
Dans 3 ans, le marché de l’art en ligne atteindra 10 milliards d’euros. En Chine et aux US, plateformes d’art et grands collectionneurs sont déjà sur le pont. En France, le marché ne demande qu’à éclore et pourrait bien rapporter gros aux entreprises. Rencontre avec Anne-Cécile Worms, fondatrice de la marketplace d’art numérique ArtJaws.
François Ronsiaux - United Land
L’ART TECH À L’ASSAUT DU MARCHÉ DE L’ART EN LIGNE
Félicie d'Estienne d'Orves - Cosmographies
En ligne, de nouveaux modèles économiques fleurissent et attirent les collectionneurs. « On recense aujourd’hui des plateformes de bricks-and-clicks (Amazon Art, Paddle8, Artsy, Artnet…), des galeries généralistes en ligne comme Artsphere et enfin des modèles plus indépendants comme le nôtre », rapporte Anne-Cécile Worms.
Spécialisée en Art Tech, la marketplace ArtJaws lancée en février 2016 promeut les œuvres d’artistes contemporains travaillant avec les nouveaux médias. « Intelligence artificielle, impression 3D, DataArt, réalité virtuelle, NanoArt, BioArt… il y en a de toutes les formes et pour tous les supports », explique-t-elle. Et c’est mathématique. À mesure que les artistes numériques gagnent en visibilité avec les plateformes et Instagram, à mesure que les startups se positionnent sur le sujet, les collectionneurs sont de moins en moins réticents à acheter en ligne.
LA FORMULE ARTJAWS : TROUVER SON BONHEUR ENTRE 5 ET 10 000 EUROS
Photo : Gregory Chatonsky - Perfect Skin II
« Les œuvres les plus chères sont des pièces uniques. D'autres, comme celles de Betrand Planes et Félicie D’Estienne D’Orves sont nettement plus accessibles ». En un an, AtJaws a vendu 150 000 euros d’œuvres et réalisé 5 ventes au-dessus de 20 000 euros. Avec un premier tour de table récemment réalisé avec des business angels, la plateforme se construit peu à peu avec un réseau d’investisseurs et d’acteurs de la tech, l’idée étant aussi d’y implémenter de nouvelles technologies. « Nous avons déjà testé le modèle « click and mortar » (voir l'oeuvre en ligne, puis en vrai) avec un dispositif de cartel augmenté et de QR code via lequel les utilisateurs peuvent acheter une œuvre directement sur le site. Une deuxième levée de fonds nous permettra de continuer à innover et d'expérimenter d'autres outils comme la blockchain ».
INVESTISSEMENT, DÉFISCALISATION ET PLUS-VALUE À LA REVENTE : POUR LES ENTREPRISES, C’EST TOUT BÉNEF’
Parmi les publics ciblés par ArtJaws, les entreprises et fonds d’investissement technos mais aussi les cabinets d’avocats et plus généralement les professions libérales. À Station F, la fondatrice regrette d’ailleurs qu’aucun hommage ne soit rendu à l’Art Tech. « Une sculpture à l’entrée et pas de numérique, c’est quand même un peu contradictoire dans un lieu pareil ! »
Mo_4K#2 - Cao Yuxi AKA JAMES from ArtJaws on Vimeo.
CERTAINS ÉCUEILS FRANÇAIS FREINENT ENCORE LE RAYONNEMENT DE L’ART TECH
Deuxième frein à l’achat et pas des moindres, le manque d’infrastructures et d’outils de conservation. « Certains fonds ont acheté des œuvres par le passé mais n’ont pas su comment les entretenir, et beaucoup d’artistes ont perdu leurs projets de cette manière », regrette-elle. Derrière la montée en puissance du courant demeure alors l’enjeu de réinventer certains métiers. « Tout comme nous avons mis des siècles à conserver correctement la peinture à l’huile, il nous faut aujourd’hui enseigner de nouveaux corps de métiers et former de nouveaux conservateurs de musée ».
À titre de best case, elle évoque plus loin le festival autrichien Ars Electronica (art, technologies & société) qui a pu créer plusieurs centaines d’emplois pérennes grâce à son centre de R&D FutureLab. « Nous avons besoin de ça pour être compétitifs et pour exporter nos artistes à l’étranger. Et pour l'heure, c’est encore aux États-Unis et en Chine que tout se passe… »
À LIRE : Rapport Hiscox 2017 : l’art en ligne – Un marché encore en sommeil ?
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