
Le projet AssangeDAO repose sur un nouveau mode d’organisation et de financement baptisé DAO (decentralized autonomous organizations) : 15 000 éthers (environ 46 millions de dollars) ont été levés en quelques jours.
C'est quoi un DAO ? Si la plupart d'entre nous sommes incapables de répondre à cette question, les soutiens de Julian Assange eux ont utilisé cette technologie pour organiser une collecte. Julian Assange, dont l’asile politique vient d’être refusé en France, peut compter sur quelques amateurs de cryptomonnaies. En moins d’une semaine, plus de 15 000 éthers (environ 46 millions de dollars ou 41 millions d’euros) ont été récoltés par le projet AssangeDAO via le site de financement participatif JuiceBox.
La communauté cypherpunks
AssangeDAO, qui a commencé à collecter des fonds début février, se définit sur son site comme un « collectif de cypherpunks qui se bat pour la libération de Julian Assange ». Les cypherpunks sont des activistes qui prônent la protection de la vie privée grâce au recours au chiffrement des données. Le mot vient de l’association de cypher (chiffrer) et punks. Leur but est de lever des fonds qui serviront à payer les frais judiciaires et la campagne médiatique du fondateur de WikiLeaks, aujourd’hui dans l’attente d’une éventuelle extradition vers les États-Unis où il encourt 175 ans de prison.
Gabriel Shipton, le frère du lanceur d’alerte, fait partie des principaux membres actifs de ce groupe. Parmi les investisseurs, on trouve Vitalik Buterin, le coinventeur de la blockchain Ethereum.
Un modèle de financement peu classique : la DAO
AssangeDAO est, comme son nom l’indique, une DAO. Les DAO (decentralized autonomous organizations ou organisations autonomes décentralisées) sont de nouvelles formes de communautés sur le web. Elles s’apparentent à des groupes de discussions qui partagent un compte commun. Chaque communauté a sa propre cryptomonnaie (appelée token ou jeton). Pour intégrer une DAO, il faut généralement commencer à y injecter de l’argent en investissant dans ce token. Le jeton d’AssangeDAO s’appelle $JUSTICE, et on ne peut en acheter qu’en éther (les dollars ou euros ne sont pas acceptés). L’argent collecté par les DAO peut servir à différentes causes ou projets.
Certaines de ces communautés réunissent simplement des amateurs d’art qui souhaitent acheter des œuvres numériques, des fans d’un groupe de musique qui souhaitent acheter un album rare mis aux enchères... Parfois les causes sont nettement plus politiques, comme dans le cadre d’AssangeDAO.
AssangeDAO serait le projet qui aurait levé le plus de fonds sur le site JuiceBox, devançant « ConstitutionDAO », un autre projet politique. Ce dernier, qui était parvenu à lever 11 100 éthers fin 2021 (environ 45 millions de dollars alors), souhaitait racheter aux enchères une copie de la constitution américaine. Mais la communauté n'est finalement pas parvenue à ses fins.
L’argent récolté par AssangeDAO servira d’abord à participer aux enchères d’un NFT créé par l’artiste anonyme PAK (celui-là même qui en décembre 2021 a vendu l'œuvre la plus chère jamais vendue par un artiste vivant – soit 91,8 millions de dollars) en collaboration avec le lanceur d’alerte lui-même. L’argent de la vente de ce NFT servira ensuite aux frais de justice d’Assange. Mais les membres de la communauté ont accès à un chat privé via le réseau social Discord et peuvent soumettre leurs idées quant à l’utilisation des fonds récoltés. Celles-ci seront ensuite soumises au vote des autres membres.
Une longue histoire entre Assange et les cryptos
Pourquoi ce choix de financement complexe plutôt qu’un simple crowdfunding ? D'abord, parce que ce type de collecte de fonds permet de s’adresser à une communauté précise et active : les détenteurs de cryptomonnaies, dont une partie sont aussi des défenseurs de la vie privée, et donc des soutiens potentiels de Julian Assange. Ce dernier est en effet loin d'être étranger au monde des cryptomonnaies. Son organisation WikiLeaks a incité ses soutiens à faire leur don en Bitcoin dès 2011, contournant la censure de Paypal, Mastercard et les autres moyens de paiements classiques.
Par ailleurs, les DAO permettent aux participants de s’investir un peu plus dans un projet que ne le permet un crowdfunding. Pour certains membres, l’intérêt des DAO est aussi d’obtenir un retour sur investissement. Car en investissant dans la cryptomonnaie (ou jeton) associée à la communauté, ils font aussi un pari sur l’avenir de cette communauté. Si cette dernière grossit, que son projet est mené à bien, alors la valeur de son jeton grimpera. Et les premiers investisseurs pourront donc faire une plus-value s’ils revendent leurs jetons.
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