
Dans une Chine où le chômage grimpe en flèche, une nouvelle tendance émerge : la location de bureaux de « travail fictif ».
Pas simple de croiser le regard de ses proches quand on n’a plus de boulot. Pour éviter les questions gênantes et les jugements silencieux, certains chômeurs chinois ont trouvé la parade : faire semblant d’avoir un emploi. Comment ? En se rendant dans des sociétés spécialisées qui leur proposent des solutions sur mesure pour construire une façade crédible. Un phénomène qui illustre le malaise profond d’une société où l’oisiveté reste taboue.
Louer un bureau pour simuler une journée de travail
Dans l'empire du Milieu, plutôt que de rester cloîtrés chez eux, certains chômeurs continuent de suivre un rythme de vie d’actif. Chaque matin, ils quittent leur domicile aux heures de pointe et ne rentrent qu’en fin de journée, se noyant dans le flot des travailleurs. La plupart passent leurs journées dans des cafés ou des bibliothèques pour tromper l’ennui et maintenir l’apparence d’une vie professionnelle bien remplie. Mais d’autres vont encore plus loin, révèle le média South China Morning Post. Afin de faire croire qu'ils mènent une vie professionnelle normale, certains n'hésitent pas à recourir à des sociétés spécialisées dans l’art de l’illusion. Bureau fictif, titre de poste sur mesure, faux bulletins de salaire… Chez « Pretend to Work » (Faites semblant de travailler) par exemple, moyennant 30 yuans (environ 4 euros), tout est fait pour simuler une routine de travail en toute discrétion. Contre 50 yuans (6,5 euros), le temps de quelques photos, il est même possible de se rêver « patron » dans un fauteuil en cuir. Et le subterfuge ne s’arrête pas là. Certaines entreprises proposent carrément de verser aux chômeurs de faux salaires. Le principe ? Le client verse une somme et reçoit un « salaire » inférieur après déduction des frais et des charges sociales. Outre l’illusion d’avoir toujours un emploi, ce stratagème permet avant tout aux chômeurs de continuer à bénéficier d’une couverture sociale.
Le chômage, un tabou difficile à briser en Chine
Ces pratiques séduisent surtout les jeunes, frappés de plein fouet par le ralentissement de l’économie chinoise. En effet, d’après le Bureau national des statistiques (BNS) chinois, le chômage toucherait entre 15 % et 20 % des 16-24 ans. Un chiffre bien supérieur au taux de chômage global qui, lui, stagne autour de 5 %. Une réalité difficile à assumer dans un pays où la réussite professionnelle est érigée en modèle et où le chômage est vécu comme un échec personnel. Une pression sociale qui pèse sur les chômeurs à l’image de Jiawei, ex-employé e-commerce à Hangzhou, dans l'est de la Chine : « Après avoir été licencié, je passais mes journées dans un café à envoyer des CV. Je faisais semblant de rentrer tard le soir comme si j’avais encore un job. Le chômage est une source de stress que je ne voulais pas transmettre à ma famille. » Même schéma pour Chen, 29 ans, originaire de la province de Hubei. Il explique qu’après son licenciement, il a préféré cacher la vérité à sa petite amie. Feignant d’avoir encore un emploi, pendant deux mois, il a ainsi passé ses journées à la bibliothèque pour préparer un concours de la fonction publique.
Une pression sociale étouffante
Si le concept peut prêter à sourire, il reflète surtout un malaise grandissant. Interrogé par South China Morning Post, Zhang Yong, professeur de travail social à l’Université des sciences et technologies de Wuhan, analyse cette tendance comme un phénomène révélateur de la pression sociale exercée sur les jeunes adultes. « La société impose des attentes élevées en matière de réussite, et le choc de la perte d’un emploi peut engendrer de l’anxiété, voire de la dépression », explique-t-il. Sous les vidéos partagées sur le réseau social Douyin, les avis sont mitigés. Certains internautes y voient une manière de soulager la pression psychologique liée au chômage. Un avis partagé par un Zhang Yong pour qui ces bureaux ont le mérite d'offrir un cadre structurant à une jeunesse en quête de repères : « C’est une béquille psychologique. Plutôt que de sombrer dans l’isolement, ces espaces permettent de maintenir une routine et de préserver une certaine dignité sociale. » D’autres se font plus critiques, estimant que cette tendance ne fait que retarder l’échéance de la recherche d’un véritable emploi et invitent les jeunes à affronter leur famille et à briser les tabous.
Merci pour cet article qui comme souvent, propose un œil différent sur l’actualité et les phénomènes de société.
Une question sur cet article-ci: comment font ces chômeurs pour se payer un tel artifice?
