De l’imitation à la conquête : les dupes réécrivent les règles du marché de la beauté

Et si la copie valait plus que l’original ? Propulsés par les influenceurs et des campagnes marketing agressives, les dupes sont les nouveaux produits phares.

À l’origine, le dupe était une astuce. Une manière futée de s’offrir l’effet d’un produit culte sans y laisser son salaire. Un fond de teint à 10 euros qui imite le Dior à 60. Pour toute une génération, c’était l’expérience luxe sans le prix. Puis, sur les réseaux sociaux, la traque au dupe parfait est devenue un sport collectif, où les comparatifs fleurissaient à coups de « dupe alert » et de tops 5 malins. Une chasse menée de front par des influenceurs en quête de la copie idéale.

Pour capter l'attention de la GenZ, tout produit se doit d’être viral. Pour les influenceurs beauté, le concept de dupe est du pain béni car il réussit à s’inscrire dans une logique comparative captivante : « le même glow que Chanel, pour moins cher », ou mieux encore : « la version clean de Dior ». Et ce genre de récit performe à grande vitesse sur TikTok.

Pourquoi la GenZ aime les dupes

Pour la GenZ, la valeur d’un produit ou d’une marque ne réside plus dans son prix, mais dans sa transparence, son accessibilité, son éthique. Et c’est sur ce changement culturel du monde de la beauté que les marques ont misé. Désormais, le « dupe » n’est plus simplement une alternative économique pour celles et ceux qui ne pouvaient pas se payer l’original, mais un produit qui incarne une esthétique de la débrouille et une nouvelle manière de consommer.

Ce qui compte, c’est ce qu’évoque l’objet. Un dupe qui coche les bonnes cases du moment (clean, cruelty-free, minimaliste...) peut, par un glissement subtil, prendre l’ascendant symbolique sur l’original. L’aspect copie n’est plus mis en avant par les marques, mais bien celui d’un choix malin, presque militant, d’une version améliorée, plus alignée avec l’époque. Mais, à force de capter la hype, les dupes font de l’ombre aux marques « classiques » qui ont décidé de contre-attaquer en inventant… les dupes de luxe. De quoi brouiller encore un peu plus les frontières dans l’industrie des cosmétiques.

Et le luxe copie les copies

Pour séduire une cible plus large, les marques de luxe ont décidé de copier les copieurs, ou du moins, leurs codes esthétiques. Fini les packagings clinquants et les innovations formulaires exclusives : place à des produits qui singent, parfois à la perfection, les best-sellers des marques abordables, tout en les rehaussant d’un vernis premium – c’est en tout cas ce qu’a remarqué le site spécialisé Business of Fashion. Ces marques haut de gamme reprennent les packagings ludiques en les épurant (couleurs sobres, design minimaliste), retravaillent les formules pour un rendu plus clean et misent sur des égéries capables de parler aux deux extrémités du spectre générationnel.

Leur but est d’attirer les consommatrices GenX fidèles à leur routine beauté et disposées à investir davantage dans des produits qui leur ressemblent, via la validation indirecte de leurs enfants ou l’image d’une jeunesse qui leur plaît. À titre d’exemple : Skin Idôle 3 Serum Supertint de la marque Lancôme est un dupe du fond de teint Face Bond d’Urban Decay. Packagings presque identiques, mêmes promesses, mais le Lancôme coûte, en moyenne, 8 € de plus. Et pour son Pure Color Melt-On Glosstick (38 dollars), Estée Lauder semble s’être inspirée des Maracuja Lip Balm de Tarte (27 dollars). Le dupe premium est né.