deux personnalités politiques grimé en supporters de foot sur un canapé

Pourquoi les institutions et les politiques n'arrivent pas à adopter les tendances des réseaux sociaux

Clips gênants, libpubs honteux, fausse authenticité... Quand les institutions et les politiques tentent de communiquer sur les réseaux, c'est souvent très très cringe !  

Quoi de mieux qu’une petite vidéo parodique pour célébrer dignement le trentième anniversaire du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ? C’est ce que s’est dit Nicolas Curien, l’un des sept sages inamovibles de l’institution qui s’est mis en scène dans un clip rythmé par le morceau La tactique du gendarme de Bourvil. Le résultat a bien évidemment provoqué des crises de cringe (ce sentiment de mal-être que l'on peut ressentir en regardant une vidéo gênante) et de rires aux spectateurs qui n’en demandaient pas tant.

Une vidéo parfaite pour l'effet Streisand

Postée sur les réseaux sociaux le 17 juin 2019 la vidéo n’aurait jamais rencontré un tel succès. Après tout elle ne devait être diffusée que lors de la fête du personnel de l'institution. Mais Nicolas Curien a préféré partager sa création au monde sans pitié des réseaux sociaux. Rapidement retiré de YouTube, le clip a pourtant continué de tourner sur d’autres plateformes comme DailyMotion, à cause de l'effet Streisand. D’après cette loi tacite du web, toute tentative d'empêcher la diffusion d’un contenu sur le réseau produit l’effet inverse. Pour rappel, cet effet pervers porte le nom de la célèbre chanteuse Barbra Streisand qui a vu la photo de sa villa devenir virale après avoir demandé sa disparition du web.

Quand les ministres se ridiculisent

Cette erreur en communication sur les réseaux n’est pas la seule du genre. Les politiques en campagne, les ministères ou les institutions diffusent très régulièrement des vidéos gênantes. La dernière en date remonte justement au 7 juin 2019. Sur son compte Twitter, Sibeth Ndiaye, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement diffuse un clip de soutien à l’équipe de France féminine de football. On la voit en compagnie du ministre Julien Denormandie, grimé en supporter de foot commentant un match.

Filmé au portable, son médiocre et mise en scène humoristique gênante, la vidéo était une réponse à Cédric O. Le secrétaire d’État chargé du numérique s'était en effet lancé dans un concours de jongle de pied, au milieu de son bureau. Là aussi, la vidéo prise au portable pour donner une impression (totalement fausse) de spontanéité donne un clip qui met plutôt mal à l'aise.

Cette manie de réaliser des clips de communication avec un smartphone, on la doit sans doute à Emmanuelle Wargon, Secrétaire d’État. En novembre 2018, elle décidait de répondre au coup de gueule de Jacline Mouraud à propos de la hausse des taxes sur les carburants.

Se rappeler des lipdubs et pleurer

La vidéo utilisait là aussi la même technique de la « face caméra » afin de donner un sentiment d'authenticité et de dialogue direct. Le résultat s’avère plutôt mitigé puisqu’il est évident que la Secrétaire d'État lit un texte rédigé.

On ne peut reprocher aux politiques de vouloir renouveler leurs modes de communication. Cette volonté de vouloir surfer sur les tendances qui marquent le web n’est d'ailleurs pas tout à fait nouvelle. Souvenez-vous en 2009, quand le monde entier découvrait la mode des lipdubs. La section « jeunes » du parti l’UMP avait alors décidé de produire son clip, Tous ceux qui veulent changer le monde. L’internet français avait eu du mal à s'en remettre.

Trois ans plus tard, le PS rattrapait son retard en produisant son fameux clip de campagne « le changement c’est maintenant » . On avait alors le droit à la répétition d’un slogan et d’une gestuelle absurde, à la manière d’une publicité pour Juvamine ou Mercurochrome. Comme quoi, le mauvais goût sur les réseaux n'a pas vraiment de préférence politique.

Quand ça veut pas, ça veut pas

Alors, pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas ? Tous les ingrédients sont réunis pour des communications réussies : on suit les tendances, on a les moyens qui vont bien... Ce qu'il manque ? L'intention, et une bonne dose d'auto-dérision. À ce jeu-là, l'ancien président américain Barack Obama était un maître en la matière. Non content d'adopter les codes bien connus de ses concitoyens, il mettait en scène son personnage avec recul. 

Alors oui, tout est millimétré et on se doute bien que c'est loin d'être improvisé... Mais ça a quand même plus de style.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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