
68% des recruteurs avouent n’avoir jamais encore embauché une personne handicapée. D’autres font le choix de miser uniquement sur les compétences des candidats et se lancent dans la transition inclusive. Une urgence et un chantier immense alors que s’ouvre aujourd’hui l’édition 2019 de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées.
« Emdoptez-nous », un néologisme entre « employez-nous et adoptez-nous » qui en dit long sur le besoin de reconnaissance de ces citoyens qui ne demandent qu’à décrocher un emploi et à être reconnus pour ce qu’ils sont, des membres à part entière de la société. Il faut dire qu’en face, les entreprises ont beaucoup d’efforts à fournir en matière d’inclusion. Depuis 1987, la loi oblige tout établissement de plus de 20 salariés à employer 6% des travailleurs handicapés et assimilés, ou à cotiser auprès de l’Agefiph, l’organisme qui s’occupe de l’intégration professionnelle des personnes handicapées. Le nombre de chômeurs handicapés aurait progressé de 130 000 en cinq ans et dépasserait le demi-million. Pourtant, aujourd’hui encore, deux entreprises sur trois ne répondent pas aux exigences légales. « Il n’y a plus d’excuses pour dire que c’est compliqué », affirme ainsi Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées.
Aller plus loin que le minimum légal
Pourtant, les entreprises restent frileuses. Selon une récente étude de l’Agefiph, encore près de deux tiers des dirigeants d’entreprise jugent l’embauche des personnes en situation de handicap difficile. Selon une enquête de QAPA, 52% des recruteurs pensent encore que les personnes handicapées ont des compétences inférieures aux autres. À l’opposé, deux personnes handicapées sur trois jugent leur intégration professionnelle… facile ! Un paradoxe qui devrait nous interroger sur l’avancée des mentalités en entreprise.
Alors, comment faire bouger les choses ? Exemple avec CGI, leader mondial du conseil et des services numériques – 11 000 salariés en France, qui vise 55 recrutements de personnes en situation de handicap par an dans le cadre de son accord d’entreprise. Dans sa ligne de mire, une réforme de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui entrera en vigueur dans quelques mois. Ce qu’on y trouve ? Plus de dialogue social, une dynamisation des politiques RH grâce à des accords d’entreprise limités dans le temps, l’élargissement des types d’emploi (stages, mise en situation) et la simplification du dispositif d’obligation d’emploi. Un nouveau modus operandi pour l’objectif de 6%, qui lui, n’a pas bougé.
Les compétences, rien que les compétences
« À partir de 2020, il faut se préparer à ce que la responsabilité en matière d’inclusion passe par toutes les fonctions de l’entreprise. Cela nous offre l’opportunité incroyable d’adresser le handicap de façon différente, non plus comme un sujet à traiter à part, mais au contraire transverse, au même titre que beaucoup d’autres liés à la diversité », explique Magali Fabre, responsable mission handicap chez CGI.
Matérialisée par une nouvelle campagne de communication, la nouvelle stratégie de recrutement de CGI porte un message simple mais percutant : « vous êtes unique et ça nous plaît ». Pour Colette Moran, en charge du recrutement chez CGI : « Nous mettons l’accent sur l’agilité des candidats, leur capacité à s’adapter et à apprendre de nouvelles choses. Nous sommes dans un environnement très compétitif avec une guerre des talents. On se doit de trouver des personnes qui correspondent à nos besoins de croissance. » Dans ce cadre, le handicap devient secondaire.
La SNCF innove aussi en matière de recrutement et évoque une politique handicap offensive avec la mise en place d’un escape game. Ainsi, les candidats, les recruteurs et les experts-métiers peuvent échanger de manière ludique sur les métiers qui recrutent. Autre innovation, un salon 100% digital pour les travailleurs handicapés. Le principe ? Sur une semaine, le salon virtuel Hello Handicap propose près de 10 000 emplois dans toute la France grâce à un réseau de 88 entreprises participantes (Société Générale, Orange, Fnac…), issues de tous les secteurs. Il s’agit de passer outre la rencontre physique qui peut être source d’angoisse et de stress pour les recruteurs et les candidats. Bilan : en 2018, plus de 1 500 personnes en situation de handicap ont trouvé un emploi grâce au salon.
S’ouvrir à la diversité, un enjeu de compétitivité
Pour en finir avec les préjugés, CGI propose des conférences, du e-learning et des mises en situation pour comprendre et déconstruire les biais cognitifs et les stéréotypes. L’enjeu est de dédramatiser le handicap et de savoir utiliser les points forts plutôt que de focaliser sur les points faibles.
S’ouvrir à la diversité, un enjeu de compétitivité ? Ça, les entreprises le savent déjà. Elles savent aussi qu’aujourd’hui, les jeunes diplômés cherchent du sens, que les consommateurs pistent leur réputation et leurs valeurs quand la société, elle, scrute chaque jour un peu plus leur impact. Après les transitions écologiques et numériques, les entreprises ont un nouveau chantier qui pourrait bien se révéler être la clé pour réussir les autres : la transition inclusive. Car comme le résumait l’astrophysicien Stephen Hawking, « le handicap ne peut pas être un handicap. »
POUR ALLER PLUS LOIN :
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