
Cela servait auparavant à s'offrir places de concert et week-ends en goguette. C'est aujourd'hui le moyen de se payer les produits du quotidien.
Un prêt étudiant se comptant en plusieurs dizaines (voire centaines) de milliers dollars, un système de santé privé et onéreux, des loyers qui s'envolent... Face à la pression financière, le recours aux applications buy now, pay later (acheter maintenant, payer plus tard, ou BNPL) est devenu commun dans les pays anglo-saxons. Un Américain sur quatre et 30 % des Britanniques seraient concernés par ce système de paiement fractionné et différé. Dans l'ensemble, les consommateurs sont plutôt jeunes, avec 53% des utilisateurs BNPL âgés de moins de 35 ans, avance une récente étude.
Un caddie de course payé en plusieurs fois
Parmi les applications proposant le recours à ce type de paiement accessible en un clic ou un coup de QR-code : l'australienne Afterpay. Chez les plus jeunes utilisateurs de l'application, les dépenses concernant les produits de base ont drastiquement augmenté entre 2022 et 2023 : 465 % pour les lentilles de contact, 182 % pour les sacs-poubelles, et 98% pour les antiseptiques. Les achats d'essence à briquet, pièces d'ordinateurs portables et produits contre le ronflement et l’apnée du sommeil se sont tous accrus de 300 %. Pour d'autres, il s'agit tout simplement de remplir son frigo. Le phénomène ne concerne pas seulement les moins de 35 ans. Face à l'inflation et la stagnation des salaires, les achats de produits alimentaires en mode BNPL ont augmenté de 40 % chez les utilisateurs de tous âges, rapporte NBC News. En 2022, la solution de paiement britannique Zilch listait parmi les indispensables à acheter maintenant et payer plus tard « pour vivre sa best life » une pizza de chez Sainsbury, le Carrefour local.
Achetez maintenant, paniquez plus tard
Pour éviter les cartes de crédit dont les taux d’intérêt avoisinent souvent les 20 %, de nombreux emprunteurs ont afflué vers les applications comme la suédoise Klarna. Et tant que les consommateurs paient en temps et en heure, tout va bien dans le monde du BNPL. Les achats effectués en paiement fractionnés ne sont pas associés à des frais supplémentaires, et si les traites ne sont pas payées, le consommateur fera face à des pénalités de retard de l'ordre de 12 %. Le problème se situe plutôt au niveau de la perception. Car bien souvent, ces systèmes de paiement malicieusement rebaptisés Buy now, Panic Later (achetez maintenant, paniquez plus tard) ne sont pas perçus comme ce qu'ils sont : des crédits à la consommation dont le recours massif traduit l'important stress financier exercé sur les consommateurs.
En 2022, une étude française dressait un constat alarmant : 5 sondés sur 10 déclaraient qu’il leur restait moins de 100 euros sur leur compte en banque à partir du 10 du mois. La même année, l'application française Bling, « alternative à la prédation bancaire », faisait sa pub dans le métro parisien, proposant de « dépanner » les Franciliens de 100 euros. (Et non de leur « faire crédit », donc). Après avoir été rappelés à l'ordre par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les acteurs du microcrédit français se tiennent à carreau. Tous les pays ne peuvent en dire autant. Aux États-Unis, CNBC parle de « gueule de bois » pour évoquer le recours croissant au paiement fractionné par des consommateurs qui n’arrivent plus à payer leur frais de cartes de crédit.
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