Rosalía dans son clip  - Berghain -

Rosalía, Lily Allen… Le baroque fait son comeback dans la pop culture

© Capture du clip Bergain de Rosalía

Rosalía fait l'évènement avec son album symphonique, tandis que Lily Allen pose en Jeune fille à la doudoune, façon Vermeer. La pop s'empare des codes de la culture savante, dont la gravitas devient ultra-désirable à l'ère de la dopamine culture.

Rosalía propulse Berghain, un morceau goth pop aux cordes façon Vivaldi et au chant d’opéra en allemand, aux premiers rangs du top 50 mondial Spotify. Pendant ce temps, le nouvel album de Lily Allen devient un phénomène de société. La chanteuse y raconte, sans fard et par le menu, l’effondrement de son mariage avec l’acteur David K. Harbour. La pochette de West End Girl, signée par l’artiste espagnole Nieves González, pastiche la pose et la lumière du Siècle d’or néerlandais — doudoune Miu Miu, comme une armure, et bottes Valentino comprises. « Dès le départ, je voulais un portrait à la manière des maîtres hollandais du XVIIe siècle », explique Leith Clark, styliste et directrice créative de Lily Allen, à Vanity Fair, citant Vermeer et Rembrandt – pour la dignité de leurs sujets, les attributs symboliques, le clair‑obscur appuyé.

Maillots des Lakers ou doudounes matelassées

Pour Daria Challah, influenceuse musique classique sur TikTok, Berghain représente « probablement la chose la plus importante qui soit arrivée à la musique classique cette année ». Interrogé par The Guardian, le critique Hugh Morris y voit au contraire un « kitsch musical » qui utilise des « gestes musicaux prédigérés comme raccourci vers la profondeur émotionnelle ». Quant à González, 29 ans, son travail modernise à l'origine les codes du baroque espagnol en peignant ses sujets contre des fonds sombres caractéristiques du genre, mais avec des ballons en forme de cœur, un maillot des Lakers ou ces fameuses doudounes matelassées.

Cette collision entre culture savante et viralité répondrait-elle à un besoin certain de gravitas dans une économie de l'attention saturée ? Quand Rosalía passe un an à écrire les paroles de Lux, un album chanté en 13 langues et demande explicitement à ses auditeurs le même niveau de concentration pour son écoute, lors d'une interview au New York Times. González investit des mois par portrait pour « capturer l'essence et donner une âme », confie-t-elle à Vanity Fair. La formation classique devient outil de permanence ultra-désirable à l'ère de l'instantané.

En mobilisant des orchestres symphoniques et des techniques picturales vieilles de quatre siècles, ces artistes créent ainsi des objets culturels à contre-courant de l'obsolescence programmée. La chanteuse d'opéra Sarah Khan est même devenue virale avec sa version « opératique traditionnelle » de Berghain. Reste à savoir si cette esthétique de la permanence peut durablement cohabiter avec l'économie du scroll infini des réseaux sociaux – où elle cartonne aujourd’hui.

Carolina Tomaz

Journaliste, rédactrice en chef du Livre des Tendances Business de L'ADN.

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