un festival avec des déchets par terre

Les agences peuvent-elle faire un événement spectaculaire sans polluer (ni greenwasher) ?

Réutiliser les matériaux, trier les déchets, arrêter le gaspillage alimentaire... Les enjeux environnementaux pèsent lourd sur la filière événementielle. Ils peuvent pourtant être source de créativité pour les entreprises, à condition qu’elles abandonnent certaines idées reçues en chemin.

Du petit traiteur de quartier aux JO 2024, la filière événementielle française semble s'ouvrir aux enjeux de RSE. Pour autant, la recette magique de « l’événement éthique » n’existe pas. Du moins, pas encore. La bonne nouvelle, celle qu’il faut retenir, c’est que la France mène la danse à ce sujet, notamment aux yeux de la norme internationale ISO 20121* dont l’objectif est de promouvoir le développement durable au sein de la branche événementielle. Sur 198 certifiés à travers le monde (agences, prestataires, organisateurs en tous genres…), 163 sont en Europe et 63 en France. Un petit « cocorico » qu’il est malgré tout nécessaire de souligner.

* Reconnue internationalement, la norme ISO 20121 définit un cadre et un ensemble de procédures visant à identifier les enjeux de développement durable qui concernent votre activité.

Une norme pour différencier le greenwashing des initiatives concrètes

« Avant, le grand champion était l’Angleterre ! », s’enthousiasme Béatrice Eastham, à la tête du cabinet de conseil Green Evenements. Habituée à accompagner des TPE aussi bien que des grands comptes dans la gestion de leurs événements, et à intervenir lors des grands rendez-vous du climat (la COP21 en 2015 et le G7), elle affirme être confiante quant à l’avenir « responsable » de la filière française. Même si le chemin est encore long. « Chaque entreprise se confronte à des contraintes différentes (en matière de traitement des déchets, on ne met pas Danone dans le même panier qu’une PME, ndlr). Pourtant, certains enjeux se recoupent comme les émissions de CO2 générées par les déplacements ou l’aspect éphémère d’une majorité de rassemblements. La filière s’empare de ces sujets, notamment en matière d’économie circulaire. On est aujourd’hui capable de mettre en place des solutions contre le gaspillage alimentaire, des méthodes d’éco-conception, de redistribution et de dons. »

« La RSE est devenue un axe majeur de notre travail »

« Chez les annonceurs, l’envie de s’engager est là, même si elle est encore trop superficielle », regrette Béatrice Eastham. Pour autant, l’expertise conseil de certains acteurs, même non spécialisés en RSE, peut faire la différence. Depuis qu’elle collabore avec EDF, l’agence événementielle Auditoire affirme s’être sérieusement emparée du sujet. « Cette responsabilité est devenue un axe majeur de notre travail. Le fait d’avoir appris des choses, au même titre qu’EDF, de nous êtres entourés d’experts a été décisif », rapporte Damarys Puel, Directrice de clientèle et des activités corporate de l’agence. Pour la deuxième édition des Electric Days, à la Villette en 2018, Auditoire « apprend » à réaliser un événement éco-conçu en mettant l’accent sur quatre piliers : l’accessibilité, l’éco-production du décor, la restauration responsable et le recyclage. Et « si l’on peut toujours faire mieux », force est de constater que tous les curseurs semblent être poussés au maximum.

Louer des meubles plutôt que les fabriquer, optimiser et limiter les pertes de matériaux, recycler les déchets alimentaires et redistribuer des excédents à des associations à moins de 10 kilomètres de Paris, transférer le personnel en covoiturage… les défis sont nombreux, éparses, mais possibles à relever. « Nous ne sommes pas dans du green marketing, mais dans une quête d’objectifs et d’actions concrètes, explique Damarys Puel. Ce n’est pas toujours facile, il faut choisir ses combats et ne faut pas oublier que nous sommes tous des apprenants. » À l'issue de l'événement, Auditoire affirme avoir compensé près de 81 tonnes de CO2 et recyclé ou redistribué 4,8 tonnes de bois.

