Chance The Rapper

Enrichir sa publicité avec le rap

Force du message, sens de la formule : hip-hop et publicité ont beaucoup en commun. Le rap est d’ailleurs utilisé régulièrement dans un contexte publicitaire, pour le meilleur comme pour le pire.

 

Une tribune signée Florian Perraudin-Houssard, Rédacteur pour The BackPackerz et Laurent Cochini, Managing Director chez Sixième Son.
Le hip-hop, un style musical né à la fin des années 70 dans le Bronx, quartier alors malfamé de New-York, se développe aux Etats Unis et en France à partir des années 80. Une décennie qui correspond à l’âge d’or de la publicité, mais aussi aux débuts de MTV, la première chaîne de télévision musicale.

Tandis qu’MTV et BET ouvrent à partir de 1983 un nouvel espace d’expression pour la musique afro-américaine, plusieurs annonceurs observent l’énorme influence du mouvement hip-hop sur les jeunes urbains, et invitent alors des rappeurs populaires à vanter les mérites de leurs produits à la TV.

Depuis, le hip-hop n’a cessé d’apparaître en publicité sous différentes formes, qu’il s’agisse d’ « endorsement » (lorsqu’un tiers fait la promotion d’une marque) par des artistes connus, de synchronisation musicale, de parodie ou de référence au style de vie hip-hop. Etat des lieux de l’usage de ce genre musical en publicité.

Make history

Adidas est l’une des premières marques à avoir intégré des rappeurs dans sa communication. Grâce au titre « My Adidas » , Run-DMC décroche en 1986 le premier contrat de sponsoring offert à une personnalité extérieure au monde du sport. Un succès marketing historique, raconté dans le documentaire Hip-Hop Evolution (disponible sur Netflix).

Bon promoteur, le groupe avait demandé à ses fans de porter leurs baskets à bout de bras lors d’un concert au Madison Square Garden, en présence des responsables de la marque. Conçu comme une véritable pub, le clip de « My Adidas » , montre les fameuses baskets dès les premières images, tandis que le nom de la marque est cité dans le texte plusieurs dizaines de fois.

Embed : Clip de « My Adidas » par Run-DMC

About the culture

À la fois dynamique et fédérateur, le break-dance est une porte d’entrée évidente vers la culture hip-hop pour les marques. Comme Evian, qui fait danser ses adorables bébés sur « Rapper’s Delight » de Sugarhill Gang, ou encore Mennen, qui interprète son univers moderne et viril avec les danseurs David Beaugendre et Marvin Gofin, sur un morceau de UZ.
Publicité Mennen avec David Beaugendre et Marvin Gofin
Créant des ponts entre différents éléments de la « hip-pop culture », Puma va jusqu’à porter à l’écran le footballer Antoine Griezmann (dont les mouvements de danse sont un clin d’œil au clip de « Hotline Bling » de Drake), avec en fond sonore le hit « Panda » de Desiigner. Une publicité drôle, mais loin d’atteindre la cohérence de la pub T-Mobile avec Drake pour le Super Bowl 2016.
Publicité T-Mobile pour le Super Bowl 2016 avec Drake

Don’t forget the fun

Beaucoup de marques ont utilisé les clichés du rap à des fins humoristiques. Une idée créative qui doit être bien exécutée pour ne pas « ringardiser » la marque. Les meilleures créations du genre doivent leur succès à trois critères essentiels : une bonne compréhension du langage hip-hop, le talent d’artistes crédibles et, bien sûr, un décalage assumé.

En France, on retient les campagnes Oasis Fruit Battle d’Oasis, et Pink Daddy de Daddy, dans laquelle Greg Frite, membre du fameux groupe français Triptik, donne de la voix sur le single « J’suis tout sucre » . Au-delà de nos frontières, la marque Asus tape en plein dans le mille, grâce aux vidéos virales de l’influenceur Mac Lethal pour le téléphone Zenfone Max.

Vidéo virale pour le Zenfone Max d’Asus avec Mac Lethal

Black sheep ?

En synchronisation, le hip-hop reste boudé par une majorité d’annonceurs. Pourtant, de nombreuses marques (pas uniquement celles au positionnement jeune et urbain) pourraient émerger grâce à ce style. N’oublions pas que le hip-hop, vocabulaire quasi-universel de la jeunesse actuelle, était en 2015 le style de musique le plus écouté sur Spotify.

Surfant sur le succès de morceaux connus mais peu identitaires, les marques optent globalement pour des titres mainstream, comme « Power » de Kanye West, utilisé par Paco Rabanne et Microsoft. Le doublon est malvenu, surtout quand on considère le prix d’un tel morceau. Certains osent néanmoins parier sur des artistes plus confidentiels, comme Jimmy Choo avec Leikeli47 et Apple avec Little Simz, voire sur des créations originales, comme Alfa Romeo dans son spot pour le modèle Stelvio.

Film des 20 Ans de Jimmy Choo, sur « Girl Gang » de Leikeli47

Check them out

Esthètes du verbe et maîtres de cérémonies ( « masters of ceremony » ou « emcees » en anglais), les rappeurs ont souvent un sens inné de la promotion. Quoi de plus logique que de leur donner la parole ? Une stratégie adéquate pour de gros annonceurs, qui doit respecter un alignement parfait entre la cible de la marque, son positionnement, le produit et l’artiste.

Bien qu’évidente, cette règle fait pourtant le succès de la pub d’Eminem pour les casques Beats Studio, couplée à la sortie du single « Berzerk » (2013), du spot Chrysler avec la même star de Détroit (2011), de la pub Nike SB avec et sur un titre phare d’Ice Cube (2009), des campagnes Kit Kat avec l’enfantin Chance The Rapper (2016), ou encore du spot Fnac avec le littéraire Nekfeu (2016).

Publicité pour Nike SB, avec et sur une musique d’Ice Cube
Le partenariat de Nike avec le sulfureux Joke pour la basket Air VaporMax est un autre coup d’éclat récent. Inversement, la controverse qu’a suscité la publicité Coca-Cola avec Akhenaton met en lumière une importante erreur de casting. Le style réfléchi et la gloire passée du vétéran d’IAM ne collent pas à une marque si foncièrement jeune et hédoniste.
Film Nike x Joke pour la Air VaporMax
Malgré des tentatives louables, le hip-hop est toujours clivant et mal compris en publicité sur le territoire français. Son usage en synchronisation reste majoritairement timide et consensuel. Guidées par des experts du genre et inspirées par les cas d’école étrangers, les marques ont beaucoup à gagner à s’approprier sérieusement cet univers codifié mais omniprésent dans la culture populaire.
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