La technologie peut améliorer la prise en charge des personnes âgées

La technologie nous aidera-t-elle vraiment à bien vieillir ?

Avec Allianz
© TARIK KIZILKAYA via Getty images

En 2030, la France basculera dans le grand âge :  les premières générations du baby-boom arriveront à l’âge de 85 ans, l’âge moyen d’entrée en Ehpad. Comment gérer cette population ? La technologie peut-elle améliorer la prise en charge des personnes âgées ?

2030 sera une période charnière, où on projette qu'entre 1,43 et 1,71 million de personnes seront dépendantes en 2030. Un enjeu de santé publique qui nous concerne tous. Pour se préparer au papy-boom et améliorer la prise en charge des personnes âgées, l’hôpital de Tréguier mise depuis 2017 sur la technologie. Aymeric Tardivel est à l’origine de nombreuses initiatives mises en place dans cet établissement qui préfigure ce que pourrait être l'Ehpad de demain. Interview.

Vous avez fait de l’hôpital de Tréguier un laboratoire d’innovation pour améliorer la prise en charge des personnes âgées. Comment ? Qu’avez-vous mis en place?

Aymeric Tardivel : Le vieillissement de la population est une réalité qui va nous rattraper très vite. Partant de ce constat, nous nous sommes réunis en interne avec les médecins, la direction et les soignants pour réfléchir et mûrir ce projet. Notre objectif était d’expérimenter des nouvelles technologies pour améliorer le cadre de vie des résidents, mais également les conditions de travail des soignants. Notre première expérimentation portait sur la prévention des chutes, qui est un facteur aggravant pour l’état de santé des personnes âgées, qu’elles soient en Ehpad ou à domicile. C’est donc un enjeu important. Nous avons installé des panneaux photoluminescents, qui permettent un balisage lumineux dans la chambre pour guider les personnes âgées qui se lèvent la nuit et éviter ainsi les chutes.

Pour prévenir la déshydratation (les personnes âgées ont tendance à se déshydrater plus rapidement que le reste de la population), nous avons mis en place une solution de verre connecté, qui mesure la prise hydrique des résidents grâce à des capteurs. Cela permet aux médecins d’avoir un suivi personnalisé et cela évite aux résidents d’avoir à subir une prise de sang ou l’installation d’une perfusion.

Outre la technologie qui contribue au soin, vous avez aussi opté pour la technologie qui crée du lien…

A. T. : Oui, maintenir le lien social est essentiel dans la population âgée. Nous avons donc mis en place Famileo, une gazette intergénérationnelle qui permet aux résidents d’avoir des nouvelles de leurs proches ou des photos. Cela leur permet de maintenir le lien social mais aussi d’entretenir leurs facultés cognitives, leurs souvenirs et même leur autonomie.

Nous avons également mis en place des ateliers de réalité virtuelle. Lorsque les résidents arrivent en Ehpad, ils sont contraints d’y rester, il s’agit bien souvent de leur dernière demeure. Avec la réalité virtuelle, nous leur proposons différents petits films de 4 à 5 minutes de voyage en bord de mer, en forêt… Ce besoin de s’évader participe au bien-être des personnes âgées et contribue à maintenir l’autonomie et à créer du lien.

Selon vous, à quoi pourrait ressembler l’Ehpad de demain ?

A. T. : Je pense que l’Ehpad de demain sera un espace connecté et ouvert sur l’extérieur, sur la ville, sur la cité, qui permettra aux personnes âgées d’avoir davantage de contacts avec leurs proches… Cette logique de “réseau social” va beaucoup se développer, avec des conditions hôtelières d’accueil améliorées. Je pense aussi qu’il pourra y avoir dans chaque chambre une télé connectée qui permettra d’avoir un lien avec l’extérieur. Les robots sont une piste également, mais leur premier enjeu sera des robots sociaux : faire la conversation au quotidien avec les résidents, entretenir les contacts avec leur famille… Pour les soignants, on peut aussi imaginer la généralisation des exosquelettes pour les aider à porter les résidents.

Pour cette population qui a parfois des difficultés à se déplacer, que sera le soin en 2030 ? Aura-t-on encore des consultations en physique ou surtout de la télémédecine?

A. T. : Je pense qu’il y aura de la télémédecine de recours, notamment dans les zones reculées et pour les consultations de spécialistes. Cela évitera aux personnes âgées de partir en ambulance et attendre plusieurs heures pour avoir une consultation dans une salle d’attente. Après, il y aura toujours un contact physique avec les médecins traitants ou les infirmières.

2030 est une période charnière, où les premières générations du baby-boom arriveront à l’âge de 85 ans. Comment gérer cette population en 2030 ? Faut-il selon vous construire plus d’accueil ou privilégier le maintien à domicile ?

A. T. : Ça, c’est une décision politique. Mais qu’ils soient publics ou privés, je pense que les habitats vont devoir s’adapter aux pathologies, à la perte d’autonomie. En 2030, on peut imaginer davantage de capteurs d’alerte, pour surveiller si tout va bien et donner l’alerte en cas de problème, par exemple en avertissant des capteurs liés à des proches. Avoir un mobilier modulable est aussi un enjeu. Par exemple, le jour où je suis en fauteuil roulant, il faut que le lavabo puisse s’adapter et descendre pour être à ma hauteur… Les technologies pourront aider au maintien à domicile plus longtemps. Après, il y aura toujours un jour où on va arriver en Ehpad.

Les robots feront-ils partie des équipements nécessaires aux Ehpad demain ?  

A. T. : Concernant les robots, je les vois plutôt sociaux, ce qui n’empêche pas d’imaginer des robots ou des capteurs qui permettront de lancer des alertes, comme des capteurs de chutes ou des capteurs vocaux qui seront capables d’analyser une situation anormale dans une chambre d’Ehpad et qui pourront lancer une alerte auprès des infirmières de la résidence. Après, est-ce que ça prendra la forme d’un robot ? Pas nécessairement. Aujourd’hui, la détection des chutes s’oriente plutôt vers les semelles connectées. Cette solution peut aussi aider à localiser des résidents désorientés et qui se perdent dans l’Ehpad.

Quid des aidants en 2030 ?

A. T. :  On pourrait imaginer une plateforme pour recueillir leurs besoins et mettre ensuite en place des solutions pour les aider. Cette plateforme pourrait intégrer les différents acteurs dans la gestion des personnes âgées, comme les Ehpad, les soignants, les infirmières à domicile, les aides ménagères… Tout ça est aujourd’hui très compliqué pour un aidant, pour s’y retrouver ; donc je crois beaucoup à cette plateforme. Les aides techniques vont se démocratiser, ce qui permettra aussi de favoriser le maintien à domicile.

Certains travaillent à empêcher le vieillissement. Cela vous semble-t-il possible d'enrayer ce processus dans les années à venir ?  

A. T. : Clairement, la réponse est non. Mais limiter les effets du vieillissement, ça oui, c’est ce qu’on essaye de faire avec notre laboratoire d’innovation. Ce qui importe dans le vieillissement, c’est de vieillir en bonne santé et d’éviter le déclin physique et cognitif. Mais il n’y a pas encore de vaccin contre les maladies dégénératives comme Alzheimer. Ça reste un processus irréversible.

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