Le designer a une place particulière dans la conception d’un produit. En effet, c'est lui qui détermine son potentiel de durabilité. Et quand on sait qu'en 2015, 324,5 millions de tonnes de déchets ont été produites et seulement 48 millions de tonnes traitées... on se dit que penser le produit en amont a du sens.
Les designers sont pour la majorité à la pointe de l’éco conscience, avec la volonté de changer les choses. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors, qu’est-ce qui bloque ? Comment changer ses pratiques et rendre les produits plus durables ?
La nécessité de penser le durable de A à Z
Fabriquer un produit, oui, mais un produit (bien) pensé. L’usage des matériaux recyclables à faible empreinte carbone est à la limite de l’ascèse. Impossible de faire autrement pour Émilie Marty, qui a cofondé avec Olivier Riaudel, Olem, un service de végétalisation des entreprises : « Nous travaillons le plus possible avec des produits français et respectueux de l’environnement. Pas question de les faire venir de l’autre bout du monde. Il faut que les bacs à plantes soient fabriqués à partir de matériaux qui respectent l’environnement et les végétaux qu’ils protègent. »
D’autres designers comme Younes Duret, qui vit à Marrakech, s’emparent du sujet avec leurs tripes. « Je veux vraiment que mon produit soit propre. Tous mes appareils, surtout ceux qui consomment le plus, comme mon imprimante 3D et mon ordinateur, fonctionnent à l’énergie solaire. Ça ne sert à rien d’avoir un produit avec des matériaux durables s’il faut surconsommer de l’énergie pour le fabriquer. J’essaye également d’insuffler cette pensée, côté fabrication, aux artisans locaux avec qui je travaille. Je réutilise aussi le bois des chantiers de la ville pour créer des panneaux, pour la COP22 par exemple. C’est important de choisir un matériau qui a du sens. Aujourd'hui, il y en a vraiment qui ne devraient pas exister, comme les thermodurcissables par exemple. Il faut tout penser de A à Z pour que le produit soit durable et écologique. »
Le design non-standard et le projet manifeste
L’art du design non-standard, c’est quoi ? Younes Duret le définit comme « l’idée du prototypage rapide que l’on peut faire directement chez soi, notamment via une imprimante 3D ». Un moyen de contourner le système de production massive. « En faisant du design non-standard, on rompt avec le système de chaine industrielle et de transport, car le problème du design c’est la série. » Une méthode qui pourrait être appliquée plus loin, lors de fabrication de maquettes d’intention par exemple. « Beaucoup utilisent le MDF, un panneau composite de fibres de bois à densité moyenne, ou de la mousse polyuréthane. Ce qui n’est pas du tout écologique ! »
Autre méthode pour éduquer et élever les consciences : le projet manifeste. Un procédé grandement utilisé par le designer Ora Ïto. L’idée est de faire sur son temps libre des projets qui tiennent à cœur. « L’idéal est de travailler sur des thèmes jamais proposés par le client et sans contrainte. Ensuite, une fois le projet réalisé, on communique beaucoup dessus pour montrer qu’il existe des alternatives. »
Le contenant, l’emballage et le consommateur
A l’inverse de la loi de Say - « l'offre crée sa propre demande » -, c’est aujourd’hui la demande qui va servir de tremplin à l’offre. Les consommateurs se saisissent de problématiques plus globales et découvrent le pouvoir qu’ils exercent sur le marché.
Une question d’éducation ? Ou d’obligation ? L’année 2017 signe la fin des sachets plastiques à usage unique pour faire place à des sacs en amidon de maïs. « Pour les clients d’Olem, ce n’est malheureusement pas la préoccupation principale, s’attriste Émilie Marty. Nous avons beau mettre le durable en avant ce n’est pas ce qui pèse dans la balance. Mais je tiens à faire du durable le plus possible. C’est comme cela que l’on avance. En éduquant. »
Dans la distribution le système de pensée est différent. « Quand on travaille sur le packaging il faut créer une valeur ajoutée, comme les pots à moutarde que l’on transforme en verre et qui deviennent l’objet le plus réutilisable qui soit. On peut aussi utiliser les bioplastiques pour ce qui est de l’usage unique, explique Younes Duret. L’idée est d’essayer d’apporter par l’innovation une nouvelle façon d’envisager le produit et la consommation. »
Revoir la place du designer
La place du designer est la plus importante dans le processus d’éco conception. « Avant, se souvient Émilie Marty, on faisait appel à nous pour les finitions. Mais le travail de designer c’est bien plus que ça. Nous ne sommes pas là uniquement pour rendre les produits jolis. »
Selon une étude de la Cité du Design, la place du designer évolue petit à petit. Quatre-vingts personnes, agences ou designers indépendants, ont répondu à la question ouverte suivante : « Comment caractérisez-vous l’évolution de vos interventions sur ces dernières années ? ». La moitié des réponses indiquent que les entreprises ont une meilleure connaissance du design et de son rôle dans la communication vers l’usage.
« De mon côté, j’ai vite compris qu’il fallait dire non si cela ne répondait pas à mes critères écologiques. Il faut éduquer les entreprises, leur faire comprendre que l’éco conception peut aussi être rentable. Surtout sur le moyen terme. Car les chefs d’entreprises ont un fonctionnement différent. Mais quand on leur explique que cela va influencer positivement leur image et leur finance, ils tendent l’oreille. Et c’est aussi ce que veulent les consommateurs. Maintenant, de grosses entreprises viennent directement à moi, avant c’était plus compliqué, car il y avait moins de sensibilisation au durable », se réjouit Younes Duret.
Il y a une grosse erreur : le PVC n'est pas un thermodurcissable, c'est un thermoplastique. A ce titre il est parfaitement recyclable. Les matériaux comme le silicone ou les urees formol comme la bakélite sont des thermodurcissable et ne sont pas recyclable. Mais leur propriété les rendent néanmoins indispensables... pour fabriquer des objets durables.