Un œil en 3D assez conceptuel

Molka : le fléau du voyeurisme technologique en pleine explosion

Filmer des personnes à leur insu à l’aide de mini-caméras est un phénomène qui prend de l’ampleur, que cela soit sous les jupes au supermarché ou dans les salles de bains des locations de vacances.

Avez-vous déjà songé au fait que vous pouviez être espionné sous la douche sur votre lieu de vacances ? C’est arrivé à cette femme, qui s’est étonnée de trouver un réveil équipé d’une caméra discrète dans la salle de bain de son Airbnb. Amené devant la police, l’appareil contenait une carte mémoire avec plusieurs mois de photos et de vidéos enregistrées.

@maady_m

J’ai loué un AirBnb a Annecy et j’ai ete filmée a mon insu sous la douche par un réveil caméra #foryoupage #airbnb #annecy #cameracachée #tiktok #tiktokfrance #filméasoninsu #fypシ #airbnbexperience #tiktokeur

♬ son original - 𝙼𝚊𝚊𝚍𝚢 🌻

Le phénomène est loin d’être isolé, et l’ampleur du voyeurisme technologique est totalement sous-estimée en France. Qu'en est-il réellement, et comment est-il pénalisé, alors que l'on sait que Dominique Pelicot était adepte de cette méthode, pour filmer notamment ses belles-filles à leur insu ?

Un phénomène de grande ampleur en Corée du Sud

Avec la multiplication des petites caméras, le phénomène du voyeurisme technologique s’est tellement aggravé qu’on lui a trouvé un petit nom. Il s’agit du molka, qui signifie « filmer en cachette » en coréen, pays où la pratique s’est largement répandue, notamment dans les toilettes publiques.

Clémentine Thiébault, journaliste et autrice de Voyeur ! - Enquête sur un phénomène de société (Robert Laffont, 2024), voit en ce phénomène un « angle mort, un impensé social, un tabou ». Le molka, ou voyeurisme technologique, n’est que l’adaptation moderne du voyeurisme classique. À la différence près que cela permet d’enfin matérialiser le délit. « Vous ne savez généralement pas que vous êtes victime d’un voyeur, il n’y a pas d’agression physique, pas de contact. À partir du moment où il y a une captation d’images, il y a une matérialité. Si la personne se fait choper, le délit est caractérisé. »

Paradoxalement, cette récente évolution ne fait que faciliter le voyeurisme. Il n’est plus question d’attendre des heures en regardant par le trou d’une cloison d’hôtel qu’une personne se déshabille. Désormais, les caméras espionnes enregistrent à toute heure, et permettent aux voyeurs de multiplier leurs méfaits.

Qui sont les voyeurs 2.0 ?

« Le voyeurisme est souvent une compulsion, mais 20 % des voyeurs ne s’arrêtent pas à ce délit et agressent aussi sexuellement leurs victimes », expose Clémentine Thiébault. Dominique Pelicot en est l’exemple même. Arrêté pour avoir filmé sous les jupes de femmes au supermarché, il a ensuite été jugé pour des faits bien plus graves. « Son procès a été très logiquement celui de la soumission chimique, et le voyeurisme est passé à la trappe. »

Mais alors, qui sont les voyeurs types ? « Selon les statistiques, ce sont quasiment exclusivement des hommes. Et les victimes sont presque toujours des femmes et/ou des personnes mineures. » Voyeurs à l’ancienne et voyeurs 2.0, même combat. Selon l’autrice, la typologie de l’agresseur ne diffère pas. « Ils s’adaptent à leur temps et aux outils actuels. »

Montre, lunettes, bouton de chemise, détecteur de fumée : tout est bon pour servir de cachette aux mini-caméras. « Il y a les voyeurs qui filment avec leur smartphone dans les transports, mais aussi ceux qui s’équipent. On trouve sur des sites de vente en ligne des caméras à moins de 50 euros, sans voyant de mise en marche, pour plus de discrétion. »

Des délits peu judiciarisés

Face à ces délits, la justice n’est pas à la hauteur. Le voyeurisme n’est un délit pénal que depuis 2018. Et la captation, l’enregistrement et la transmission d’images sans consentement ne sont considérés comme des atteintes à l’intimité de la vie privée que depuis 2020. « La loi ne nomme pas le délit qu’elle condamne », lui reproche Clémentine Thiébault.

Pour endiguer le phénomène, l’autrice suggère de s’attaquer à la fois à la question de l’évolution sociétale des violences sexistes et sexuelles, et de légiférer l’usage détourné des technologies. « Le fait que le voyeurisme soit désormais mieux matérialisé permet de davantage légiférer. Mais cela me fait l’impression d’un empilement de faits divers très isolés les uns des autres, sans réflexion globale », déplore-t-elle.

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