peur et c’est cela qui bloque. Chacun a ses problèmes personnels non résolus, inconscients. Cela remonte à la famille, vos origines. Vous pouvez avoir grandi dans un environnement aimant, avec des parents formidables, avec des opportunités et des privilèges, ou bien dans un environnement dysfonctionnel, avec de l’alcoolisme, de la maladie, toutes sortes de traumatismes… Dans tous les cas, il est possible que certains besoins psychologiques et émotionnels n’aient pas été satisfaits et que vous n’en ayez pas conscience.

Il semble que la posture par défaut ait changé : en cas de doute, on se voit davantage sans enfants qu'avec.

A. D. : Il y a un mythe selon lequel si vous ne savez pas, alors vous ne devriez pas avoir d'enfants. C'est un mythe : si vous ne savez pas, vous ne savez tout simplement pas. Vous méritez d'obtenir de l'aide pour déterminer ce qui est bon pour vous. Notre rôle, c’est d’aider les gens à comprendre ce qu'ils veulent afin de ne pas réagir à ce que leur partenaire ou leurs parents souhaitent. 

Votre souhait est distinct de votre décision. Quelqu'un peut découvrir qu'il souhaite être parent, mais pas avant quatre ans et seulement sous certaines conditions ; un autre peut décider qu'il souhaitait être parent à un âge donné, mais comme cela ne s'est pas produit il préfère choisir de rester sans enfant.

Comment savoir que nous avons fait le bon choix ; pouvons-nous même le savoir ?

A. D. : Ce qui est important est de comprendre le pourquoi. Lorsque les gens suivent notre cours, lorsqu'ils prennent le temps de comprendre le pourquoi de leur souhait, c’est une décision consciente. Nous passons par un processus approfondi pour comprendre ce qui est le mieux pour chacun et pour accepter que c’est une décision personnelle. Nous parlons de parentalité, mais c’est avant tout un apprentissage à la prise de décisions.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui doutent ?

A. D. : Lorsque vous êtes à la croisée des chemins et que vous ne savez pas où aller, vous devez prendre du recul. Cela veut dire prendre la décision de ne pas savoir. Permettez à votre esprit d'être le plus ouvert possible pour recevoir de nouvelles informations. Ensuite, identifiez vos peurs, et mettez-les de côté. Et faites les exercices du livre :

  • Écrivez les messages verbaux et non verbaux que vous avez reçus de votre famille et de la société, afin de les identifier. Les choses sont ancrées en vous jusqu'à ce que vous les rendiez conscientes – alors vous pouvez les défier.
  • Décrivez à quoi la parentalité ressemble selon vous et à quoi vous souhaiteriez qu'elle ressemble.
  • Sans demander à vos parents, comment auraient-ils décrit la parentalité lorsque vous étiez jeune ? Vous aviez une place au premier rang, mais leur expérience peut être différente de votre expérience intériorisée. 

Il s'agit d'identifier ce que vous avez inconsciemment intériorisé, directement ou indirectement. Sachez que votre chemin peut être très différent de celui de vos parents et qu’être parent peut ressembler à tout ce que vous voulez.

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