Un jeune homme tient un journal qui brûle

2024 : entre guerre de l'info, IA et multiples élections, que pourrait-il mal se passer ?

© David Gomes

Médias moins visibles sur les réseaux sociaux, IA perturbant l'accès à l'info... Le rapport Reuters 2024 dessine une année d'intense instabilité politique et informationnelle.

« Le pouvoir perturbateur de l’intelligence artificielle (IA) envahira l’espace de l’information cette année, à une époque d’intense volatilité politique et économique à travers le monde. » C’est par cette phrase un tantinet dramatique que s’ouvre le rapport Reuters des tendances et des prévisions du journalisme, des médias et de la technologie pour 2024. Il faut dire que cette année est celle de tous les dangers. Dans un contexte mondial où de multiples conflits armés se couplent avec une montée généralisée de l’extrême droite et une guerre informationnelle intense, il va se dérouler cette année une trentaine de scrutins présidentiels et une vingtaine de scrutins parlementaires qui vont concerner 4,9 milliards de personnes. Le journalisme de qualité n’a pas jamais été aussi nécessaire et pourtant, ce dernier est mis en difficulté dans un monde médiatique incertain, entre généralisation des outils d’IA générative et la modification des rapports de force avec les grandes plateformes sociales. Plongez dans les grandes lignes à retenir. 

Des médias de moins en moins visibles sur les réseaux

En l’espace d’un an, le trafic global des médias sur la plateforme Facebook a diminué de 48 % tandis que sur X, la chute a été de 27 % (et 10 % pour Instagram). Dans leur lutte pour le monopole de notre attention, les plateformes sociales ont décidé de nous garder captifs le plus longtemps possible en leur sein. Pour cela, les liens externes vers des articles de presse ont été invisibilisés, ce qui a mené à une perte sèche d’audience pour les médias en ligne qui avaient axé leur stratégie sur leur présence sur les réseaux sociaux. Certains titres comme Vice News ou BuzzFeed ont licencié plus d’une centaine de journalistes chacun. Cette invisibilisation s’accompagne d’un autre phénomène de fond. Les internautes se dirigent de plus en plus vers le dark social – les messageries directes comme WhatsApp ou les forums semi-privés comme Discord – pour communiquer. De ce fait, les médias vont orienter leurs efforts vers les messageries privées pour générer du trafic et notamment les canaux WhatsApp qui permettent de pousser du contenu sur des thématiques précises à leur communauté. 

La vidéo est devenue le média dominant du Web

Avec la mise à disposition d’outils de montage et d’édition de plus en plus accessible, les plateformes comme YouTube et TikTok ont ouvert la voie à une nouvelle génération de créateurs de contenus vidéo. Devenu un véritable moteur de recherche pour les internautes les plus jeunes, TikTok propose toutefois un environnement informationnel chaotique avec une profusion de comptes dédiés à l’influence politique, la désinformation ou au partage viral d’information non vérifiée. Les médias en ligne qui n’avaient pas encore sauté le pas de la vidéo sont dorénavant pressés de le faire afin de garder une forme de visibilité. Parmi les 500 dirigeants de médias interrogés par Reuters, une majorité a déclaré vouloir intensifier sa présence sur TikTok. Outre les formats courts, les podcasts filmés offrent des formats longs parfaits pour l’algorithme de YouTube ainsi que des clips pouvant servir de point d’accroche sur TikTok, X ou Short. Cette omniprésence vidéo pourrait bien brouiller les pistes entre les émissions de débats politiques traditionnelles et les podcasts politiques animés par des influenceurs comme l'ancien présentateur de Fox News, Tucker Carlson. 

L’IA pourrait encore plus perturber l’accès à l’information

L’IA permet de générer de la désinformation visuelle, ça, nous le savons déjà. Lors des élections en Argentine, des images générées par IA ont été utilisées pour dénigrer les candidats tandis qu’en Slovaquie, de faux enregistrements audios d'un candidat discutant de la façon de truquer les élections ont été publiés quelques jours seulement avant le scrutin. Si ce genre d’attaques va se multiplier, il est toutefois difficile de connaître le véritable impact sur le public. En revanche, Reuters estime que ce sont les assistants conversationnels d’IA intégré aux smartphones qui vont changer la donne et notamment la manière dont on cherche des informations. Au lieu de chercher différentes sources dans Google, certains outils comme Perplexity.ai sont capables d’afficher des résumés d’articles, mais aussi de faire une synthèse approfondie sur des sujets d’actualité. Avec un usage quotidien de 25 % pour la tranche des 18-24 ans, les outils comme celui-ci pourraient devenir les interlocuteurs privilégiés des internautes. Reste à voir comment sont entraînés ces modèles et sur quels types de source. Ainsi Gork, l’IA conversationnelle financée par Elon Musk et présentée en décembre 2023 avec pour mission de « mettre fin au virus woke » a été entraîné sur les comptes Twitter (L’IA a toute de même affirmé que les femmes trans étaient de vraies femmes, ce qui semble indiquer qu’elle est elle-même contaminée par ce fameux « virus »).

Les abonnements payants devancent la publicité

Face à une invisibilisation sur les réseaux sociaux et une diminution constante de la distribution du format papier, notamment dû à une flambée des prix des matières premières, l’abonnement payant devient pour 2024 la première source des revenus avec 80 % des entrées de revenus. La publicité n’est pas loin derrière avec 72 %, mais accuse une belle baisse de 11 points. Même chose pour les revenus issus des accords obtenus avec les plateformes sociales qui diminuent de 23 à 16 %. Avec un marché de l’abonnement de plus en plus concurrentiel, la croissance de cette source diminue ce qui devrait mener vers des forfaits regroupés incluant plus que de la simple information. Dans le cas du New York Times, le journalisme est surtout financé par des abonnements aux podcasts exclusifs, aux recettes de cuisine, aux jeux en ligne et aux critiques de série et de cinéma. 

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Normalement quand on parle de % de revenus, on est pas censé dépasser les 100%…

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