Les « regens », les crypto-bros qui se rêvent écolos

Les « regens », les crypto-bros qui se rêvent écolos

© FB via Ideogram

Ils veulent "régénérer" le monde et la finance et imaginent des enclaves écologiques, financées par la blockchain et débarrassées de l’État.

« Après 12 ans dans l’industrie des cryptomonnaies, je n’ai jamais été aussi désillusionné qu’aujourd’hui », confie un crypto-bro en plein désenchantement. Et ils sont nombreux à avouer leur amertume face à un écosystème pollué des memecoins à l’inutilité revendiquée, à l’image du TRUMP. « Not all crypto are bad (only most of it) », peut-on lire sur les forums. En quête de rédemption, certains se présentent comme l’antithèse des degens, ces traders obsédés par le profit rapide et les mèmes obscènes. Les regens, eux, veulent ainsi utiliser la blockchain pour le bien commun, comme pour créer des réserves naturelles ou des communautés engagées.

La pilule verte, remède au mal qui ronge les cryptos ?

« Turning degens into regens » : c’est le mantra de Kevin Owocki, l’inventeur du concept de Greenpill et fondateur de Gitcoin (une crypto qui finance l’open source). Dans son manifeste Greenpilled: How crypto can regenerate the world, il mise sur la transparence et la programmabilité des blockchains pour redistribuer les richesses autrement. Il considère que si l'on peut créer des incitations pour la spéculation effrénée, alors on peut aussi en concevoir pour réparer le monde.

Les mèmes et la culture crypto étant des outils d’adhésion puissants, Owocki pousse les déçus de la crypto à avaler la green pill. Il revisite la célèbre pilule rouge de Matrix – qui dévoile la vérité au héros et est devenue un symbole réactionnaire – ainsi que l’orange pill, clin d’œil au logo orange du bitcoin, et au "réveil" des bitcoiners sur la nature de la monnaie.

D’ailleurs, les regens rejettent le Bitcoin, jugé trop énergivore, et lui préfèrent l’Ethereum, dont le créateur Vitalik Buterin lui-même a été séduit par la ReFi (regenerative finance). Un podcast, des guides, des Discords, tout un attirail est mis en place pour convertir la cryptosphère et la ramener du "bon côté de la Force".

Vers des crypto-ZAD ?

Greenpill Network, Blockchain for Good, ReFi DAO… La liste des organisations autonomes décentralisées (DAO) qui se revendiquent du bien commun s’allonge. Mais pour les adeptes de la ReFi, les cryptomonnaies permettent surtout de lever des fonds de manière plus directe, sans intermédiaire, et d’expérimenter des formes d’autogestion. Leurs projets vont du coliving écolo aux quartiers autonomes pour digital nomads comme avec Cabin.city, qui réinvente le village global à coups de “crowdfunding de territoire”. Ces communautés distribuent des jetons pour prendre des décisions, un peu comme une monnaie locale…, mais privée. Un jeton de gouvernance permet d’orienter les décisions du groupe et de distribuer de petits passeports en forme de NFT, pour graver dans la blockchain l’appartenance à la communauté.

Éric, entrepreneur français d’origine australienne, a été séduit par le concept. Il vante la "blockchain ecology" et ces initiatives qui plantent des arbres, font de la permaculture et utilisent des cryptos pour financer des projets environnementaux. En colère contre les États centralisés qui favoriseraient, selon lui, la corruption, il prend l’exemple de l’Australie : « Là-bas, il y a des coraux magnifiques. Mais l’État a placé ses potes à la tête de groupes qui gèrent les zones écologiques, alors qu’ils viennent de l'industrie du gaz et du pétrole. En créant des DAO, on peut lutter contre la corruption en instaurant plus de transparence », explique Éric. Si son discours est résolument anti-État, il croit toutefois aux bienfaits du marché. « Pour qu’un pêcheur ait intérêt à sauver une baleine plutôt qu'à la tuer, il pourrait prouver son action et recevoir un financement via la blockchain. » Le raisonnement peut aussi être étendu au marché carbone, où blockchains et cryptos promettent de mieux tracer l’argent et de limiter les abus.

