
En 2023, « c’est compliqué » pour le secteur du dating. Après une succession de crises, la majorité des célibataires souhaitent faire des rencontres simplement. À l’industrialisation de la drague représentée par l’usage frénétique du « swipe », les utilisateurs semblent aspirer à plus d’humanité et d’authenticité. Un souhait que l’application de rencontres made in France Happn a prise en compte dans sa refonte. On en parle avec sa PDG, Karima Ben Abdelmalek.
En 2021, Karima Ben Abdelmalek est nommée PDG de Happn. Cette juriste de formation prend les rênes de l’application française de dating après une crise externe qui a impacté son modèle (le Covid), et une crise interne qui a conduit à la démission du fondateur Didier Rappaport.
Pour projeter Happn dans le futur, la vision de la dirigeante passe notamment par un rebranding plus en phase avec les valeurs des équipes, et de celles et ceux qui font vivre l’application. L’objectif : mettre en avant « l’impact sociétal » de l’entreprise en promouvant un dating plus humain et proche de la réalité
Quelles sont pour vous les grandes tendances et mutations dans le secteur de l’application de rencontre ?
Karima Ben Abdelmalek : La première grande tendance, qui va structurer le secteur dans les années à venir, c'est le passage du dating au social dating. La pandémie du nous a montré à quel point les gens ont besoin de rencontres. Avec une appli, on peut créer du lien social, peu importe si c’est pour aller visiter un musée ou se promener : l’essentiel, c’est d’avoir des interactions dans la vraie vie.
La deuxième tendance qu’on observe, c’est justement ce retour à la vraie vie et c’est ce sur quoi on capitalise avec notre nouvelle fonctionnalité. Et la troisième tendance que nous observons, c’est une aspiration profonde à plus d’authenticité.
Pour renouer avec la vraie vie, comme vous dites, est-ce que vous essayez de faire en sorte que les algorithmes ne soient pas la seule solution pour « matcher » avec une personne ?
K. B.A. : Il faut savoir qu’au cours des dix dernières années, les applications de rencontre se fondaient principalement sur des classements algorithmiques opaques pour proposer des profils à leurs utilisatrices et utilisateurs. Or aujourd'hui, on cherche plutôt à leur rendre le contrôle en leur donnant beaucoup plus de liberté dans leur recherche. Avec notamment la possibilité de faire des recherches en fonction de préférences.
Chez Happn, on considère que les lieux que vous fréquentez forment votre écosystème, votre vie et, par extension, en disent beaucoup sur votre personne. Et parce qu’ils constituent des opportunités de socialisation, ils permettent selon nous de réhumaniser la rencontre. Nous pensons que le dating de demain sera un dating beaucoup plus décomplexé, ludique et avec moins de pression sociale. Et passer par les lieux nous semble naturel.
Naturel en effet, puisque la géolocalisation, le fait de ne rencontrer que des gens que l’on croise dans la vraie vie, c’est la promesse initiale de Happn. où se situe l’app aujourd’hui dans l’écosystème des applications de rencontres ?
K. B.A. : Si Happn est dans le top cinq mondial des applications de rencontres les plus téléchargées au monde, c’est bien que cela fonctionne et qu’il y a une vraie demande. Nous sommes plusieurs applications qui naviguent très bien ensemble puisque les besoins sont différents pour chaque individu. Toutefois, beaucoup d’applications se ressemblent, c’est pourquoi nous avons fait le choix d’un positionnement unique et différent qui correspond aux valeurs des équipes en interne. Ce choix est renforcé avec ce rebranding et cette nouvelle fonctionnalité autour des lieux préférés afin de permettre à Happn de devenir le numéro un de la rencontre locale. C’est en se concentrant sur nos missions et non pas en essayant de copier nos concurrents qu’on émerge.
Cette focalisation sur le lieu vous permet-elle aussi de diversifier vos sources de revenus ?
K. B.A. : Les lieux outdoors comme les parcs, les évènements, les concerts, les musées sont les premiers vecteurs de socialisation. Ils permettent des rencontres non engageantes et plus décomplexées parce qu’il y a moins de pression. C’est d’ailleurs une fonctionnalité qui vient d’une demande de nos utilisateurs. Si aujourd’hui notre business model est fondé sur l’abonnement, demain, il ne serait pas incohérent de faire participer ces business locaux porteurs de rencontres pour ensuite les mettre en avant. C’est toujours important de se challenger et d’innover d’autant plus qu’il s’agit d’une manière assez intéressante de faire contribuer l’écosystème local à l’expérience de rencontre.
Vous êtes aussi à la tête de l’ADIJ (l’Association pour le Développement de l’Informatique Juridique), est-ce que vous pensez qu’être une application française est un gage de sérieux quant à la protection des données personnelles ?
K. B.A. : Je pense qu'en tant qu’entreprise française et européenne, on se doit de soutenir les textes réglementaires qui régulent l’économie numérique et qui ont une influence mondiale, à commencer par la RGPD. Ce dernier a bien montré que la protection des données personnelles est une priorité absolue dans l’écosystème de la tech et qu’il s’agit d’un gage de confiance pour les utilisateurs.
On a cette capacité à offrir des garanties supérieures en termes de protection des données par rapport à d’autres pays, d’autant plus qu'on applique les mêmes règles à l’échelle mondiale. Le deuxième texte majeur c’est le DSA, qui est plus récent, et vient renforcer la lutte contre les comportements et les contenus inappropriés sur Internet. Je suis extrêmement fière en tant qu’entreprise française et européenne d’arriver à influencer cette régulation dans le monde entier pour que demain nos plateformes puissent offrir des services en toute sérénité et confiance. Et redonner confiance à des utilisatrices et utilisateurs qui ne demandent qu’à pouvoir utiliser nos applications en confiance, et avec sérénité.
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