Un roi avec des Bitcoins sur la carte des USA

2025 : l'année du grand tournant pour Bitcoin ?

© Montage par Florence Banville

En accordant une reconnaissance politique inédite à la cryptomonnaie, le gouvernement américain va corrompre l’idéologie sur laquelle elle a été créée. Et initier une nouvelle ère.

Tout au long de la campagne, Donald Trump s’est présenté comme le candidat du Bitcoin. Maintenant qu’il est élu, qu’envisage-t-il pour être à la hauteur de cette réputation ? Une proposition de loi républicaine laisse entrevoir la stratégie américaine : un plan d’acquisition d’un million de Bitcoins sur 5 ans. C’est un projet de la sénatrice Cynthia Lummis, qu’elle a défendu le 31 juillet 2024 : « Le Bitcoin transforme non seulement notre pays, mais aussi le monde entier. En devenant la première nation développée à utiliser le bitcoin comme technologie d'épargne, nous nous assurons une position de leader mondial en matière d'innovation financière. » Le vote de cette proposition de loi aura sans doute lieu dès l’ouverture de la prochaine législature du Sénat qui débutera le 3 janvier 2025.

Une monnaie au-dessus des lois ?

Jusqu’à présent, l’immense majorité des États se sont tenus à l’écart du Bitcoin, et pour cause, la première des cryptomonnaies a été créée contre eux. Satoshi Nakamoto, mystérieux pseudonyme qui a toujours masqué l’identité réelle de celui qui l’emploie, a inventé le Bitcoin en 2009 dans le contexte de la crise des subprimes et des dettes publiques. À cette époque, les gouvernements ont volé au secours des banques en difficulté en faisant marcher la planche à billets. Dénonçant cette utilisation politique de la monnaie, Satoshi Nakamoto a conçu une monnaie numérique, décentralisée, dont le nombre d’unités est programmé.

Le projet revendique son appartenance au mouvement cypherpunk, empreint d’une idéologie libertaire, plaçant la liberté individuelle et le respect de la vie privée au-dessus de tout. Les États-nations, ayant compris que cette démarche était dirigée contre eux, ont refusé de considérer le Bitcoin comme une monnaie, préférant le qualifier d’actif spéculatif, pour le mettre au niveau d’un produit financier plutôt que d’un billet de banque.

Car l’utilisation politique de la monnaie n’a jamais été un secret, c’est un attribut intangible de la souveraineté d’un État. Les États-Unis le savent mieux que les autres. En position de force à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’oncle Sam a réussi à imposer son dollar comme la monnaie internationale de référence. Aujourd’hui encore, c’est cette monnaie qui est la plus utilisée sur les marchés financiers, dans les échanges commerciaux internationaux, et dans les réserves des banques centrales. Il n’y avait donc rien de surprenant dans l’attitude condescendante à l’égard du Bitcoin, les États – et l’État américain plus encore – auraient beaucoup à perdre en accordant de la considération à cette monnaie sur laquelle ils n’exercent aucun contrôle. Ils perdraient tout simplement un monopole.

La spéculation comme étalon

Et c’est pourquoi, si le gouvernement de Donald Trump exécute le plan de Cynthia Lummis, il contribuerait à placer la première des cryptos aux côtés de l’or, voire des monnaies nationales, comme une valeur de réserve. Cela constituerait une bascule majeure qui ne manquerait pas de convaincre d’autres États dans son sillage, ce qui ferait nécessairement grimper la valeur du Bitcoin. Si les États-Unis, ni aucun autre pays, ne pourront exercer sur cette cryptomonnaie un contrôle aussi important que sur leur monnaie nationale, ils obtiendraient tout de même une influence sur son cours, et éventuellement sur les conditions de son utilisation.

2025 pourrait être l’heure de vérité pour Bitcoin. Dans un mouvement paradoxal, le paria technologique bénéficierait enfin de la reconnaissance que tous ces utilisateurs attendent, mais, ce faisant, le projet se trahirait en acceptant une récupération qui détruirait sa neutralité apolitique. En d’autres termes, Donald Trump va-t-il donner le baiser de la mort aux cypherpunks ?

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