L’aile verte du Network State : un monde d’archipels sans nation

Derrière l’idée technosolutionniste d’une écologie Web3, se cache une influence moins innocente. Car la Greenpill est peut-être la manifestation la plus surprenante de l’idéologie du Network State inventée par Balaji Srinivasan. Dans son livre L’État-réseau – Comment créer un nouveau pays, cet entrepreneur théorise une méthode pour démanteler les États-nations, à base de libre marché et de la dérégulation totale, en créant des zones autonomes. Les adeptes de la regenerative finance s’en inspirent à leur tour, imaginant des enclaves autonomes boostées par les technologies qui sauvent l’humanité.

En pratique, l'idée est simple : acheter des territoires via du crowdfunding, les extraire du contrôle étatique, et y instaurer une gouvernance par blockchain. L’application de la ReFi au Network State donne alors naissance à des archipels écologiques privés, où l’impôt et l’intervention publique sont remplacés par des mécanismes de marché. Si en apparence, les regens veulent œuvrer pour le bien commun, leur vision du monde s’inscrit dans la même matrice idéologique que certains libertariens : celle d’un capitalisme technologique où tout doit être disrupté, y compris la régulation environnementale.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Eh ben, nous v'là sauvés !

  2. Avatar Anonyme dit :

    Quelle personne censée voudrait d'un tel monde ? en lisant cet article sur cette "recette miracle", on y voit un soupçon d'anarchisme, une bonne louche de sectarisme, un soupçon d'écologie car ils sont en fait loin d’être réellement écolo mais juste "ecolo-politique", le tout avec une bonne pensée wokiste. Cette minorité qui veut "régent-er" le monde, ils paraissent très très à Gauche bizarrement...
    ils veulent "régénérer" mais ils font plus penser à des dégénérés"...
    Heureusement je crois en l'humain censé qui se dressera contre cet ordre réellement totalitaire.

  3. Avatar Anonyme dit :

    Arf ! l'illustration d'article générée par IA... Pof pof ! La promesse numérique fait parfois du mal...

  4. Avatar Bill dit :

    @l'anonyme de 9h22, votre dédain de ce qui est votre gauche semble vous égarer. Je reste d'accord sur le fait que ce monde qu'on voudrait nous imposer n'est pas reluisant, la blockchain en elle même ne me semblant pas être très green

  5. Avatar Maaltir dit :

    S'ils veulent une vraie monnaie, ou les hommes sont vraiment tous égaux au niveau de la création monétaire, ils devraient regarder du côté de Duniter, et de la monnaie libre Ǧ1.

    Pour un monde plus écolo et plus juste, il faut que tous les humains créent la même portion de monnaie, Quel que soit le lieu, quelque soit l'époque.

  6. Avatar Anonyme dit :

    J'en ai assez de voir des posts de ce type attaquer la gauche comme si c'était le pire des maux..

    Il y a une véritable attaque sur nos acquis sociaux sous prétexte de lutter contre le "gauchisme" ou d'autres pretextes falaieux comme le fait de participer financierement à notre réarmement ou à notre réindustrialisation...
    Si on écoutait ces "biens-pensants", nous en serions a la retraite à 75 ans, les chômeurs seraient non indemnisé alors qu'ils ont souvent cotisé toutes leurs vies, les retraités verraient leur retraites baissées en fonction de l'argent disponible, la SECU serait bradés à des sociétés privées de meme que l'éducation ou les hopitaux...
    Et l'on voit le resultat, par exemple avec les maisons de retraites qui sont devenues des mourroirs pour les personnes agées alors que leurs progenitures se ruinent pour payer ses organismes à la limite du mafieux...
    Mais s'attaquer aux chômeurs améliorent-il la sitution des travailleurs ? Non. Les actifs payent toujours la même chose chaque mois, l'argent est juste détourné par nos chers politiques, souvent encensé par les meme personnes qui critiquent les chomeurs et les retraités...
    Diviser pour mieux regner, tel disait Maquiavel...
    Le pays a été dirigé depuis des decenies par des politiques corromptus qui se gavent sur votre dos avec cet argent qui devrait faire tourner le pays.
    Mais ce n'est pas grave, continuons à incriminer les chomeurs, les retraités, retournons nous les uns contre les autres... Et surtout continuons à voter pour des incapables qui ont transformé la France en un pays proche du tiers monde, ou notre systeme de santé n'existe presque plus, tout en payant le plus d'impots au monde et en ayant la dette la plus importante au monde, apres les Etats Unis !!! (3300 milliards de dettes et ce n'est pas fini ).
    Bah oui, tout le monde le sait, les 3300 milliards de dettes, c'est la faute des chomeurs... et des retraités ... et puis, et puis etc...

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