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XTU : l'architecture techno-écolo

Les lignes bougent : à l’heure où les modes de travail évoluent, rester enfermé dans une discipline n’est plus une option.

 L’architecture n’échappe pas à la règle...

C’est dans cette dynamique qu’Anouk Legendre et Nicolas Desmazières cherchent à sortir de leur métier pour adopter des démarches d’innovation résolument transversales.

Pour ce faire, ils ont choisi de construire leur agence sur le modèle d’un collectif. « Le x, en mathématiques, c’est l’inconnue. Nous avons donc créé XTU, pour montrer que l’architecture est une recherche permanente. » Il y a sept ans, leur travail prend un nouveau virage quand, en réponse à un concours ouvert, il leur a fallu imaginer un musée de la Préhistoire en Corée du Sud. « Nous n’avions jamais fait de musée, et nous n’avions jamais vraiment travaillé à l’étranger. Alors nous nous sommes vraiment lâchés ; nous sommes sortis de nos lignes droites pour imaginer un bâtiment tout en courbes. » Les équipes doivent redoubler de ressources et d’inventivité : non seulement il leur est demandé d’imaginer la forme du musée, mais aussi son contenu. « C’était un peu le choc des cultures : nous n’avions pas de cahier des charges traditionnel… Et nous avons vite compris qu’il ne fallait pas montrer les problèmes, mais les résoudre. » Nicolas et Anouk sortent ainsi pour la première fois de leur métier, inventent, s’entourent pour élaborer un contenu scientifique crédible, une scénographie, un programme historique… « Nous avons fait énormément de rencontres. Le résultat est une immense collaboration. Ça a ouvert une brèche dans la vision que l’on avait de notre travail. »

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Plus tard, le projet du musée des Civilisations à Saint-Paul, à La Réunion, leur amène un nouveau défi : comment utiliser les courants d’air pour rafraîchir la structure ? « Nous avons commencé par réfléchir sur la façon de créer avec les écosystèmes locaux, sans utiliser trop de ressources. » Résultat ? Une façade faite de cordes, des jeux de trous et d’ombres, et la création d’un jardin sous le musée. Le tout permet de faire baisser la température du bâtiment de cinq degrés.

Forts de cette première expérience, ils continuent sur leur lancée pour répondre toujours plus loin aux besoins environnementaux. « La question de l’énergie est devenue générale. » Au fil de leurs recherches, Anouk et Nicolas découvrent une microalgue capable de s’autophotosynthétiser. « Nous avons déposé un brevet pour l’utiliser sur des façades de bâtiments, et nous avons cherché des partenaires, toujours dans cette logique de transversalité. » Laboratoires, musées, industriels : ils proposent leur idée. Ils soumettent leur projet lors du concours Réinventer Paris, et le concept séduit. Les microalgues pourront bientôt habiller des façades et contribuer à réintégrer le vivant dans la ville. « Notre projet s’articule autour de trois piliers : la culture des microalgues, la culture des arbres et de la biodiversité, et un écosystème qui permet d’intégrer une dimension sociale. Notre métier change : nous devenons des assembleurs. » Le bâtiment de demain est donc vert, animé d’une vie naturelle et d’un souffle d’entraide et de collaboration. « Nous ne pouvons pas forcer les gens à entretenir ces cultures, mais nous pouvons les accompagner : des associations leur apprendront à cultiver leurs espaces, ou pourront s’en charger à leur place. Nous voulons créer du lien, que les voisins puissent faire connaissance, abandonner la conception de l’appartement en tant que bulle ou cellule privée. L’habitant aura plus de pouvoir sur son environnement. » Mon p’ti voisinage animera la communauté virtuelle sur le Net, racontera l’histoire du lieu, des cultures, des saisons… et des bio-hackers habiteront aussi le bâtiment. « Nous nous sommes associés avec La Paillasse, pour aider les habitants à comprendre qu’ils appartiennent à cette nouvelle dynamique, dans une démarche participative, afin de créer une nouvelle énergie. » Le projet s’inscrit également dans le cadre d’un partenariat avec des universités parisiennes. « Nous leur offrons un superbe outil de recherche, qui va leur permettre de produire ce dont ils ont besoin sur place, dans Paris. Ils contribueront de leur côté à l’amélioration des souches. »

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Pour Anouk et Nicolas, il s’agit de l’illustration parfaite de l’évolution du métier, mais aussi de la notion même de bâtiment. « Aujourd’hui, en tant qu’architectes, nous devons réfléchir à des problèmes sociaux ou culturels. Et nous demandons aux bâtiments de faire plus, de faire autrement. Les préoccupations actuelles reportent sur le privé une partie de ce qui était du ressort public et demandent aux habitants de s’approprier les lieux pour les faire bouger. » Si sortir des silos suscite nécessairement de nouveaux défis, la démarche n’en reste pas moins excitante.

Le mot-clé est la sérendipité.

- Anouk Legendre

« Les promoteurs comprennent que l’on ne peut plus avancer comme avant. Il faut que ce soit moins coincé : les bâtiments changent au rythme des évolutions sociales, ils doivent être différents, plus souples, mouvants. » L’épuisement croissant des matériaux est aussi au cœur des préoccupations. « Si les mentalités évoluent auprès des nouvelles générations, la notion d’hyperrentabilité est encore trop présente. Heureusement que les initiatives politiques nous permettent de proposer des expériences et des solutions. »

Cela demande un investissement important en recherche et développement. Anouk Legendre et Nicolas Desmazières exposent des solutions toujours innovantes : un béton dont la granulométrie permet aux plantes d’y prendre pied, et de rafraîchir les villes tout en dépensant moins d’énergie, un système où les végétaux peuvent pousser à travers des sacs dissimulés derrière de la terre cuite perforée, une ville flottante qui permet de désaliniser l’eau pour la rendre potable, la création d’habitats dans le Sahara grâce à une bactérie qui transforme le sable en béton…

Autant de solutions qui donnent foi en l’avenir. Un avenir parfois lointain. « Nous réfléchissons à la façon dont nous pourrons habiter dans le futur. Par exemple, comment nous pourrions rendre une atmosphère non volatile respirable à l’aide de bactéries ou de microalgues… Tout cela reste expérimental, mais il faut toujours continuer à expérimenter. On ne sait pas où l’on va, mais c’est fascinant. »


Cet article est paru dans le numéro 9 de la revue de L’ADN : Les nouveaux explorateurs, dans notre dossier sur les nouvelles formes de gouvernance. Votre exemplaire à commander ici.


 

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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