L'avènement de la blockchain doit permettre une véritable révolution économique et sociétale, mais on est encore loin de savoir dans quelle direction elle va aller. D’après certains chercheurs cette technologie pourrait aussi bien mener à une société plus ouverte qu’à une dictature technocratique.
D’après les aficionados de la blockchain, cette technologie pourrait sacrer l’avènement d’une finance ouverte et décentralisée. Plutôt que de passer par des organisme centraux, elle permettrait aux individus de réaliser par eux-mêmes des échanges de valeurs. Une belle idée ?
Les cinq futurs hypothétiques de la blockchain
Certains experts émettent de sérieux doutes. C’est notamment le cas de Sarah Manski, doctorante à l’université de Santa Barbara et spécialiste de cette technologie. Dans son article No Gods, No Masters, No Coders ? The Future of Sovereignty in a Blockchain World, elle envisage cinq scénarios, plus ou moins catastrophe.
Dans le premier, chaque individu deviendrait entrepreneur de lui-même, en compétition avec tous les autres. L’ensemble des relations sociales seraient régulées par la loi du marché, la prime revenant aux plus influents. Un avenir libertarien donc, qui engendrerait la disparition pure et simple de la notion d’État.
Le second scénario imagine une souveraineté technocratique dans laquelle les institutions et les acteurs du secteur de la crypto utiliseraient la blockchain pour destituer les GAFAM. Sarah Manski y décrit la création d’une myriade d’organisations autonomes et décentralisées.
Dans le troisième, les corporations comme Google ou Facebook changeraient leur modèle pour se mettre à distribuer également à leurs utilisateurs ou aux développeurs des tokens en échange de leurs datas et de leurs services. Selon le vieil adage « winners take all », les géants renforceraient leur pouvoir.
Dans le quatrième scénario, la technologie permettrait aux États un contrôle total des activités économiques, sociales et politiques pour faire naître le premier techno-
totalitarisme.
Enfin le dernier scénario imagine, sur une note plus positive, un avenir où les registres distribués permettraient l’émergence réelle de l’économie collaborative dans laquelle les chaînes de blocs seraient utilisées pour le bien commun avec la création de coopératives agricoles ou énergétiques.
Ce tableau ne serait pas complet si on n’envisageait pas que la blockchain puisse faire cohabiter ces cinq hypothèses.
La blockchain, un système basé sur le manque de confiance
De son côté, Michel Bauwens, le grand théoricien de l'économie collaborative et fondateur de la P2P fondation nous invite surtout à être vigilants. « On dit que la blockchain est tellement sécurisée qu’elle permet de faire des échanges en toute confiance, explique-t-il. Mais les promoteurs de ce système eux-mêmes n’ont pas confiance en l’être humain et considèrent tout le monde comme suspect. Ils estiment que c’est le rôle de la technologie de vérifier et d’entériner nos choix. Il faut prendre conscience que ceux qui sont derrière ces architectures mettent souvent en avant une idéologie ultra-libérale et hyper-rationaliste. Ce sont des ingénieurs qui ont appris l’économie sur le tas et qui estiment que les humains sont des agents économiques en concurrence constante. »
Selon lui, il faut faire le tri parmi les différentes start-up s’appuyant sur la blockchain. Il cite, entre autres, AgriLedger et Pylon Network qui mettent en place des coopératives agricoles ou énergétiques, Fishcoin qui récompense en tokens les pêcheurs et les producteurs piscicoles qui acceptent de partager leurs données de traçabilité... Avec ces projets, l’objectif final est bien de sortir des crypto-monnaies spéculatives et permettre l’arrivée d’une nouvelle économie dans laquelle les efforts écologiques des travailleurs pourraient avoir une véritable valeur. De quoi changer le monde, pour de vrai !
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