
Entre les chiffres de la police et ceux des organisateurs, le décompte du nombre de participants à une manifestation a toujours été un enjeu politique. Il existe une troisième voie, jugée plus fiable : celle des médias.
Edit du 12/12/2019 : comme l'a fait remarquer un lecteur, il s'agit d'un membre du groupe Gilets jaunes Science et non de la page Facebook le Nombre Jaune qui a déclaré utiliser parfois les méthodes de la police.
À l’heure où sont écrites ces lignes, une nouvelle manifestation se déroule à Paris à l’occasion de la grève contre la réforme des régimes de retraite. Alors que le nombre de manifestants n’est pas encore connu, on sait d'avance que l'information sera très commentée. C’est à travers cette donnée que le monde médiatique et politique juge si un mouvement s’amplifie ou, au contraire, s’essouffle. Il existe cependant plusieurs méthodes pour comptabiliser les manifestants...
« 3 000 personnes selon la police, 30 000 selon les organisateurs »
Pendant des années, les médias nous ont habitués à faire le bilan des manifestations avec deux chiffres : celui donné par les forces de l’ordre et celui donné par les organisateurs. À cause des différentes méthodes de comptage, ces chiffres peuvent parfois présenter des variations allant du simple au triple, ce qui génère automatiquement des débats ou des suspicions. Il existe pourtant une troisième méthode, bien moins connue, mais utilisée par les grands médias français comme France Télévision, Radio France, Le Monde, Le Figaro ou bien encore l’AFP ou Mediapart.
1. Méthode des organisateurs
On raconte souvent que certains organisateurs syndicaux ont tendance à estimer le nombre de manifestants en comptabilisant le nombre de merguez vendues pendant l’évènement. Impossible de vérifier si l’anecdote est réelle, mais elle symbolise bien les problèmes de méthodologie que peuvent rencontrer les organisateurs de manifestation. Quand ils ne sont pas comptabilisés au sol et à la main (une méthode très peu précise sur la longueur), les manifestants sont estimés à la louche en fonction du nombre de bus affrétés, des billets de train réservés ou des ballons ou t-shirt distribués. Ce fut notamment le cas lors de la manifestation anti-PMA en octobre 2019. Les Gilets jaunes ont eux aussi tenté de comptabiliser le nombre de manifestants, en utilisant notamment des vidéos postées sur les réseaux sociaux et en appliquant la méthode de comptage par densité. Cette dernière permet de fournir une estimation qui repose sur la densité estimée et la superficie occupée. Mais comme l'avait reconnu l’un des membres du groupe Gilets jaunes Science, les méthodes de comptage de la police sont souvent plus précises.
2. Méthode de la police
Réalisée en hauteur, généralement sur les toits ou les balcons des immeubles, cette technique consiste à compter les passants qui défilent le long d’une avenue. Pour Assaël Adary, patron du cabinet Occurrence et responsable d’une méthode de comptage utilisée par les médias, ce positionnement est idéal pour avoir une bonne estimation, ce qui explique pourquoi les données de la police sont souvent les plus précises. Cependant ces derniers utilisent encore des compteurs manuels. « Au bout de plusieurs centaines de passants, ça devient très difficile pour un œil humain de garder de la précision », indique Assaël Adary.
3. Méthode des médias
Développée par le cabinet Occurrence, cette méthode utilise un algorithme spécialisé dans la reconnaissance visuelle pour compter les manifestants qui passent dans le champ d’une caméra. « C’est une technologie qui existe depuis 2006 et qui permettait de compter les gens dans des aéroports, des grandes surfaces ou des musées, explique Assaël Adary, patron du cabinet. On l’a modifiée pour pouvoir l’utiliser en extérieur avec plusieurs angles de vues et des luminosités différentes. » Installé en hauteur sur un balcon, le système crée une « ligne d’arrivée virtuelle » qui englobe la largeur d’une avenue et compte les silhouettes qui passent à travers cette dernière. Finalement, la méthode de comptage mise en place par Occurrence est souvent plus proche des chiffres donnés par la police, ce qui a tendance à rendre les manifestants suspicieux.
Face aux éventuelles critiques, Assaël Adary explique comment les médias l’ont testée avant de l'adopter. « Thomas Legrand (journaliste pour France Inter) est venu me voir en premier en 2017, pour trouver une méthode plus indépendante, explique-t-il. Très rapidement, d’autres médias se sont montrés intéressés. Mais pour pouvoir travailler avec eux, il a fallu que je me mette quasiment à nu. Ils ont épluché mes tweets, regardé les finances de mon entreprise pour voir s'il n'y avait pas de conflits d’intérêts. Ils ont aussi réalisé des tests sur plusieurs manifestations avant d’utiliser les chiffres dans leurs articles ». La méthode n’est cependant pas d’une fiabilité absolue, notamment lorsque les manifestations dégénèrent ou bifurquent vers des parcours non prévus. Pour fonctionner, les algorithmes ont besoin d'une situation contrôlée, ce qui n'est pas toujours le cas dans les manifestations actuelles.
Coucou David-Julien Rahmil, on est vachement intrigués par votre article dans l'équipe du Nombre Jaune... vous pourriez nous citer l'extrait où l'un des membres de notre équipe affirme que la méthode de la police est généralement plus fiable ? Parce que bon, le lien que vous avez associé au nom de notre collectif (que vos lecteurs non-membres de notre groupe ne pourront pas consulter, puisqu'il s'agit d'un groupe Facebook privé), et qui date de 38 semaines, ne comporte aucun commentaire d'un membre de notre équipe, et même aucun commentaire allant dans le sens de ce que vous affirmez...
Merci d'avance.
PS: on sort le popcorn pendant que vous ramez ?