Une jeune fille en pull rose

Au bout du rouleau : chacun cherche son anti-dépresseur

© Eileen Kelly

La GenZ clame son amour du Prozac et du Lexapro en l'imprimant sur ses t-shirts.

En 2019, Eileen Kelly lance le podcast Going Mental pour parler dépression et santé mentale. Les propos sont bruts, décontractés et teintés d'humour. On parle prescription, séjours à l'hosto et mèmes susceptibles d'encapsuler parfaitement l'effondrement de nos psychés. Désormais, la jeune femme propose aussi une collection de pulls et t-shirts agrémentés de mentions épurées telles que « Prozac », « Zoloft » et « Lexapro », version américaine du Seroplex. Les vêtements s'arrachent et la podcasteuse n'est pas seule sur le créneau.

Mode et dépression, le duo qu'on avait vu venir

La marque Beepy Bella distribue une casquette floquée de la mention « I Hate My Anxiety » (je déteste mon anxiété), et Praying, des sweats à capuche imprimés où on peut lire « stress, nervousness and anxiety » (stress, nervosité et anxiété) ou encore « You Matter Don’t Give Up » (tu as de l'importance, n'abandonne pas). Lingua Franca, une enseigne haut de gamme, vend un pull en cachemire brodé de l'inscription « It’s okay to feel blue » (c'est normal de ne pas se sentir bien), et Bianca Chandon un t-shirt « Anxiety » (anxiété). Comme le note The New York Times, d'autres marques ont opté pour une approche plus « goopesque » , en référence à Goop, l'empire bien-être créé par l'actrice californienne Gwyneth Paltrow. C'est le cas de la marque Sporty & Rich, qui a récemment lancé une collection « Wellness Club », où s'étalent les termes « Wellness » (bien-être) et « Health » (santé).

« Les vêtements que nous confectionnons sont un moyen de diffuser un message positif », a déclaré Emily Oberg, à la tête de l'enseigne. « Il est important que les gens soient encouragés à prendre soin d’eux-mêmes. » Pour Shannon Bennett, directrice de clinique à New-York, la tendance est positive. « L’objectif de sensibilisation, de réduction de la stigmatisation et de contribution à une culture de soutien et de partage est une bonne chose. En voyant quelqu'un dans la rue à qui vous pouvez vous identifier, cela légitime vos sentiments et vous aide à vous sentir moins seul. » Récupération ou pas, la posture des marques visant à décomplexer les conversations au sujet de la santé mentale séduit.

Le monde entier en PLS

D'après l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de personnes souffrant d’anxiété et de dépression a augmenté de 25 % dans le monde durant la pandémie. Entre les bombes qui tombent à droite à gauche et les hausses de températures annoncées (4 degrés d'ici la fin du siècle), il n'est pas dit que l'on se porte mieux quatre ans plus tard. Sur TikTok, le #anxiety frôle les 36 milliards de vues, et les #lexapro et #prozac donnent lieu à la production de vidéos bigarrées : comparatif des posologies, analyse des effets avant et après traitement, avertissement au sujet des effets secondaires et explications des effets des molécules sur le cerveau assénées sur une musique de dessin animé. Un sujet auquel les adolescents sont de plus en plus aguerris. Selon un rapport du Haut Conseil de la famille, la consommation d'antidépresseurs chez les plus jeunes a augmenté de 62 % entre 2014 et 2021. Sur la même période, la consommation d'antipsychotiques s'est accrue de 48 %.

Les Français et la santé mentale

En France, le sujet demeure sensible. Selon l'étude* menée pour Doctolib et le festival Pop & Psy, 7 Français sur 10 considèrent que la santé mentale est un sujet encore tabou. Pourtant, tout le monde est plus ou moins directement concerné. D'après le sondage, 3 Français sur 10 (29 %) ont été atteints au moins une fois de troubles psychiques comme la dépression, les addictions, le burn-out, l’anxiété, les troubles bipolaires ou les idées suicidaires. Plus largement, 47 % d'entre eux déclarent avoir dans leur entourage proche (37 %) ou élargi (32 %) une personne ayant déjà été atteinte de troubles psychiques. Dans l'ensemble, les préjugés reculent : 88 % des Français estiment ainsi que la santé mentale n’est pas moins importante que la santé physique et 86 % jugent que la dépression est une maladie. Certaines idées reçues perdurent néanmoins : 44 % des Français (57 % chez les plus de 65 ans) imputent les addictions à un manque de volonté, et 40 % d'entre eux considèrent que les personnes atteintes de troubles psychiques sont dangereuses.

*Méthodologie : étude réalisée début septembre 2023 par Odoxa.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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