
Vouloir rebondir sur les trends du moment. Une idée pas vraiment bonne et qui a de grandes chances de déraper.
De retour, le 15 avril, de son très controversé voyage dans l’espace, la pop star Katy Perry a été accueillie par un tweet de la chaîne de fast-food américaine Wendy’s demandant si on pouvait la « renvoyer », avant d’enchaîner : « Quand on a dit qu’il fallait plus de femmes dans les disciplines scientifiques, ce n’était pas ce qu’on voulait dire. » Une série de tweets qui a fait rire les internautes, tandis que certains s’étonnaient de ces propos. Une source « proche de la situation » pointait dans un article de People : « Il ne s’agit pas d’une plaisanterie anodine, mais d’une marque qui utilise sa plateforme pour rabaisser publiquement une femme. » Une stratégie de communication pas si nouvelle.
Les marques, des amies qui vous veulent du bien…
Selon Perrine Bon, fondatrice de l’agence de communication Louder spécialisée dans la création de contenu en ligne pour la justice sociale et climatique, il s’agit d’une « stratégie de séduction classique » où les marques rebondissent sur les sujets de discussions du moment pour montrer qu’elles sont cool. Une méthode pourtant vaine. « À partir du moment où une marque s’approprie une tendance, elle l’enterre. Les internautes n’ont plus envie de jouer, avance la communicante, il y a un fossé entre le monde de la pub et la vraie culture Internet. »
Mais l’argument a du mal à passer. Par ailleurs, « la question qui obsède les marques concerne les risques de bad buzz, mais sans prendre véritablement en compte pourquoi une prise de position en créerait un », souligne Perrine Bon. Et pourtant, les exemples de dérapages sont multiples. Le compte TikTok de Duolingo avait provoqué la controverse en demandant sous un contenu traitant du procès Johnny Depp / Amber Heard si les utilisateurs pensaient que l’actrice « regardait TikTok ». Un sarcasme sur fond de violences conjugales qui avait amené la gestionnaire de communauté à présenter des excuses. Ce qui n’a pas empêché l’application de continuer à commenter des affaires people par la suite, se jouant notamment de la rivalité entre Hailey Bieber et Selena Gomez.
Cybersexisme et discours dominant
Si ces contenus existent, c’est qu’ils s’inscrivent dans un climat global où les femmes sont souvent moquées, qu’elles soient connues ou non. En 2022, 84 % des femmes déclaraient avoir été victimes de violences en ligne. Un phénomène de cybersexisme que la chercheuse spécialisée Sigolène Couchot-Schiex rattache à une structure globale : « Au départ, il y a le patriarcat, le libéralisme et l’exploitation des femmes, les réseaux sociaux ne font qu’accélérer la manière dont les choses sont envoyées ou adressées, avec l’aspect de viralité qui peut rendre ces phénomènes encore plus explosifs. »
Quand les moqueries deviennent virales et que les entreprises s’en emparent, Perrine Bon s’inquiète du signal envoyé : « Il y a une forme de validation du discours, une posture officielle qui peut faire dire “si une marque l’a fait alors c’est OK“ ».
Prendre un peu de hauteur
Pour la chercheuse, la problématique est « aggravée du fait que les concepteurs des plateformes sont majoritairement des hommes », nourrissant un système où l’idéologie sexiste reste peu remise en question, au profit de la viralité. Un enjeu renforcé ensuite par l’aspect « boys’ club » des sphères d’influences où Perrine Bon souhaiterait voir plus de prises de position : « Les créateurs de contenu ont un rôle à jouer puisque ce sont souvent eux qui donnent le la pour les marques. » Enfin, elle pointe : « Collectivement, il y a aussi un travail à faire où l’on doit cesser d’être uniquement dans la réaction, où l’on publie des choses en trente secondes. Il serait bon que l’on sorte de ça et que l’on prenne le temps d’être dans la réflexion autour de ces thématiques. »
interdiction de critiquer une femme car c est une femme. ok