Si dans ce monde, les gens pouvais s'occuper d'eux même avant de regarder ce qui ce passe chez le voisin, ce monde irait nettement mieux.
« Pretend to Work » ou une entreprise qui profite de la misère sociale des gens.
Quel monde de merde, je plains vraiment les générations futures.
Bonjour chère Sandra, je pense qu'ils peuvent se l'offrir puisque ce n'est pas très cher d'après ce qu'ils disent... même si c'est 4 € ou 6,50 € par mois, ça va !
Que Dieu vous bénisse
Voilà une excellente idée (solution ?) pour préserver la dignité des chômeurs involontaires.
Et si ... prenant cette occasion pour une bonne affaire, les petits patrons finançaient des projets - secondaires peut-être- qui leur rendraient service sans leur coûter trop cher en main d'oeuvre qualifiée et volontaire ? Cela dédommagerait les candidats et pourrait, à terme déboucher sur des emplois, qui sait !
Tous ces frais devant évidemment être détaxés. Qu'en pense FB, centre gauchiste de bon sens ?
Pierre
Chez-nous les chomeurs ne semblent pas avoir la même fierté .A dire s'ils sont bien dans leur "bascettes" Nous ne savons pas .Vous nous expliquez qu'il est dur qu'un tout jeune travailleur chinois trouve sa place dans le monde du boulot c'est concevable.Mais ce qui est bien c'est qu'ils continuent de s'entrainer ( en faisant semblant)sachant que c'est mal accepté dans leur type de société .Nous n'avons pas cette chance chez-nous c'est quasi normal d'avoir des Parents Chomeurs et des enfants aussi .C'est notre type de société qui fait fuire certaines entreprises qui peuvent produirent ailleurs où elles seront moins taxées avec des coûts "qui font mals " .Chacun attend sa subvention pour vivre ...Amicalement
Aucune différence avec la France. Peut importe votre âge, votre ancien salaire, vos anciennes responsabilités, quand vous êtes au chômage vous devenez une sous merde.
Manager avec un très bon salaire, j'ai perdu mon emploi suite à plusieurs vagues de licenciements dans mon entreprise, profitable mais pas assez au goût des actionnaires.
ayant eu la chance de ne pas connaitre le chômage jusque là, j'ai été surpris de voir la vitesse à laquelle ma famille m'a tourné le dos. Quand à ma vie sociale néant, seuls d'autres chômeurs acceptaient de sortir prendre un café le week end.
En France comme en Chine, les gens pensent que si vous êtes au chômage vous l'avez cherché, vous méritez ce qui vous arrive, car vous êtes fainéant. La preuve, vous n'avez pas retrouvé un autre travail 1 semaine après votre licenciement alors qu'il suffit de traverser la rue. Surtout quand vous êtes cadre. C'est bien connu, pour recruter un cadre le processus de recrutement prend 5mn, on passe un coup de fil vite fait et hop c'est réglé! (ou pas).
Société de merde.
Le travail nous est présenté comme un incontournable à la vie sociale : peut-être pouvons-nous nous en passer, que les revenus qui le remplacent proviennent pour les plus nantis du capital ou patrimoine... et pour les autres du transfert ou redistribution ? Il suffit de posséder un appartement parisien de 150 m2 au prix moyen de 17KE/m2 dans un quartier Rive Gauche, pour recevoir en rente perpétuelle de sa vente, ce que gagnent par leur travail les 5% des salariés les plus aisés, à savoir 5400 Euro par mois minimum. Cela fait réfléchir sur le bien-fondé du travail mal-payé, quel que soit le niveau de qualifications, en regard des revenus du patrimoine qui sont bien plus lucratifs. On n'ose pas le dire mais au niveau où sont les salaires de 95% des salariés français (inférieurs à 5400 euro/mois et bien moins pour la plupart, ce qui n'est pas le sujet ici), seuls les pauvres travaillent aujourd'hui. Même si pour un Smicard cela semble beaucoup de gagner 2800 euro par mois (salaire médian, privé et fonction publique intégrés), voire 4200 euro ce qui correspond aux 10% les mieux lotis. Cela reste en réalité dérisoire au regard de l'effort en formation, présence, assujettissement et j'en passe qu'il faut déployer, comparativement aux réelles inégalités qui trouvent leur socle dans la sphère de la propriété foncière, c'est-à-dire le patrimoine immobilier ; et les revenus qu'il procure à leurs bénéficiaires, titulaires ou propriétaires. Une classe oisive qui n'a guère changé depuis la Belle Epoque des années 1900, même si elle parvient aujourd'hui à convaincre que le travail mal-payé est un bien-fondé ; et non plus un mal nécessaire, à la perpétuation d'un équilibre injuste.