
Au Royaume-Uni, une mineure a porté plainte à la suite d’une agression sexuelle dans un univers virtuel. Si le ressenti de l’agression est réel, sa qualification est bien plus problématique.
Alors qu’elle visitait un univers immersif avec son casque de réalité virtuelle, une jeune Britannique de moins de 16 ans a subi une attaque sexuelle. D’après le Daily Mail qui rapporte l’information, plusieurs avatars tenus par des joueurs adultes ont entouré la jeune fille et simulé un viol en réunion. Si la victime n’a pas été touchée physiquement, elle a toutefois expérimenté des séquelles psychologiques similaires à un viol dans la vie réelle. C’est sur cet élément qu’une plainte a été déposée auprès de la cellule d’investigation de la police spécialisée sur la protection et les abus sur enfants. Étant donné le caractère sensible de cette affaire, peu de détails ont filtré. On ne connaît pas le nom de la victime, son âge réel, ni l’univers virtuel où l’agression s’est déroulée. Étant donné qu’elle portait un casque de réalité virtuelle, il pourrait s’agir de VRChat ou de Horizon World, le métavers abandonné de Meta.
La difficulté de faire accepter l'agression « virtuelle »
Une enquête de ce type semble inédite, mais ce n’est pas le premier cas de « viol virtuel ». En 2022, alors que Meta rendait accessible son « métavers » Horizon World, une histoire d’agression sexuelle similaire est arrivée à Nina Jane Patel. Cette entrepreneuse britannique qui menait un doctorat sur l’impact des univers virtuels sur les enfants visitait ce nouveau monde quand elle s’est fait accoster et poursuivre par un groupe d’hommes qui l’a insultée puis a simulé un viol. À l’époque, l’affaire avait généré de nombreux articles qui posaient la question de la « réalité » d’une agression sexuelle dans un univers de jeu vidéo. En réaction à l’ouverture de cette enquête, Nina Jane Patel est d’ailleurs revenue sur son histoire, expliquant à quel point il est difficile de faire valoir ses droits pour ce genre d’agression qui se déroule dans un espace virtuel. « Même si certains lecteurs m’ont soutenue, mon histoire a suscité beaucoup de scepticisme, explique-t-elle au journal The Telegrah. Certains m'ont dit que ce que j'avais vécu n'était pas « réel ». D'autres ont dit qu'il fallait s'y attendre ; que j'aurais dû simplement retirer mon casque pour y mettre un terme (ce que j'ai fait après l'échec de ma tentative de fuite). Il y a même eu beaucoup de commentaires misogynes sur le fait que je « le méritais ». »
Le mot « viol » n'est pas forcément adapté
Pour Cathline Smoos, une psychologue sexologue qui a mené plusieurs explorations artistiques autour de la réalité virtuelle, la difficile qualification des agressions sexuelles virtuelles s’explique par plusieurs facteurs contradictoires. « Il faut évidemment reconnaître que le harcèlement ou une agression en ligne peut être aussi difficile à vivre que dans la vraie vie, explique-t-elle. La réalité virtuelle apporte une couche supplémentaire, une immersion et une sensation de présence qui peut rendre ce genre de scène encore plus difficilement supportable. J’ai moi-même vécu une situation similaire et ça peut être effectivement bouleversant. J’étais toutefois accompagnée par mon compagnon et nous avons pu changer la situation en cours pour la transformer en une espèce de blague. Il faut aussi prendre en compte la culture du trolling généralement très sexiste qui existe dans ces univers. Certains utilisateurs peuvent s’adonner à ce genre d’actes sans y voir une forme d’agression, mais plutôt une blague de mauvais goût et ils considèrent que ce genre de choses n’est pas réel. Si la justice commence à enquêter sérieusement sur ces cas, cela pourrait changer les mentalités, mais je pense qu’il faudrait toutefois faire attention au vocabulaire que nous utilisons. Je pense que le terme de « viol » par exemple est mal adapté. Ce dernier a déjà du mal à être appliqué dans la vraie vie et nécessite, aux yeux de la loi, des circonstances très précises comme par exemple une forme de pénétration. Il faut faire attention à ne pas galvauder ce terme afin de ne pas minimiser ce que vivent les victimes de viol dans la vie non virtuelle. »
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