Un Minion ricanant dans une salle de bains ensanglantée

Minion Gore : en ligne, quand l’innocence rencontre l’horreur

© Justin Lim eet FB via Ideogram

Sur TikTok et Instagram, des vidéos superposant l’esthétique des Minions à des scènes de violence réelle prolifèrent. Merci qui ? L'intelligence artificielle bien sûr !

Depuis leur apparition dans les films d’animation, les Minions sont devenus des symboles d’innocence et d’humour absurde. Mais ces dernières semaines, ces petites créatures jaunes, issues de l’univers de Moi, Moche et Méchant, font l’objet de détournements : le « Minion Gore », aussi appelé vidéos Minion AI. Ces publications, générées par IA, cumulent des millions de vues et révèlent le laisser-faire des plateformes face aux contenus hybrides.

Minion Gore : quand l’esthétique joviale des Minions se superpose à l'ultraviolence

À l’intersection de l’humour noir et du trash, le phénomène a été signalé pour la première fois en décembre 2024 par le journaliste Emanuel Maiberg sur le site 404 Media. Suicides, attaques terroristes, tueries de masse, meurtres... À l’aide de générateurs de vidéos IA, les utilisateurs remplacent les protagonistes de ces évènements ultraviolents par des Minions donnant un vernis absurde et enfantin, aux allures de films d’animation, à des scènes insoutenables. Scandalisés, certains internautes tirent la sonnette d'alarme.

@noahglenncarter

People think that Vexbolts is going to deactivate his account to stop the mass unfollowing #vexbolts #foryou

♬ original sound - NoahGlennCarter

Sur le plan éthique, le Minion Gore, soulève de nombreuses interrogations. Car au-delà de leur nature graphique, ces vidéos exploitent une technique narrative perverse. Les spectateurs, attirés par l’apparence innocente des vidéos, se retrouvent face à des images où le familier devient l’instrument de l’effroi, provoquant une profonde dissonance cognitive. Les Minions, synonyme d’innocence et de légèreté, deviennent ainsi les vecteurs d’une horreur insidieuse.

Entre réalité et fiction : l’IA brouille les repères

La technologie vidéo-à-vidéo de Runway, dont le filigrane est présent sur de nombreuses vidéos, est au cœur de cette controverse. Accessible gratuitement, elle permet de transformer une vidéo en animation grâce à un simple prompt. Un processus qui ouvre la porte à toutes les formes de détournement, y compris les plus sombres. Des scènes tragiques comme la fusillade de masse de Christchurch en 2019, ou le suicide en direct de Ronnie McNutt en 2020 ont ainsi été « minionifiées » avant d’être partagées à grande échelle. Bien que les plateformes tentent de réagir, leurs algorithmes, conçus pour reconnaître des contenus explicites, peinent à détecter ces vidéos qui brouillent les frontières entre réalité et fiction. Une complexité permettant à ces vidéos de circuler parfois plusieurs jours avant d’être supprimées. Ainsi, la vidéo « minionifiée » de Ronnie McNutt se tirant une balle dans la tête a été visionnée près de 250 000 fois avant suppression, rapporte le média 404.

Malheureusement, le Minion Gore est plus qu’une tendance éphémère. Il s’inscrit dans cette culture numérique où la viralité prime sur l’éthique. Face à ces contenus hybrides, il devient urgent pour les réseaux sociaux de développer des méthodes d’analyse plus sophistiquées, capables d’intégrer des dimensions contextuelles et esthétiques. Voudront-elles le faire ? Ou jugeront-elles qu'ici commence la liberté d'expression ?

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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