Instagram a profité du déclin de Tumblr pour s’approprier sa culture et ses méthodes. Objectif : créer des communautés engagées.
Le 3 décembre 2018, les utilisateurs de Tumblr découvraient effarés que leur plateforme interdisait tout contenu pornographique. Cette décision, censée donner une image plus grand public à la plateforme, a finalement précipité son déclin. Les chiffres de janvier 2019 indiquaient une division par 2 de ses audiences avec 437 millions d’utilisateurs uniques contre 642 millions en juillet 2018. La culture et les pratiques de la plateforme lui ont pourtant survécu. Et c’est sur Instagram qu’on les retrouve le plus, d’après Jean-Baptiste Bourgeois, Directeur Stratégique de l’agence We Are Social.
Pourquoi dites-vous que la culture Instagram s'inspire de celle de Tumblr ?
Jean-Baptiste Bourgeois : On s’est rendu compte que les gens partageaient de plus en plus de publications d’autres comptes dans leurs stories. Ça concernait souvent des images qui circulent assez peu sur le web et qu’on appelle des « hiddem gems ». Il s’agit de photos issues de vieux magazines de mode, de captures d’écran ou bien de GIFs extraits d’une série télévisée. Certains comptes sont spécialisés dans la publication de ces hidden gems, souvent autour de thématiques très précises comme les vêtements ou une époque en particulier. C’est une pratique semblable aux moodboards qui étaient très populaires sur Tumblr.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de comptes concernés ?
J-B. B : On recense beaucoup de comptes centrés sur la nostalgie et l’esthétique des années 90. Ultra_rare_, par exemple, se concentre sur la culture manga et les jeux vidéo, surrealsimpsons diffuse des captures d’écran de scènes surréalistes des Simpson ou bien @90sperspective est dédié aux icônes de cette époque. On retrouve aussi des moodboards très niches autour du « gorpcore » (tendance qui vise à s'afficher en vêtements de rando ou de trekking, ndlr), comme @hikingpatrol et @organiclab.zip, pensés comme des cahiers de tendances sociales et suivis par les creative directors les plus influents du monde de la mode. Ces comptes rassemblent entre 80 et 800 000 personnes en fonction des thèmes.
Ce sont des communautés relativement « restreintes »...
J-B. B : C’est une pratique qui vise justement un public très précis, à la recherche de contenus inspirants. Même si les chiffres semblent réduits, ces comptes agrègent justement une audience très engagée qui va beaucoup liker et repartager les images. Cette manière de faire des moodboards est en train de devenir une stratégie très intéressante pour les marques.
Pourquoi est-ce intéressant pour les marques ?
J-B. B : L’objectif des marques actuellement est de développer des territoires affinitaires leur permettant de recruter au-delà de leurs produits. L’exemple typique, c’est la marque Sporty & Rich qui juxtapose des publications produites à des séries de 15 ou 20 photos à la sauce Tumblr. On se demande si cette technique ne joue pas non plus sur les algorithmes. Quand les équipes passent une dizaine d’images en 24h, certaines vont cartonner et faire 10 000 likes d’un seul coup avec du partage et du commentaire. Le lendemain, la marque poste une photo produit et elle se retrouve forcément tout en haut du feed des followers, car elle profite de l’engagement généré la veille. C’est à mi-chemin entre un hack d’Instagram et une capacité à fédérer une communauté autour d’un univers commun.
Participer à la conversation