Depuis les dresseurs d’intelligences artificielles, aux mineurs de terres rares que l’on retrouve dans les composants de smartphones, quels sont les métiers les plus méconnus et pourtant indispensable à notre monde numérique ?
Bombardés de buzzwords comme algorithme, intelligence artificielle, data, on a tendance à imaginer l’univers des nouvelles technologies automatisé et robotique. Pourtant, pouvoir poster une photo sur Facebook avec votre portable, ou utiliser une enceinte connectée n’est pas (seulement) le fait d'une armée de codeurs. De petites mains oeuvrent depuis la fabrication de vos appareils jusqu’à la modération du contenu que vous diffusez sur le web. Sélection.
Dresseur d’intelligence artificielle
Quand vous parlez à votre enceinte intelligente, ou bien à des assistants vocaux comme Siri et Cortana, leurs réponses sont généralement justes et rapides. Mais derrière les réseaux de neurones, des humains remplissent leur base de données et corrigent leurs erreurs. Dans le jargon, on les appelle les dresseurs d’IA. Leur job consiste à retranscrire par texte des centaines de requêtes vocales qu’on leur envoie par petits bouts. Ils doivent aussi comparer des extraits audio avec des retranscriptions automatiques pour les corriger si nécessaire. Dans un article datant de mai dernier, La quadrature du Net mettait en évidence l’existence de ces petites mains recevant des centaines de requêtes vocales en France. Ces employés, payés à la tâche, ont souvent accès à des conversations privées, des requêtes porno, des adresses personnelles et tout un tas de données privées et sensibles. De quoi réfléchir à deux fois avant de confier vos plus sombres secrets à Cortana…
Eleveur de clic
Oubliez tout de suite le gentil paysan qui élève des animaux dans la campagne. Les fermes à clics sont des entreprises qui ont pour mission de booster de manière frauduleuse des avis ou du trafic web. Les employés de ces entreprises sont assis face à des racks contenant des centaines de smartphones et cliquent inlassablement sur des publicités, une newsletter, ou une application qu’ils vont télécharger en masse et noter positivement. Les fermes à clic peuvent aussi être utilisées pour tricher sur son influence. Ainsi, en 2015, Business Insider avait remarqué que seuls 42% des fans de Donald Trump sur Facebook étaient américains. Le reste venait de pays en développement comme les Philippines, la Malaisie, ou l’Indonésie. Le business du clic est mondialisé et on trouve des fermes en Chine, Inde, Nepal, Sri Lanka, Egypte… Côté salaire, ces fermiers sont généralement payé un dollar pour 1 000 clics.
Éboueurs de réseaux sociaux
Vous vous demandez comment le moindre téton publié sur Facebook est généralement effacé dans les minutes qui suivent sa publication ? Il ne s’agit pas du travail d’un algorithme ultra perfectionné dans la reconnaissance visuelle, mais bien celui de milliers de petites mains travaillant principalement aux Philippines. Révélé dans le documentaire Les nettoyeurs du web de Hans Block et Moritz Riesewieck, ces travailleurs sont soumis chaque jour à des centaines de photos et vidéos montrant de la nudité, de la pornographie et de la violence souvent très graphique. À eux de décider s’ils doivent laisser en ligne des clips montrant des enfants hurlant après un bombardement, ou des scènes de décapitations de Daesh. Soumis à un intense stress psychologique, certains travailleurs justifient toutefois leur travail comme un mal nécessaire permettant de protéger le monde numérique.
Les Micro-tâcherons
Depuis l’arrivée en 2006 de la plateforme Mechanical Turk d’Amazon, un nouveau type de travailleur est apparu. Il s’agit généralement d’individus travaillant chez eux et effectuant pour quelques centimes, des centaines de micro taches. Lire des tickets de caisse et rapporter le montant, décrire une photo, renommer des fichiers, rédiger des critiques ou donner des avis… Depuis plusieurs autres plateformes comme CrowdFlower, Taskrabbit ou Upwork offrent à une masse de travailleurs toujours plus nombreux des taches que les intelligences artificielles ne peuvent pas encore faire. La plateforme d’Amazon en emploie déjà 500 000 à travers le monde.
Mineur de terres rares
Or, tantale, étain, tungstène et bien d’autres matériaux rares sont utilisés dans la fabrication de nos smartphones ou de leurs batteries. On les surnomme les terres de sang. Ces matériaux proviennent de nombreux pays comme le Chili, l’Indonésie, la Chine ou la République démocratique du Congo où les conditions de travail sont plus que catastrophiques. Selon l'Unicef, plus de 40 000 enfants travaillent dans les mines de cobalt et de cuivre de la province du Katanga, dans le sud de la RDC. Au Kivou, ce sont des milices armées qui s’occupent d’extraire les précieuses ressources. En Chine, les travailleurs qui extraient du thorium sont exposés à de la poussière radioactive. Au final, seule une infime partie (1/1000eme) des ressources minées sont utilisées dans la fabrication d’un smartphone tandis que le reste est généralement jeté dans des décharges sauvages.
Ouvrier dans les usines de fabrication
Vous avez probablement un téléphone portable dans la poche ! Il y a de forte de chance pour qu’il ait été assemblé en Chine par des milliers d’ouvriers travaillant à la chaîne. Leurs conditions de travail sont généralement désastreuses et depuis 2010, on entend régulièrement parler des fameuses usines à suicides comme celle de Foxconn. Ces dernières seraient équipées de filets de sécurité aux étages pour empêcher les défenestrations.
D’après l’ONG China Labour Watch qui rapporte régulièrement les abus dans cette industrie, les usines d’assemblage font souvent appel à des travailleurs mineurs et les logent dans des dortoirs insalubres situés à côté du lieu de travail. En réaction à ces révélations, plusieurs projets ont vu le jour pour proposer des téléphones garantissant un revenu décent à l’ensemble des ouvriers ayant travaillé à sa fabrication. Le néerlandais Fairphone propose un de ces appareils depuis 2015.
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