Petits robots sur fond vert

Des avatars et des robots pour remplacer des Japonais trop vieux pour travailler

En 2030, plus de 10 millions de travailleurs manqueront au Japon. Pour les remplacer, le pays compte sur la tech. 

« Même si on double les salaires, il n’y a juste plus personne à embaucher. » Le constat de Kazuki Tsukiuda, cadre chez la chaîne de superette japonaise Lawsons au Japon, dans les colonnes du Financial Times, est partagé dans de nombreux secteurs économiques du pays, de l’agriculture à la distribution, en passant par le transport de marchandise. 

Le cabinet Recruit Works Institute (RWI) estime que 11 millions de travailleurs manqueront à l’appel en 2040. La cause de cette pénurie vient principalement du vieillissement de la population. En 2042, la part des plus de 65 ans atteindra son pic - elle constitue déjà 30 % de la population. « Certains services essentiels permettant de maintenir le mode de vie des gens et l'infrastructure sociale commencent à manquer », dit Shoto Furuya, directeur de recherche à RWI. Le quotidien cite notamment la probable disparition de l’iconique chariot à nourriture du Tokyo-Osaka. L’Expo Universelle d’Osaka en 2024 est-elle aussi directement touchée par les difficultés de recrutement dans le secteur de la construction. Pour attirer les travailleurs, les rémunérations ont été fortement augmentées et le budget de l'événement aurait ainsi doublé pour atteindre 1,6 milliard dollars.  

10 robots pour remplacer 22 travailleurs 

Pour pallier ce manque, les entreprises font de plus en plus appel aux robots et autres technologies, rapporte le Financial Times. Dans son usine de Motomachi, Toyota a mis en place des « robots véhicules logistiques » pour assurer la livraison de leurs voitures. À terme, le constructeur automobile espère remplacer 22 travailleurs par 10 robots. Au Sud du Japon, une expérience a été mené il y a quelques mois pour automatiser quasi-complètement la culture du riz. Des drones et robots capables de semer, cultiver et récolter, ont fait chuter le nombre d’heures travaillées par des humains de 529 à 29 heures. Un résultat que le Japon juge « excitant » compte-tenu de sa dépendance grandissante aux importations de nourriture et du vieillissement de la population. 

L’exemple le plus surprenant se trouve dans le secteur du retail. Plus précisément chez les supermarchés Lawsons, qui ont opté pour des avatars contrôlés à distance. La chose ressemble à un personnage de manga projeté sur un écran géant. Mais contrairement à la plupart des robots de service, c’est une vraie personne qui est en charge de l’avatar. La technologie avait été testée pendant le Covid, pour protéger les salariés et elle est aujourd’hui adoptée afin de recruter plus facilement des personnes sans les obliger à être sur place. Le poste peut être occupé par des parents au foyer, de vieilles personnes ou des personnes handicapées qui normalement n’auraient pas pu travailler en magasin, explique le média britannique. Pour le moment seulement 8 supérettes (appelées combini au Japon) sont équipées. Mais Lawson compte déployer 100 000 avatars d’ici 2030. “Dans les zones rurales, ça permettra aux magasins de rester ouverts”, prédit Kazuki Tsukiuda de chez Lawson. 

L’exemple du Japon intéresse de près les pays voisins (et moins voisins), notamment la Chine qui a vu sa population se réduire ces deux dernières années

Les robots ne font pas toujours leurs preuves 

Par ailleurs, en Europe comme aux États-Unis la pénurie de main d’œuvre (et la volonté de baisser les coûts) poussent depuis de nombreuses années l’industrie à se robotiser. Dernièrement, BMW a annoncé l’intégration de robots humanoïdes dans l’une de ses usines américaines. Si les robots sont au sein des usines depuis longtemps, l’allure humaine de celui-ci est assez inédite pour l’industrie. Le robot en question développé par l’entreprise Figures serait capable de faire tout ce qu’un ouvrier peut faire (notamment des taches qui requierent une certaine dextérité), précise Axios. Le média s’attend à voir un déploiement de ce type de technologies prochainement. 

La solution des robots (humanoïdes ou non) est également envisagée dans les hôpitaux, y compris en France, pour pallier le manque de personnel (plutôt que d’améliorer les conditions de travail des humains, par exemple). Dans le service toutefois, les robots sont loin d’avoir fait leurs preuves. On garde en mémoire le robot Pepper, qui s’est fait remercier d’un supermarché anglais après avoir effrayé les clients. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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