Sur TikTok, les fans de K-Pop transforment les politiques en personnages cool et sexy

Sur TikTok, les fans de K-Pop transforment les politiques en personnages cool et sexy

Punchline soulignée à coups de musique techno, ou montage saccadé entouré de cœurs mignons. Sur TikTok, les vidéos faites par des amateurs engagés font entrer la communication politique dans une nouvelle ère.

« Il a la notoriété d’un mannequin et d’un mec de téléréalité… Moi ce n’est pas vraiment sa beauté qui m’intéresse, mais plutôt son charisme. Il est gentil et drôle. » Dans le reportage d’ARTE, France : la jeunesse n’emmerde plus le RN, on découvre Cassandra, une lycéenne de 17 ans. Allongée sur son lit, elle contemple son écran de smartphone avec un regard enamouré typique. Mais au lieu d’admirer un chanteur de K-pop, Cassandra fait défiler les vidéos de Jordan Bardella sur TikTok.

Stars de la politique… et de la K-pop

On le sait depuis le dernier scrutin présidentiel : la plateforme vidéo préférée des jeunes internautes sert de support pour la communication des partis politiques. C’est notamment le cas du RN et de LFI qui ont su saisir rapidement les codes à adopter. Mais alors qu’on pourrait s’attendre à un réel travail de politisation de la jeunesse, avec une mise en avant des idées et des arguments à placer dans le débat, TikTok a fait évoluer le contenu vers des tendances bien différentes.

Le premier format le plus utilisé, c’est celui de l’exergue de la punchline. Titré « Jordan Bardella HUMILIE un ministre », ou bien « ça pique », on y voit une personnalité politique balancer une attaque sur un plateau de télévision. L’extrait est bien souvent décorrélé de l’ensemble du débat, ce qui donne l’impression que la personnalité domine constamment les échanges, même si ces derniers peuvent s’avérer médiocres sur la longueur. L’impact de la punchline est d’ailleurs souligné par l’utilisation d’une musique techno dont les basses explosent au moment de la saillie verbale. La vidéo se termine sur un montage saccadé qui suit le rythme de la musique, mettant en avant la posture dominante de la personne.

https://www.tiktok.com/@verite_immuable/video/7187801363894603014
@manuelbompard

Ca pique 🥶 Merci @La Philature 👍 #pourtoi #foryou #fyp #cnews @Manuel Bompard

♬ son original - Manuel Bompard

L’autre grand format de TikTok, ce sont les « edits », inspirés des montages qui se font au sein des communautés de fans de K-pop. Les edits reprennent les codes du montage rythmé des vidéos punchline, mais vont plutôt mettre l’emphase sur le sourire, le corps ou la beauté du personnage. La musique peut d'ailleurs se faire plus langoureuse pour souligner l’aspect sexy... Un format qui a permis des dizaines de montages alternatifs de Bardella en train d’enlever sa chemise.

L’affiliation à la culture K-pop peut d’ailleurs être parfaitement assumée, comme en témoignent ces edits qui mettent côte à côte les personnalités de la LFI avec le groupe Twice.

La gauche contre-attaque

Cantonnées à TikTok, ces vidéos sont réalisées, à la fois par les équipes de communication des personnalités politiques, mais aussi par des monteurs indépendants et militants. Si l’extrême droite a connu une certaine avance sur ce genre de format, l’accélération des évènements politiques de ces derniers jours semble avoir réveillé les comptes militants de gauche sur X. C’est le cas de Chloé Delcourt, une « maman proviseure », qui affiche régulièrement son amour pour le député LFI Sébastien Delogu. Sur son compte Edits du peuple, elle a regroupé les vidéos consacrées aux candidats du Front Populaire. « À la base c’était une blague pour reprendre les codes des fan edits et puis la machine s’est emballée », raconte-t-elle.

Elle n’est d’ailleurs pas la seule à éprouver ce sentiment d’urgence, lié notamment à la proximité du prochain scrutin législatif. Les twittos spécialisés sur ce genre de montage vidéo sont appelés publiquement pour participer à « l’économie de guerre », et déjà les premières formes d’organisation se mettent en place. Sous l’initiative de Tahzio, chroniqueur sur la radio Mouv' et fondateur du média spécialisé sur les tendances des réseaux Spotters, un serveur Discord regroupant des veilleurs pouvant trouver des vidéos sur le Web et des monteurs amateurs est en train de se monter pour produire des vidéos à la chaîne. « L’idée est de créer une sorte de "ferme de contenus de gauche" avec le but de toucher tous les réseaux », explique-t-il. On a trois axes principaux, les arguments qui doivent convaincre, la notoriété des députés et la bataille idéologique qui se dessine. » Une nouvelle guerre de communication contre l'extrême droite a donc commencé, et elle sera « gwiyeopda » (mignonne/kawaii en coréen).

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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