Un vieux matelas devient une part de tarte ou un sushi géant... ou quand le street art met l'obsolescence programmée dans son viseur ! Par Virginie Achouch.
Elle a fait des territoires urbains son champ d’expression, et souhaite pousser ses œuvres à la réflexion : celle du vivre ensemble, celle du rapport à cette consommation frénétique et son cortège de gaspillage et d’obsolescence habilement programmée.
Sur chacun de ses projets, Lor-K se met en chasse d’un type d’objets. Sa série Eat Me a été réalisée à partir de matelas. Disséqués, sculptés, enroulés, ils sont devenus d’appétissants gâteaux, d’énormes gaufres nappées de chantilly, ou des sushis géants. Lor-K considère sa sculpture comme le point de départ d’une expérience. « J’interviens dans le paysage et je le modifie. Au lieu de le ramener chez moi, je l’abandonne en extérieur, à l’endroit même où je l’ai découvert. Dépendre des objets jetés dans la rue permet d’intervenir sur n’importe quel territoire, même s’il s’agit d’un cul-de-sac situé dans une banlieue paumée. Cet art ne se veut pas élitiste, il est fait pour être visible par tous, il me permet de créer une connexion avec les habitants. À partir d’une intervention sur un objet « indésirable », on arrive à changer le regard des gens sur ces déchets et à créer du lien social. Et c’est tout cela que j’aime retranscrire avec la technologie : par l’image, le son, la vidéo, les traceurs GPS », explique l’artiste.
Lor-K intègre les outils numériques non pas comme des canaux de communication, mais comme faisant partie de ses projets. « Quand j’expose mon travail, il y a de la photo, de la vidéo ou des écrits, ce sont des traces qui me permettent de montrer l’ensemble de l’intervention. L’œuvre est ce qui découle de cet ensemble. Internet et les réseaux sociaux en font partie : ils permettent une visibilité pérenne en ligne », poursuit-elle.
Le projet intitulé Nature morte utilisait les déchets des marchés parisiens. Elle avait constitué un ensemble de cartes qui permettait de localiser les déchets, y avait ajouté des éléments sonores. Pour elle, l’essentiel est moins de créer des pièces « esthétiques » que de faire passer le message d’un activisme urbain. « Le fait d’avoir mis trois heures à trouver un matelas, sept heures à le transformer, m’aura fait rencontrer un grand nombre de personnes avec qui j’aurai échangé. C’est cette histoire de rue, ce rapport à la rue qui m’intéressent », conclut-elle. Et ce sont ces histoires-là qu’elle aime à raconter.
À VOIR : Du 27 mars au 4 mai 2017, la faculté de Jussieu expose cinq projets de Lor-K.
Cet article est paru dans la revue 10 de L’ADN : Pouvoir et contre-pouvoirs / Jeux d’influence. A commander ici.
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