Dans un documentaire qui donne la parole à six figures d’Internet, AFK, think tank de la Gaîté Lyrique, explore la relation qu’entretient la Gen Z avec Internet et les réseaux sociaux.
« Si t’es pas né avec Internet, il y a certaines choses que tu ne comprendras jamais, ou alors avec beaucoup d’efforts. » Sur Twitter son pseudonyme c’est RegisCRS, dans la vraie vie c’est Marc-Antoine. Et sa spécialité, c’est le trolling, mais avec bienveillance assure-t-il. Comme l’ensemble de sa génération, celles et ceux qui ont entre 15 et 25 ans, Marc-Antoine est né avec Internet. Que vous le vouliez ou non, ils et elles auront toujours une longueur d’avance sur vos usages, votre rapport à Internet.
Cette génération complexe, insaisissable, trop souvent uniformisée par l'appellation Gen Z, est l’objet du documentaire réalisé par AFK et intitulé Génération post-Internet – dans l’Internet des nouvelles générations. Prolongement d’une enquête de 2021 réalisée auprès de 1000 jeunes, le concept est ambitieux : dessiner nos sociétés post-Internet de demain. Cela, à travers les portraits et les usages de six jeunes : Ben, digital artist, Stacy, militante éco-féministe, Régis CRS, Marissane, grande brûlée et tiktokeuse, Louan, créateur de bots et Cécile, vulgarisatrice de la tech.
Quelle relation entretiennent-ils avec Internet et les réseaux sociaux ? Quelles utilisations en font-ils ? En vingt minutes, plongez au cœur d’identités numériques aussi multiples qu’ambivalentes.
« Quand tu crées, tu veux que ça soit vu »
Stacy Algrain, militante éco-féministe et ex-étudiante en politique environnementale à Sciences Po, rappelle qu’Internet est avant tout une ouverture sur le monde. Pourtant, peu sont celles et ceux qui en comprennent les rouages. C’est la mission que s’est fixée Cécile aka @ataxya, administratrice réseau dans un data center, mais aussi blogueuse qui s’attache à vulgariser la mécanique derrière nos écrans et applications. « Internet ce n’est pas de la magie et je peux te l’expliquer », précise-t-elle.
Partager son savoir, ses connaissances mais aussi son quotidien ou ses créations : c’est l’utilisation que Ben Elliot, artiste numérique, fait du réseau. « Quand tu crées, tu veux que ça soit vu », résume-t-il. Celui qui a fait de son avatar numérique une œuvre d’art croit dur comme fer au déploiement du métavers. « C’est le futur d’Internet, nous sommes aux balbutiements de cette technologie », ajoute-t-il. Objectif pour 2022 : créer son propre métavers, une espèce de « tech paradise » en partenariat avec une marque.
Et parfois le succès de certaines créations dépassent leur créateur. C’est ce qu’a expérimenté Louan Bengmah, développeur qui, à tout juste 21 ans, s’est retrouvé dans Forbes et le New Yorker. La raison ? Un bot Twitter capable de fusionner vos émojis qui porte le nom d’Emoji Mashup Bot. Certains jours, le Nantais a vu son nombre d’abonnés augmenter de 10 000 abonnés par heure…
On rigole, mais on milite : la génération mobilisée
Bien que le Web3 occupe une place grandissante, le 2.0, celui des réseaux sociaux et de l’interactivité, demeure central dans les usages de la génération post-Internet. C’est le cas de Marc-Antoine qui affectionne tout particulièrement Twitter. Ce qui l’intéresse d’abord c’est de suivre des comptes d’humour cynique assumé et d’en produire lui-même, bien évidemment. Sa marque de fabrique : le (faux) premier degré pour troller les trolls et les naïfs. L’incarnation parfaite du « shitpost » : « c’est de la merde, mais c’est marrant », indique-t-il face caméra, une moitié du visage masquée.
Quand certains « lolent », d’autres s’engagent. La diffusion des messages étant facilitée, rien de plus facile pour s’adresser à une communauté, trouver des ressources, de l’information ou même pourquoi pas, lancer des conférences sur le climat ? « Quand on n'est pas représenté dans les médias, on peut beaucoup moins parler des sujets qui nous importent », rappelle Stacy Algrain. La jeune femme a lancé une série de webinaires sur YouTube intitulée « Penser l’après ». L’objectif : « éduquer, inspirer et agir aux côtés des 18-25 ans ».
Pourtant, bien que la Gen Z semble très mobilisée et engagée, 70 % des 18-25 ans ne se sont pas mobilisés en ligne, ni pour Black Lives Matter, ni pour #Metoo, ni pour la justice climatique. La « génération Greta » serait-elle un mythe ? Une chose est certaine, pour les jeunes militants qui y évoluent, le risque de s’enfermer dans un entre-soi idéologique, les bulles de filtres, est grand.
T’es plutôt IRL ou IVL ?
Qu'en est-il du passage à l’IRL, la vraie vie ? Marissane, 25 ans, grande brûlée qui partage son quotidien sur TikTok et en live à 70 000 abonnés l’assure : elle s’est liée d’amitié avec de nombreuses personnes rencontrées via les réseaux. Une présence en ligne qui permet à celles et ceux qui la suivent de se sentir moins seuls quand ils traversent eux aussi des épreuves. Qu’importe que la rencontre se fasse physiquement ou via WhatsApp, tant qu’elle a lieu.
43 % des 18-25 ans ne font pas la différence entre leur identité dans la vraie vie et leur identité virtuelle. Néanmoins, cette génération post-Internet a bien conscience de la nécessité de dissocier les deux, un impératif qui semble bien plus inné chez eux que pour le reste de la population. Louan le reconnaît : « je ne suis pas 100 % le même sur mon compte public Twitter (...) que sur mon compte privé. »
Pour ne pas qu’Internet devienne un monde sans pitié, il faut donc maîtriser ses règles, les connaître et tisser des ponts entre l’IRL et l’IVL. « Le physique et le digital sont deux choses complémentaires. C’est bien de jouer avec les deux », précise Ben Elliot. Une vision du monde faite de nuances qui incarne à merveille nos différentes façons d’investir Internet et les réseaux sociaux.
Réalisateurs : (Burst Studio) Arnaud Pessey, Alain Mbouche, Rédactrice en chef : Elodie Safaris
En tout cas je ne peux pas imaginer un monde sans internet ....
Il faudra peut être voter par internet si c’est l’univers naturel de ces générations , la démocratie serait mieux servie à faire le pas vers eux et intégrer leur univers