Sam altman demultiplié

Les vidéos slop sont en train de submerger le Web et Sam Altman a sorti sa planche de surf

Avec Sora, la nouvelle plateforme d’OpenAI, le Web entre définitivement dans l’ère du slop : un flot de vidéos générées par IA menace de noyer le réel.

Rappelez-vous : au mois de septembre 2024, Sam Altman évoquait dans Business Insider la possibilité que l’IA puisse trouver un remède contre le cancer. Si le PDG d’OpenAI s’accroche encore à cette promesse (qui lui permet de justifier un très coûteux plan de construction d’infrastructures), cette dernière mise pour le moment sur un autre cheval : la production de vidéos slop, ce contenu médiocre généré par IA, en dégainant l'application Sora. Cachez votre joie.

Inaccessible encore en France, la plateforme a explosé les records de l’App Store en passant numéro 1 des téléchargements en l’espace de trois jours. Les personnes inscrites qui ont réussi à obtenir un code d’invitation tombent sur une interface très semblable à celle de TikTok, permettant non seulement de générer des segments de 5 ou 10 secondes de vidéo, mais aussi de faire défiler les productions des autres utilisateurs.

Alors qu’OpenAI affiche une perte de 7,5 milliards de dollars sur le premier semestre, ceci malgré une valorisation record estimée à 500 milliards, la rentabilité de son IA en entreprise continue d’être mise en doute par plusieurs études scientifiques. Dans ce contexte, la firme semble donc ajouter une nouvelle corde à son arc : s’inspirer du modèle économique des plateformes sociales fondées sur la vidéo courte. Comme le rappelle Time, ce virage a quelque chose d’ironique quand on relit les anciens billets de blog de Sam Altman. Ce dernier voyait dans les flux de réseaux sociaux « un exemple d’IA mal alignée », conçue pour « nous pousser à faire défiler l’écran ». Mais avec Meta et ByteDance qui lancent leur propre application de slop, Altman n’a sans doute plus le luxe de rester en retrait. Et la création de cette plateforme est d'autant plus intéressante qu'elle permet à OpenAI de contrôler l'intégralité de l'expérience utilisateur, depuis la fabrication jusqu’à la diffusion du contenu.

Depuis la sortie de modèles capables de générer des vidéos photoréalistes comme Veo 3 de Google, Sora1 ou encore Runway Gen 4, les plateformes sociales sont envahies par du slop cherchant à tout prix la viralité. Certaines surperforment et deviennent de véritables phénomènes, comme cette vidéo diffusée en août dernier montrant des petits lapins sautant sur un trampoline de jardin pendant la nuit.

Parfaitement crédible pour un œil non avisé, la vidéo a été vue plus de 148 millions de fois en l’espace de deux jours. Le même phénomène avait eu lieu quelques mois auparavant, quand une vidéo montrait une personne tentant d’entrer dans un avion, accompagnée par un kangourou présenté comme un animal de soutien psychologique. Publiée sur Instagram par le compte Infinitunreality, la vidéo avait gagné plus de 970 000 likes en trois jours avant d’être postée sur X, où elle a été vue plus de 41 millions de fois en une journée.

@yagirlgabby_

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♬ original sound - Gabby

Ces vidéos ne sont que la partie la plus visible de l'iceberg. Pour le journaliste Drew Harwell, spécialiste de ces nouveaux formats pour le Washington Post, toute une économie est en train d’émerger autour du slop. Des centaines de créateurs de contenu, souvent issus de pays asiatiques, produisent à un rythme effréné des contenus absurdes, douteux ou surréalistes. Vous êtes peut-être déjà tombé sur ces vidéos de singes podcasteurs ou de fausses interviews de bébés mignons racontant leur quotidien depuis leur point de vue. Parfois, ces contenus sont encore plus étranges, comme ces vidéos montrant un chien arracher le visage d'une femme qui s’avère être une salade de légumes

L'objectif ? Prendre un public très large par surprise, jouer avec les algorithmes de recommandation des plateformes et empocher l'argent dédié aux fonds créateurs. À titre d'exemple, la vidéo du kangourou aurait rapporté plus de 15 000 dollars de commissions en l'espace de trois mois. Cette stratégie rappelle l'époque des fermes de contenu qui avaient pris Facebook et Instagram d'assaut pour y créer le contenu le plus viral possible, comme des vidéos de tutos absurdes ou des recettes de cuisine fétichistes. Mais cette fois-ci, l'économie va plus loin. Non seulement les créateurs peuvent espérer gagner davantage en vendant, de manière quasi systématique, des formations ou des kits de prompts à d'autres internautes, mais ils alimentent aussi tout l’écosystème des plateformes de génération de vidéos, qui demandent des abonnements payants pour fonctionner correctement.

Lassé de voir cet engagement – et donc possiblement de juteuses recettes publicitaires – aller à la concurrence, c'est donc avec enthousiasme que Sam Altman a décidé de se lancer dans le business du slop. Mais ce dernier a décidé d'y ajouter une touche spéciale qui fait toute la différence. Il s'agit de la fonctionnalité Cameo, qui permet aux utilisateurs de générer des vidéos avec leur propre image ou celle d'autres internautes ayant autorisé l’exploitation de leur visage. Pour promouvoir cette innovation qu’on pourrait qualifier de « deepfake habillé », Sam Altman a donc joué le jeu en offrant à l’ensemble des utilisateurs la possibilité de l’intégrer dans n’importe quelle vidéo photoréaliste.

Comme le souligne le tiktokeur showtools, il est à présent impossible de distinguer les vraies images du CEO d’OpenAI de celles générées sur la plateforme…, et cette confusion peut s'appliquer à tout le monde. Sur Twitter, des vidéos bluffantes montrant Stephen Hawking en train de maîtriser des figures de skate sont devenues virales en l'espace de 24 heures. Et c'est peut-être cette confusion que cherche à créer Sam Altman.

En parallèle de cette plateforme, ce dernier prépare le lancement de World ID, un projet d'authentification des identités basé sur des données biométriques – le scan de l'iris – stockées sur la blockchain. Ce passeport numérique, contrôlé par une entité privée, doit à terme prouver que vous êtes bien réel sur les réseaux et non un deepfake généré par IA. En lançant Sora, Sam Altman crée donc le problème afin de mieux justifier sa solution, et devient au passage celui qui décide de ce qui est réel ou non dans notre espace médiatique. On est vraiment loin de la solution miracle contre le cancer.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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