De l'événementiel plus responsable, plus durable... Et plus social

On le sait, la RSE ne se limite pas qu’aux enjeux environnementaux. Pour les besoins de l’événement, Auditoire s’est également entouré de « United Kitchens », un incubateur culinaire accompagnant les entrepreneurs dans leur projet d’alimentation responsable. « Ils ont une vraie démarche d’inclusion, de réinsertion sociale et de reconversion, poursuit-elle. Avec l’aide de 37 start-up, ils ont imaginé la programmation gastronomique et restauré 1 500 personnes par jour avec un menu de saison luttant contre le gaspillage ».  

En matière d’accessibilité, l’événement offrait aux personnes en situation de handicap des plateformes d’accès pour tous les espaces en hauteur. On y distribuait aussi des livrets de visite en braille. Les prises de parole ont été retranscrites en langage des signes et en vélotypie, une technique de sous-titrage instantané destinée aux personnes sourdes ou malentendantes, notamment pour permettre à des étudiants sourds invités de pleinement participer à l'expérience.

« C’est la preuve qu’il est possible de faire un événement juste, raisonnable et spectaculaire », conclut Damarys Puel.

Oui, mais... « C’est trop cher », « je ne peux pas changer d’un coup »

Les enjeux diffèrent selon le secteur, mais les freins à la mise en place d’un événement responsable sont souvent les mêmes. Cofondateur de l’agence événementielle Shortcut à laquelle on doit notamment les grands dîners Lancôme ou les 70 ans de Longchamp à l’Opéra Garnier, Christophe Pinguet estime qu'il est parfois difficile de conjuguer luxe et responsabilité. « C’est compliqué. Est-ce que je dois changer d’un coup ? Combien est-ce que ça me coûte ? Ces questionnements se juxtaposent aux exigences pointues de nos clients…, note-t-il. La plupart du temps, nous leur présentons nos recommandations sous la forme d’un livre d’art, mais il arrive que certains nous demandent un PowerPoint à la place, même si notre papier est issu de forêts gérées. C’est comme si on avait demandé à Karl Lagerfeld d’arrêter de dessiner sur du papier ! », regrette-t-il, et de concéder, « mais c’est vrai que nous faisons un métier de l’urgence. Nous faisons appel à certaines techniques malheureusement pas toujours écologiques, même si nous y tendons tous. Il y a plusieurs étapes avant cela : morales, organisationnelles, juridiques… ».

Quand on lui parle du défilé de Chanel de mars 2018 au Grand Palais (l’enseigne de luxe avait créé la polémique en faisant défiler ses mannequins au beau milieu d’arbres fraîchement coupés), Christophe Pinguet invoque la « démagogie » de certains détracteurs. « Chanel l'a fait pour un décor, certes, mais nous sommes dans le pays des arts décoratifs et le bois est une matière noble. En France, il est impossible de couper du bois n’importe où. J’aurais donc tendance à m’émouvoir davantage pour les régions où la déforestation est un vrai un fléau », argumente-t-il. 

Question de maturité

« Certains clients sont plus réticents que d’autres. On ne force personne à aller dans ce sens, admet Damarys Puel. Mais nous sommes un acteur de services et avons un devoir de conseil ». Pour Béatrice Eastham, s’engager dans une démarche responsable relève simplement de « la force de l’habitude ». « Financièrement, je suis convaincue que cela peut être profitable. L’unique sujet aujourd’hui est un sujet financier. Alors oui, mettre en place une démarche RSE coûte un peu plus cher. Mais si tout le monde s’y met, qu’il y a un effet de masse, on inverse la vapeur. »  

Et d'ailleurs, ça ne coûte pas forcément plus cher, modère Damarys Puel. « Tout dépend de votre client, de sa maturité et des process qu’il a déjà intégrés ». 

Prochaine étape ? Mieux communiquer sur le sujet, transmettre de nouveaux récits en mettant en scène « des gens qui racontent ». Et la filière événementielle semble toute désignée pour cela.  « Lors d’un événement, on est potentiellement disponible et ouvert aux échanges. C’est dans ce cadre que l’on montre ceux qui bousculent nos modèles actuels et qui sont, selon moi, les vrais rebelles », conclut Béatrice Eastham


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Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.

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commentaires

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  1. La norme iSO 20121 existe pour cela , amelioration continue des process vertueux agence/client, chez nous With Up Com, nous sommes ISO20121 pour la 2ème année consécitive, sans blabla.

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