Un soldat US avec un drone dans la main

Comment les drones redéfinissent les règles du jeu de la guerre du futur

Ces petites machines terrifiantes sont au cœur de la guerre de tranchées qui se déroule actuellement en Ukraine. Aujourd’hui pilotés par des humains, ces engins seront très prochainement autonomes.

Depuis le Mexique des cartels de drogue à la Syrie de Daesh, le reporter de guerre et youtubeur Charles Villa a roulé sa bosse. Mais quand il revient d’un reportage sur la ligne de front en Ukraine et qu’il raconte à quel point la guerre des drones le terrifie, on a tendance à l’écouter. Car, au-delà de ce teasing pour une vidéo qui va sortir prochainement, le journaliste exprime des craintes bien réelles.

@charlesvillaa

La technologie des drones fpv dans la guerre en Ukraine est terrifiante

♬ son original - Charles Villa

« Vous avez peut-être déjà vu des vidéos passer ; j’ai décidé d’aller filmer ça en vrai et c’est terrifiant, c’est une machine à tuer des hommes, en fait, très précise en plus. » Ce à quoi Charles Villa fait allusion, ce sont les nombreuses brigades de drones FPV (first person view) ukrainiennes qui ont non seulement la capacité de faire exploser à distance des engins sur des véhicules blindés ou dans des tranchées, mais qui, en plus, fournissent des vidéos de propagande terriblement efficaces et déshumanisantes. Le reste de la courte vidéo de Charles Villa est du même acabit. « C’est vraiment dystopique, la technologie va très vite et dans quelques années, il y a l’IA qui va arriver sur ces armes. Même les militaires qui les utilisent sont terrifiés. »

L'artillerie reprend du galon

Cet avenir de la guerre des drones, Romain Lucazeau l’a justement imaginé dans son roman de science-fiction, La Vallée du carnage. Située dans une réalité alternative où les anciens empires carthaginois ou mésopotamiens ne se sont jamais effondrés, l’histoire raconte la chute d’un tyran perse dont la doctrine et l’armement rappellent la Russie de Poutine. Expert en politiques publiques, à l'international et en France, Romain Lucazeau a aussi participé à la Red Team, une cellule imaginée par l’Agence de l’innovation de Défense (AID), rattachée au ministère des Armées, qui rassemble des auteurs de science-fiction, des designers et des sociologues pour imaginer les risques et les conflits du futur.

Pour lui, la véritable transformation qu’apportent les drones au combat ne se situe pas vraiment dans cet usage terrifiant du FPV que rapporte Charles Villa : « L’une des transformations majeures apportées par les drones est la métamorphose radicale de l'utilisation de l'artillerie, explique-t-il, qui était une arme du 20ᵉ siècle, voire du 19ᵉ siècle. Elle était extrêmement puissante et mobile, mais très imprécise. À partir du moment où vous pouvez obtenir des renseignements par drone, on obtient un outil bien plus dangereux que par le passé. Il n'est plus nécessaire de saturer un territoire sous une pluie d'obus comme on le faisait à l'époque, on peut infliger des dégâts considérables avec une frappe ciblée. Les drones sont aussi une solution plus abordable et efficace que les images satellites, ce qui implique une communication en temps réel assez sophistiquée, qui n’est pas adaptée à tous les types d’armées. »

Assurer la domination du ciel

L’autre grand changement qu’apporte l’utilisation massive de drones, c’est la maîtrise de l’espace aérien proche du sol, qui était auparavant couvert par des hélicoptères réputés pour leur fragilité. « C’est un phénomène qu’on a pu observer lors du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, raconte Romain Lucazeau. Les drones militaires peuvent couvrir cet espace intermédiaire, au-dessus de nos têtes, avec une certaine précision. Cela a un impact majeur sur la guerre du futur car le camp qui la déploie obtient une supériorité aérienne écrasante et remporte la guerre, comme cela a toujours été le cas. »

En Ukraine, les choses sont toutefois délicates étant donné qu’aucun des deux camps n’arrive à maîtriser le ciel. « Plus personne ne fait décoller d'avions parce que les capacités de frappe ne sont pas suffisantes, poursuit l’auteur. Dans le cas ukrainien et dans la plupart des guerres du futur où l’OTAN n’est pas impliqué, personne ne détient cette supériorité aérienne. Sans celle-ci, il est impossible d’avoir de la visibilité sur le champ de bataille et de concentrer des troupes pour mener de grosses offensives, ce qui explique cette ligne de front et ces opérations de grignotage. »

L'avenir est aux armes autonomes

L’avenir de la guerre des drones, c’est aussi cette autonomisation via l’intelligence artificielle qui fait peur à Charles Villa. Dans son roman La Vallée du carnage, Romain Lucazeau extrapole ce point en imaginant l’avion de combat prochaine génération, équipé d’un essaim de drones commandés en parallèle qui multiplie sa puissance. « L'automatisation existe déjà et l’arrivée d’armes autonomes est inévitable à moyen terme, explique-t-il. Tous les tests qui ont été faits sur des avions avec IA pour remplacer les pilotes montrent que ça marche mieux. Les tests en simulation montrent que l'IA gagne, car elle est plus rapide. Mais ces tests se déroulent dans un environnement sans contraintes, un ciel ouvert. On va sans doute automatiser et mettre plus de matériel sur le terrain, car il vaut mieux perdre des machines que des hommes. Mais est-ce que ça veut dire que la guerre sera plus dangereuse dans le futur ? Je ne suis pas sûr. »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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